Le roi du Maroc, Sa Majesté Mohamed VI, a effectué une visite d’Etat au Mali du 18 au 23 février 2014. Au cours du séjour chérifien, plusieurs activités étaient au menu: accueil à l’aéroport de Bamako-Sénou, entretiens avec les responsables politiques et civils maliens, prière à la grande mosquée de Bamako, signatures de protocoles d’accord, visites de chantiers, etc.
A l’accueil du roi, à l’aéroport de Sénou, comme lors de la prière à la grande mosquée de Bamako, on notait, en plus de celle des corps constitués, la présence de plusieurs leaders religieux dont le célèbre prêcheur Ousmane Madani Haidara. A Sénou, Haidara se tenait au tout premier rang des dignitaires religieux mobilisés pour l’accueil: le roi lui serra vivement la main. Lors de prière à la grande mosquée de Bamako, un seul homme séparait, dans le rang, le prêcheur Haidara du monarque marocain. Outre Haidara, d’autres leaders religieux ont côtoyé le roi, notamment Monseigneur Jean Zerbo, l’archevêque de Bamako, qu’on a vu sur les images de l’ORTM en train d’être présernté au roi pare IBK lui-même.
Absence remarquée
Pourtant, à aucune cérémonie, on n’a vu l’imam Mahmoud Dicko, le président du Haut Conseil Islamique (HCIM). Il n’a même participé ni à l’accueil du roi, ni à la prière à la grande mosquée, ni à la cérémonie de remise de 10.000 exemplaires du Coran à la communauté musulmane du Mali, ni au dîner d’Etat offert au roi par le président IBK. Cette absence étonne car tout militait plutôt pour la présence de l’imam Dicko aux côtés du roi. En effet, Dicko est le premier responsable des musulmans du Mali en tant que leader du HCIM. Quant au roi, il est, certes, un chef d’Etat, mais il porte surtout le titre de « commandeur des croyants » et descend, selon l’hagiographie officielle, du Prophète Muhammad (paix et salut sur lui). De plus, Mahmoud Dicko n’a jamais été ignoré dans aucune activité comportant une dimension religieuse : il était, par exemple, là quand feu Mouammar Khaddafi , le Guide libyen, avait célébré le « Maouloud » (anniversaire du Prophète-psl) à Tombouctou. C’est aussi lui qui occupe le devant de la scène chaque que les musulmans s’adressent au public ou aux autorités à l’occasion des fêtes, du ramadan ou des débats sur le code de la famille. Pourquoi donc Dicko était-il absent aux cérémonies impliquant le roi du Maroc ?
Raisons d’une absence
Notre enquête nous a permis de savoir que l’imam Dicko était bien présent à Bamako durant tout le séjour royal. Selon l’entourage de Mahmoud Dicko, celui-ci n’a participé à rien car il n’a reçu aucune invitation à aucune cérémonie impliquant le roi. Aucune invitation ne lui a été adressée ni par le ministère en charge des affaires religieuses, ni par le protocole de la République, récemment rebaptiusé protocole d’Etat. « Il y a tout lieu de penser que le roi ne désirait pas la présence de Mahmoud Dicko à ses côtés, commente une source diplomatique; en effet, avant tout déplacement du roi, une liste des personnes qu’elle doit rencontrer lui est soumise et il a la liberté de gommer les noms des personnes qu’il ne souhaite pas rencontrer. La même faveur est accordée, selon les usages, à tout chef d’Etat étranger qui se rend dans un pays.« .
Pourquoi le roi tiendrait-il à éviter de rencontrer Dicko ? La seule raison que les spécialistes nous suggèrent, c’est que le roi du Maroc est attaché à l’islam malékite alors que Mahmoud Dicko est, de notoriété publique, un pur dignitaire de l’islam wahhabite. « Le roi vient d’offrir une bourse d’études à 500 imams maliens; il travaille à la promotion de l’islam malékite qui passe plus modéré que l’islam wahhabite; il a donc des raisons personnelles, politiques et religieuses d’éviter de s’afficher aux côtés de Mahmoud Dicko, lequel est beaucoup plus proche des monarchies wahhabites du Golfe persique », analyse une de nos sources qui fait le parallèle entre l’abnsence de Dicko et l’assiduité du malékite Haidara aux côtés du monarque marocain. Or si le roi ne veut pas rencontrer une personnalité, les autorités maliennes ne peuvent l’y obliger; surtout que le roi ne vient pas les mains vides…
Simple oubli ?
Si cette explication ne manque pas de pertinence, il ne faut pas cependant exclure la possibilité d’un oubli. En effet, les relations d’amitié entre IBK et Dicko sont un secret de polichinelle. De surcroît, nos sources nous apprennent que le protocole de la République a, au dernier moment, offert une invitation à Dicko pour le dîner offert au roi dans la nuit du vendredi dernier. Voyant qu’il avait été ignoré lors des cérémonies les plus importantes, l’imam Dicko a préféré ne pas répondre à l’invitation à dîner. Alors question: les autorités ont-elles espéré que l’imam Dicko réagirait ainsi ? Ou bien avaient-elles vraiment oublié d’inviter Dicko aux cérémonies ayant précédé le dîner ? Enfin, auraient-elles pris le risque d’inviter Dicko à dîner si le roi l’avait interdit ?