Vendredi, dans les halls de la Primature où a eu lieu l’enregistrement du débat télévisé pour ses 100 jours à la tête du gouvernement, Cheick Modibo Diarra est passé à côté de la plaque mettant au grand jour son incapacité à être l’homme de la situation.
Chaque fois que le Premier ministre ouvre la bouche, c’est le sinistre. Ayant bouclé ses 100 jours à la tête du gouvernement le 24 juillet 2012, Cheick Modibo Diarra était, sans raison, aux anges le vendredi 27 juillet 2012 lors du débat télévisé au cours duquel il a fait le bilan des actions de son gouvernement pendant les 100 jours passés aux affaires.
S’il y a quelque chose à retenir de ce débat diffusé samedi soir sur les antennes de « Bozola », c’est l’autoglorification du Premier ministre. Le Mali, semble-t-il dire, est bon, beau et souverain pour la première fois dans son existence. Son contentement réside dans le fait que malgré la fermeture du robinet par les partenaires techniques et financiers, le Mali parvient à se tirer d’affaire en payant régulièrement les salaires des fonctionnaires. Et de continuer : « C’est la première fois que le Mali tourne à partir de ses propres ressources« .
C’est vraiment dommage d’entendre un tel raisonnement de la part d’un Premier ministre qui se veut conséquent et respectueux de son peuple. L’Etat n’est pas que le paiement des salaires. L’Etat est un tout : c’est le public, c’est le privé. Combien d’entreprises privées ont mis la clef sous le paillasson depuis les événements du 22 mars 2012 ?
Combien de chefs de famille vadrouillent aujourd’hui, faute d’emploi ? Et qu’est-ce que l’Etat est en train de faire pour la reprise des activités des sociétés et entreprises qui ont fermé boutique ? Le public et le privé sont complémentaires. Peu soucieux du sort de ces autres Maliens, le payement des salaires des agents de l’Etat est suffisant aux yeux du PM.
Et ce n’est pas la presse qui l’ébranlera encore moins les « critiques stériles« puisque pour Cheick Modibo Diarra son gouvernement est le meilleur que le Mali ait jamais eu. « Il est composé d’hommes et de femmes de valeur« .
L’autre révélation de taille faite par le Premier ministre et qui fait sa fierté et la grandeur de son gouvernement, c’est que ses ministres sont à trois mois sans salaire. Mais que Cheick Modibo Diarra nous dise de quoi vivent-ils alors ses ministres ? Le salaire est un droit. Si l’Etat parvient régulièrement à payer les salaires pourquoi pas ceux des ministres également ? Ne sont-ils pas au service du Mali ? Quelle contradiction flagrante !
A la Primature, il y a des sujets qui fâchent. Notamment celui relatif au remaniement ou à la démission du PM. Sur ce point Cheick Modibo, a été on ne peut plus clair : « Je ne démissionnerai pas« prouvant ainsi qu’il est bien adossé et qu’en aucune manière il ne peut être révoqué de ses fonctions. Pourtant, nul n’est indispensable.
Un boulet aux pieds du Mali en crise
S’agrippant à son fauteuil comme à une bouée de sauvetage, le PM a jeté une pierre dans le jardin du FDR en laissant entendre que si les politiques veulent rentrer qu’ils le disent clairement au lieu de s’agiter. « S’il faut créer 200 ministères pour qu’ils rentrent, je suis prêt à le faire« . Des propos peu amènes de la part d’un chef du gouvernement. Surtout que l’élargissement du gouvernement est une exigence de la Cédéao dont lui-même tire sa légitimité s’il en reste encore.
Ses rapports avec Kati ? Ils sont bons et il ne s’en cache pas. C’est ce qui explique ses joutes oratoires avec la Cédéao et la classe politique malienne. Sur la gestion de la crise du Nord, le Premier ministre a fait des aveux d’impuissance. Avouant que les islamistes sont enracinés dans cette partie du pays il y a plus d’une décennie, le PM a admis que « ce n’est pas en 3 mois qu’on pourra les faire partir. C’est une question de décennie« .
Le masque est tombé. A l’analyse de ce propos, on peut dire qu’il faut encore des années pour déloger les islamistes alors que l’une des missions à lui assignées est la libération du Nord. Nous sommes loin de sortir de l’auberge si telle est la conviction d’un Premier ministre investi de cette tâche. De la même manière, il n’a pipé mot du chronogramme de l’organisation des élections transparentes qui constitue sa 2e mission.
Sur les enquêtes concernant l’agression du président de la République par intérim, le PM a semblé être le facteur bloquant du moment où il reconnaît que c’est lui qui a instruit aux enquêteurs d’aller doucement. Au nom de la séparation des pouvoirs, il n’a pas à intervenir ou à influer sur la démarche de la justice. Le PM devra laisser celle-ci faire son travail au rythme qui lui convient.
Après trois mois et 10 jours passés à la Primature, Cheick Modibo Diarra laisse l’image d’un Premier ministre qui a échoué à partir du moment où il laisse entrevoir que la libération des régions occupées ne se fera pas de sitôt. Pour tout dire, il n’y a pas à attendre grand-chose de cet homme.
Mohamed Daou