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Journée mondiale des hépatites, 28 juillet, édition 2012 : L’espoir panafricain fait un clin d’œil sur cette endémie grave au Mali
Publié le vendredi 27 juillet 2012   |  Le relais


Humanitaire
© AFP par DR
Humanitaire : crise alimentaire aggravée par le conflit au Mali
Jeudi 19 Juin 2012. Sahel Nord du Mali, Photo : maman des enfants touchés par la malnutrition


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Santé 2012
L’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime à 400 millions le nombre de porteurs chroniques du VHB (Hépatite B) et 200 millions pour le VHC (Hépatite C). Le nombre de porteurs chroniques en Afrique pour le VHB et le VHC est de plus de 65 millions. Les taux de mortalité pour les personnes atteintes sont de l’ordre de 30% sans traitements.


M. Bertrand Livinec, président de l’ASEB
L’hépatite virale B est une infection liée à la transmission du virus en particulier par voie sanguine ou sexuelle. En Afrique la contamination mère-enfant pendant la période néo et périnatale et la transmission horizontale sont des modes majeurs de transmission.

L’hépatite C est une infection principalement liée à une contamination sanguine.

Les taux de prévalence au Mali sont très élevés. Depuis le début des années 2000, des séances de dépistage ont révélé des taux compris entre 15 et 20% pour l’hépatite B et entre 4 et 5% pour l’hépatite C. Le Mali fait partie des pays les plus touchés par cette pandémie.

La communauté internationale célèbre la journée mondiale contre les hépatites le 28 juillet. Pour nous parler des hépatites au Mali et des initiatives en Afrique, nous interviewons Mr Bertrand Livinec, qui est Président de l’association ASEB (Action Santé et Education pour Bougouni) et qui travaille sur les questions d’organisation de l’IPLH (Initiative Panafricaine de Lutte contre les Hépatites).

L’interview !

Question : Dans la lutte contre les hépatites, quelles sont les actions entreprises par l’ASEB dans les trois (3) cercles : Bougouni, Kolondiéba et Yanfolila ?

Bonjour Mr Koné et merci tout d’abord pour cette invitation à parler des hépatites à l’occasion de la journée mondiale des hépatites. Le contexte actuel est douloureux pour le Mali, mais nous devons également veiller à traiter les questions majeures de santé publique.

Il faut rappeler que notre association l’ASEB a démarré ses activités à Bougouni il y a 6 ans suite au décès de mon épouse, née à Bougouni, d’une hépatite B. Nous y ouvrons d’ailleurs notre maternité juste après le ramadan. Maintenant, sur les trois cercles de Bougouni, Yanfolila et Kolondiéba, nous n’avons malheureusement pas pour le moment d’activités particulières sur les hépatites et je vais vous expliquer pourquoi.

J’ai commencé à m’intéresser aux hépatites il y a 3 ans quand j’ai découvert que la prévalence aux des hépatites B et C (qui sont les plus dangereuses pour la santé) dépassait les 20% de la population malienne, ce qui en fait l’un des pays les plus touchés au monde; avec des taux de mortalité élevés si aucun traitement n’est administré. A cette époque j’ai rencontré à Paris le Pr Philippe Reinert qui dirige bénévolement depuis 30 ans la revue médicale Développement et Santé, impliquant de nombreux confrères africains, dont le but est de diffuser de l’information médicale aux praticiens en situation isolée, en particulier en Afrique. Il m’a notamment présenté les différences de calendrier vaccinal contre l’hépatite B entre l’Asie du Sud (vaccination à la naissance) et l’Afrique Sub-saharienne (vaccination à partir de la 6ème semaine seulement) ; ce sont deux des grandes zones de pandémie de l’hépatite B au niveau international; ça m’a fortement interpellé et c’est ainsi que j’ai commencé à m’impliquer sur cette pathologie.

