Ses partisans viennent de demander au président de la République de rejoindre le Mali pour gérer la transition. Un retour qui n’est pas sans risque mais qui pourrait permettre de définir les rôles de chaque organe.
Des responsables du Front de défense de la démocratie et de la République (FDR, front du refus) auraient officiellement demandé au président de la République de rejoindre enfin le bercail. Depuis son agression, le 21 mai dernier, Dioncounda Traoré, parti en France pour des soins, n’a pas mis les pieds dans son pays. Aux yeux de ses amis politiques, et poursuivant leur logique d’ordre constitutionnel, le retour du président Traoré pourrait remettre sur les rails la transition pour laquelle tous réclament la formation d’un gouvernement d’union nationale. Mais ce retour pourrait également occasionner plus de problèmes qu’il n’en résoudrait car il poserait, avant toute chose, la question cruciale de prérogatives entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement.
Cela n’a échappé à personne : Cheick Modibo Diarra qualifie toujours Dioncounda Traoré de président de la République «par intérim» et se qualifie lui-même de Premier ministre «de la transition». Il est dans son rôle, plus exactement dans celui que lui a assigné l’accord-cadre signé le 06 avril, dans le feu de l’action des sapeurs pompiers, entre le Cnrdre (Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat) et la Cédéao (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest). Un accord-cadre qui parle d’un «président par intérim» et d’un «chef de gouvernement avec pleins pouvoirs». C’est dans ce contexte flou que, conformément à l’article 36 de la Constitution, suspendue le 22 mars et rétablie le 1er avril, Dioncounda Traoré alors président de l’Assemblée nationale a prêté serment le 12 avril pour un intérim de quarante jours maximum. Mais puisque dans la même période l’accord-cadre mentionne aussi la nomination d’un Premier ministre de transition, le flou a été savamment entretenu jusqu’à ce jour. Et pourtant, entre temps, il y a eu, le 15 avril, la conférence des forces vives de la nation malienne dont la déclaration recommande «que la question du président de la transition soit réglée conformément aux dispositions de l’accord-cadre» Du reste, lors de cette concertation, il n’ a été question que du «respect de la Constitution du 25 février et de l’accord-cadre du 06 avril»
Mais ces deux «lois fondamentales» du Mali seront violées très souvent, notamment le 17 avril avec la désignation d’un Premier ministre chef de parti, sans consultation des «parties prenantes» mentionnées dans l’accord-cadre, le 24 avril avec la formation d’un gouvernement sans consultation a fortiori participation de la classe politique, le 20 mai avec la reconduction de Dioncounda Traoré cette fois comme président de la transition. Un poste non prévu par la Constitution qui ne sait pas ce que transition veut dire, et par l’accord-cadre qui ne le mentionne même pas dans les organes de la transition.
En revanche, le Cnrdre et la Cédéao ont bien prévu un Premier ministre doté de «pleins pouvoirs» pour la période de transition. Mais leur texte n’est pas plus explicite sur la qualité de ce super chef de gouvernement. D’où cette question : est-il l’autorité suprême même en présence d’un président de transition, autrement dit détient-il plus de pouvoirs que le président de transition ?
Si l’accord-cadre est flou là-dessus, les discours, faits et geste de Cheick Modibo Diarra, ces derniers mois, en disent long sur ce que lui-même croit être ses pleins pouvoirs : avec les marches de protestation récentes, il a été donné aux citoyens de se rendre compte que le Premier ministre, lui, est très bien gardé par la troupe ; il se donne latitude de former un gouvernement d’union mais fait fi des recommandations ou de l’avis du Fdr, de convoquer des assises nationales sans définir qui y participera et à quel sujet.
Cheick Modibo Diarra a également élaboré, sans consulter les parties prenantes, ce qu’il apelle une feuille de route de la transition qu’il compte faire adopter par l’assemblée nationale, en oubliant que le parlement est dominé à une large majorité par les députés des partis du Fdr capables, tout au long de la transition, d’entraver l’action gouvernementale. Sa feuille de route n’étant pas le programme de gouvernement de ces partis, notamment l’Adéma et l’Urd, ceux-ci s’y plieront-ils aisément ? Au cas où Dioncounda Traoré reviendrait l’acceptera-t-il au détriment de son propre projet de société ?
Il y a une autre question qui n’est posée ni dans la Constitution ni dans l’accord-cadre : en cas d’empêchement définitif du président de la transition qui doit le remplacer dans ses fonctions ? Il urge de trouver une réponse à cette éventualité car, à l’heure actuelle, il est peu probable que Dioncounda Traoré revienne avant la fin de la période de transition, sa convalescence terminée, il craignerait toujours pour sa sécurité.