Par ailleurs, j’ai rencontré au Mali des acteurs de lutte contre les hépatites, en particulier Madame Touré Djénéba Samaké (Présidente de SOS Hépatites Mali) et le Pr Anselme Konaté (Gastro-entérologue, association SOMMAD et SOS Hépatites Mali) qui ont une action citoyenne sur le sujet. Nous avons travaillé ensemble sur plusieurs actions depuis 3 ans. Madame Touré, rescapée d’une hépatite C et bien qu’en retraite, s’est beaucoup dépensée courageusement ces dernières années pour la sensibilisation des autorités, mais tant que l’action publique ne suit pas cela reste très difficile comme tâche.

Fin 2010, j’ai pris attache avec les associations de patients du monde francophone, et constaté qu’en Afrique sub-saharienne les difficultés étaient partout les mêmes. Puis, j’ai rencontré début 2011 le Pr Aminata Sall Diallo qui dirige le Programme National de Lutte contre les Hépatites au Sénégal depuis 1999. Cette rencontre a été le déclic pour discuter des problèmes graves des pays africains face à cette grande pandémie très sous estimée.

Considérant qu’aucun pays africain ne peut agir seul contre les hépatites, nous avons avec le Pr Sall Diallo défini une stratégie panafricaine qui a démarré avec la conférence internationale de Dakar qu’elle a organisée fin juillet 2011. Un plaidoyer pour les hépatites en Afrique appelé APPEL DE DAKAR a été lancé et a eu un écho significatif permettant de faire bouger les lignes. Et depuis un an nous nous sommes employés à créer ex nihilo un réseau panafricain impliquant des spécialistes de Ministères de la Santé, des Professionnels de Santé et des Associations de Patients de 20 pays africains francophones. L’un des mérites du Pr Sall Diallo a été de définir une vision stratégique très structurée avec une approche holistique et inclusive ; tous les pays sont sur le même pied d’égalité.

Notre but est de pouvoir déployer à terme sur les pays d’Afrique Francophone (dans un premier temps) des politiques publiques qui appréhendent correctement les hépatites. Nous avons ainsi lancé cinq groupes de travail panafricains sur l’épidémiologie, la prévention, le dépistage, la prévention, la vaccination, qui auront pour objectif de définir des consensus scientifiques spécifiques aux pays africains et qui pourront servir aux Etats sous forme de recommandations.

C’est un vaste chantier qui implique directement plus de 150 acteurs en Afrique, ainsi que des spécialistes reconnus des hépatites en France. Je tiens à préciser que tous ces acteurs engagés au sein de l’IPLH sont bénévoles à 100%. Si nous ne faisions pas toute cette démarche et pour revenir à votre question initiale, des travaux de terrain à Bougouni, Yanfolila et Kolondiéba auraient très peu d’impact et nous ne disposerions que de mauvais outils. Maintenant, des recommandations panafricaines scientifiques seront formulées d’ici un an, celles qui seront adoptées par les pays africains auront un impact sur l’ensemble des populations, dont celles du sud du Mali. C’est une démarche globale de santé publique, pas orientée vers des projets.

Il faut enfin préciser que depuis l’APPEL DE DAKAR, de nombreuses initiatives ont été prises en Afrique. Nous avons enregistré la baisse des prix de certains médicaments sur un certain nombre de pays, plusieurs Ministères de la Santé ont pris des initiatives fortes, des actions nouvelles de prévention ont été lancées, les media s’intéressent véritablement au sujet des hépatites, et surtout la coordination des acteurs est en marche.

Question : Sous quel signe l’ASEB a placé l’édition 2012 de la journée mondiale de la lutte contre les hépatites ?

Sous le signe de la coopération panafricaine. Nous le voyons sur les hépatites, il y a des potentiels de coopération très importants entre pays africains, en particulier dans le domaine de la santé. C’est plus facile de mettre en œuvre des pratiques qui ont bien réussi dans un pays africain et de les déployer sur des pays voisins, plutôt que de tenter d’adapter des pratiques externes au continent africain avec des problématiques de santé radicalement différentes. Les nouvelles technologies de l’information sont largement disponibles en Afrique et peuvent maintenant faciliter la diffusion des meilleures pratiques du continent.

C’est ce qui a poussé le Pr Sall Diallo à imaginer la conférence au Sénégal l’année passée avec l’APPEL DE DAKAR, puis de lancer l’IPLH. Non seulement cette idée était novatrice en Afrique, mais force est de constater qu’elle a été depuis reprise par des organisations internationales qui font maintenant la promotion des stratégies régionales dans la lutte contre les hépatites. Il faut reconnaître qu’il y a un manque d’organisations africaines de poids indépendantes dans le domaine de la santé, dans le champs non publique le terrain est principalement occupé par des organisations internationales, qui mises bout à bout constituent une force très significative, leur influence est importante en particulier dans le domaine de la communication qu’elles maîtrisent parfaitement.

Le regard occidental sur l’Afrique doit évoluer et il faut laisser les africains penser leurs propres stratégies, dans le cas contraire on déresponsabilise les africains et on fait de très mauvais choix; également il faut que les africains fassent davantage confiance à leurs pairs et renforcent leurs synergies. Les organisations internationales qui évoluent en Afrique doivent viser l’autonomisation des acteurs africains, pas le renforcement de leur propre leadership en satellisant les acteurs africains pour renforcer leur propre pouvoir; c’est une question très importante pour les années à venir qui lie directement souveraineté et développement. Lorsqu’on veut évaluer une stratégie il faut tout d’abord se demander où se trouve le centre de décision, si le centre de décision se trouve en dehors du continent concerné, je me poserais des questions sur la pertinence de la stratégie et sur la véritable volonté de mettre en valeur les ressources humaines de ce continent et de transférer le pouvoir opérationnel vers des instances publiques des pays.

Il est ainsi fondamental que les experts africains soient eux-mêmes en situation de pilotage des plans qui vont ensuite être appliqués pour leurs populations. Cette initiative est dirigée par une Africaine, le Pr Sall Diallo, qui a une grande expertise scientifique et une longue expérience concrète sur le terrain, et sur tous les pays impliqués nos Points Focaux sont dirigés par des Africains qui coordonnent les actions. Nos co-animateurs des groupes de travail scientifiques sont pour moitié des experts africains qui connaissent parfaitement leurs environnements et pour moitié des experts français qui apportent leur regard international, mais la primauté reste à définir des plans solides qui s’intègrent correctement dans les politiques de santé africaines.

Si aujourd’hui les hépatites au Mali mais également sur d’autres pays africains sont mal appréhendées, c’est probablement que les Africains ont été insuffisamment impliqués au départ et qu’on n’a pas correctement abordé certaines priorités de santé publique. A titre indicatif, la prévalence VIH/Sida est de l’ordre de 1,3% au Mali, celle des hépatites de plus de 20%; d’un côté il y a des moyens substantiels et de nombreuses organisations qui y travaillent (ce qui est normal), de l’autre très peu alors que le nombre de décès des hépatites est plus important que le nombre de décès du VIH/Sida au Mali.

Donc, l’Initiative Panafricaine de Lutte contre les Hépatites (IPLH) est une dynamique africaine qui implique les acteurs à la base d’une manière inclusive et qui place tous les pays participants sur un pied d’égalité, en respectant totalement leur souveraineté par le biais de notre force de proposition. C’est important de proposer mais de ne pas imposer des recommandations, sinon la notion même de souveraineté devient caduque. Il faut également faire remarquer qu’il y a un grand nombre de professionnels africains de qualité dans la santé en Afrique, nous avons de bonnes ressources. Depuis l’APPEL DE DAKAR, le niveau de gravité des hépatites a changé de statut sur bon nombre de pays; nos amis les journalistes ont eu à ce titre un rôle déterminant dans l’alerte et l’information du grand public.

Si on met de côté l’aspect politique du panafricanisme, et que l’on reste dans un registre purement pragmatique, cela reste un moyen facile de mutualiser des ressources pour des Etats à un coût réduit, de partager les meilleures pratiques d’environnements proches, et de facto de renforcer leur souveraineté.

Question : Pourquoi une journée mondiale le 28 juillet ?

Le découvreur de l’hépatite B, le Pr Baruch Samuel Blumberg, est le né le 28 juillet 1925. D’origine américaine, il a été prix Nobel pour ses travaux en 1976.

Mais il faut savoir que dans l’histoire de l’hépatite, français et africains ont été particulièrement importants. Le premier vaccin au monde contre l’hépatite B a été mis au point par le français Philippe Maupas (Centre hospitalier de Tours, France) avec une équipe sénégalaise. Ainsi en 1975, le Pr Maupas après des premiers essais en France met en place une collaboration avec la faculté de Médecine et de Pharmacie de Dakar avec le doyen Iba Diop Mar pour lancer le programme de recherche « Prévention Hépatite – Hépatome » avec pour objectif la prévention de l’infection contre l’hépatite B par la vaccination des nouveaux-nés. Cette équipe franco-sénégalaise a ainsi travaillé pendant deux ans pour mettre au point un vaccin et la première vaccination contre l’hépatite B chez un jeune enfant a été effectuée à Niakhar au Sénégal en septembre 1978.

Par rapport à tout le travail de sensibilisation que nous faisons sur la vaccination à la naissance, savoir que le premier nouveau-né vacciné au monde contre l’hépatite B l’a été en Afrique, a une symbolique particulièrement forte.

Donc nous commémorons le 28 juillet 2012 les travaux d’un scientifique américain. Mais de la manière dont on relit l’histoire, nous pourrions également commémorer un français, ou bien des sénégalais. Toujours est-il que l’Afrique est pleinement entrée dans l’histoire et depuis longtemps, en particulier sur le plan scientifique. C’est dommage que ses scientifiques ne soient pas plus valorisés, je crois que ce serait important de le faire pour les jeunes générations d’africains.

Dans tous les cas, avec l’IPLH nous poursuivons cette histoire de la coopération scientifique sur les hépatites entre africains et français au travers de nos groupes de travail panafricains. Et sur notre site internet panafricain, nous voulons à l’avenir valoriser le travail de ces scientifiques africains.

Et dernier point. Une journée mondiale sur les hépatites c’est très utile afin de braquer les projecteurs sur cette pandémie, mais c’est tous les jours de l’année qu’il y a de nouvelles contaminations et de nouveaux décès des hépatites.

Question : Enfin quels sont les défis qui s’imposent dans la lutte contre le fléau au Mali ?

Les défis au Mali sont de taille. 20% de prévalence dans la population, c’est à dire 3 millions de personnes infectées; avec seulement quelques dizaines de patients pris en charge ces dernières années (sans compter que les traitements sont parfois stoppés faute de médicaments). La vaccination contre l’hépatite B doit être renforcée, le taux de vaccination des enfants est insuffisant (environ 70% officiellement) et la première injection est trop tardive ce qui ne limite pas les risques de transmission mère-enfant. L’OMS recommande depuis octobre 2010 la vaccination universelle dès la naissance, c’est à dire sous 24h.

Il faut également mettre en place des outils de surveillance épidémiologique, des outils de prévention adaptés au contexte malien, renforcer le dépistage, améliorer les traitements des malades dont peu sont encore pris en charge.

Il y a un énorme travail de prévention à faire au Mali pour éviter que les gens ne se contaminent. On peut être contaminé par le virus de l’hépatite B au moment de la naissance, par voie sexuelle, par les virus des hépatites B ou C lors d’accidents d’exposition au sang, par transfusion de sang non sécurisé, par usage de matériels de santé souillés, lors de pratiques traditionnelles (circoncision, excision, scarification, tatouage), lors d’échange intra-familiaux d’objets usuels (lame de rasoir, brosse à dents, etc…) ou par échange de seringues chez les usagers de drogues. Donc c’est multiforme et la prépondérance du mode de contamination d’un pays à l’autre varie sensiblement. Sur le site de l’IPLH (www.hepatitesafrique.org), nous donnons des informations sur les modes de contamination des hépatites B et C qui sont souvent mal connues, que ce soit de la population générale, mais également des praticiens non spécialistes.

Encore une fois, grâce à la coopération panafricaine, des transferts de compétence très rapides peuvent s’opérer et des actions efficaces mises en œuvre. Il n’y a que l’action publique qui puisse piloter ce type de chantier et coordonner les différents acteurs. Le Sénégal, grâce à son programme national, a vu la prévalence à l’hépatite B baisser de 17% à 11% entre 1999 et 2012; cela démontre qu’on peut avoir des résultats probants avec des solutions internes. Des pays voisins du Mali comme le Sénégal, mais également la Côte d’Ivoire et maintenant la Mauritanie ont un programme national de lutte contre les hépatites.

L’objectif n’est pas de mettre en place un nouveau programme vertical comme cela existe déjà sur certaines pathologies. Mais de pouvoir, au travers de programmes nationaux de lutte contre les hépatites, mettre en place des mesures transversales aux structures de santé existantes pour empêcher au maximum toute nouvelle contamination et suivre de la façon la plus optimale les personnes déjà infectées. Si on considère que seul un Ministère de la Santé peut avoir une action systémique, il faut favoriser le développement d’actions publiques volontaristes, avec une bonne coordination avec les autres acteurs indépendants; et surtout éviter la dispersion des énergies et les stratégies hétérogènes.

Question : Comment peut-on développer une nouvelle initiative panafricaine alors qu’il y a une crise économique internationale ?

La crise économique rend effectivement plus difficile l’accès à des fonds financiers internationaux. Cependant, on peut considérer que le bénévolat est une ressource économique importante et dès lors que vous pouvez réunir un grand nombre de personnes désireuses d’offrir de leur temps pour concourir à un meilleur bien être des populations, il est possible de mener des projets ambitieux.

La matière grise existe en Afrique, il y a des talents dans le domaine des hépatites sur tous les pays africains, l’addition du temps de bénévoles compétents et capables de travailler de manière coordonnée permet ainsi d’avancer. Aucun bénévole impliqué sur l’IPLH n’a demandé de rétribution, chacun a bien compris qu’il peut mettre ses compétences au service d’une cause majeure.

C’est une initiative citoyenne, tout comme vous pouvez avoir des informaticiens bénévoles qui développent des logiciels libres pouvant ensuite être téléchargés gratuitement à partir d’internet et utilisés par n’importe qui dans le monde. Le principe est le même, des experts des hépatites de nombreux pays africains et quelques experts français se mettent ensemble pour développer des outils et des recommandations scientifiques où les états pourront venir se servir gratuitement ; nous n’imposons rien aux Etats qui sont souverains.

Le résultat est que les personnes qui s’impliquent volontairement peuvent avoir la satisfaction collective et individuelle d’avoir sensiblement fait avancé la lutte contre les hépatites et donc sauver un très grand nombre de vies en Afrique, c’est une satisfaction qui se suffit à elle-même et ne demande pas de compensation financière, c’est valorisant sur le plan personnel.

Question : Mais comment financer la lutte contre les hépatites au Mali, notamment pour les traitements ?

On parle souvent de dépenses de santé mais peu d’investissements de santé. Or investir dans la santé est l’un des piliers du développement. Les marges de manœuvre financières existent. Le Mali investit environ 8% de son PIB dans la santé alors que le Rwanda est à près de 15% conformément aux accords d’Abuja de 2001 qui invitaient les pays africains à atteindre cet objectif. Le Rwanda qui investit beaucoup dans la santé a vu sa mortalité infanto-juvénile baisser de manière particulièrement sensible ces dernières années.

Par ailleurs, les inégalités sociales élevées que l’on constate au Mali sans y être spécifiques, et que l’on peut mesurer notamment au travers d’indicateurs comme le coefficient de Gini, montre qu’il y a de la place pour des stratégies fiscales permettant une meilleure solidarité entre classes sociales afin d’alimenter les fonds nationaux de santé. N’oublions pas que les hépatites tuent un grand nombre de personnes entre 30 et 60 ans, c’est à dire à l’âge productif c’est donc à la fois une question de santé publique et également économique.

Il convient aussi de rappeler que les inégalités sociales les plus faibles au monde se situent dans les pays scandinaves, ils sont également parmi les meilleurs au monde sur le plan éducatif et de la santé. C’est une piste de réflexion intéressante pour tous les pays, en Afrique ou ailleurs (même en France), qui souhaitent améliorer sensiblement leurs statistiques de santé et d’éducation, grâce à une meilleure répartition des richesses internes. Sur un plan historique, quels que soient les niveaux de vie des pays ou des continents, quelles que soient les cultures, la compression des inégalités et l’investissement dans la santé et l’éducation donnent des résultats de manière mécanique.

L’idéal serait un mixte entre de nouvelles ressources internes des pays africains, et un complément international, qui pourrait aussi se faire via une baisse de prix des vaccins, des outils de dépistages, et des médicaments.

Question : A quand la fin des hépatites sur Bougouni, Yanfolila et Kolondiéba ?

La prévalence des hépatites sur les cercles de Bougouni, Yanfolila, Kolondiéba – région particulièrement touchée au Mali, certaines études ponctuelles relevant des prévalences de 25 à 30% pour l’hépatite B – baissera significativement lorsque les politiques publiques à l’échelle du pays seront renforcées. Partir sur des stratégies basées uniquement sur des projets de terrain est bien plus couteux et moins efficaces qu’une vision globale pour l’ensemble du pays, voire au niveau panafricain. Et il faut également savoir que sur ces trois cercles la mortalité infanto-juvénile est très largement supérieure à 20%, ce qui est considérable et indique qu’il faut parallèlement un renforcement significatif des dispositifs de base de santé si l’on veut être efficace après sur la prévention des hépatites. Investir massivement sur des pathologies ciblées en délaissant le système de santé de proximité n’est pas très productif, il faut viser des stratégies intégrées. Maintenant, il vaut également mieux aider des associations déjà existantes comme SOS Hépatites Mali à grandir et à se déployer sur le territoire national plutôt que d’initier de nouvelles activités parallèles.

En partant de Bougouni, on peut ainsi découvrir les problématiques de santé sur le plan national, voire continental; et on rencontre des experts africains très compétents et motivés, des responsables d’associations de patients dévoués, des agents de l’état qui ont le sens de l’intérêt général, des personnes qu’il faudrait davantage écouter. Ma conviction est que c’est la coopération des acteurs africains qui finalement pourra apporter des solutions adaptées, applicables et les moins couteuses pour les populations de Bougouni , du Mali et d’Afrique. En ayant une vision et une stratégie claires, en faisant travailler les experts de 20 pays africains sur les hépatites, on atteint la masse critique scientifique d’une zone de 350 millions d’habitants, et nous aurons des résultats. Cette démarche fonctionne pour les hépatites, mais elle devrait également marcher pour d’autres problématiques; c’est principalement une question de volonté.

Et pour conclure, en ayant une pensée bien évidemment pour les populations du Nord du Mali, je considère que pour réussir à traiter les hépatites à Bougouni il faut commencer par avoir en tête Bougouba. I ni ce.

Pour nous contacter : Email : info@hepatitesafrique.org

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