Groupe de Réflexion pour la contribution de la presse dans la résolution de la crise centrafricaine (GRCPRC): Manifeste pour la Solidarité avec nos confrères centrafricains
Publié le vendredi 28 fevrier 2014 | Le Républicain
La République centrafricaine est plongée dans une crise multidimensionnelle. Cette crise politico-sociale doit sa complication et sa complexité au caractère religieux qu’elle a revêtu.
Notre pays, le Mali qui a vécu l’expérience des rebellions et de l’occupation Jihadiste au nord, conjuguée à un renversement de l’ordre constitutionnel, en 2012, et qui est aujourd’hui dans un processus de redressement progressif, a la chance d’être un pays de tolérance irréprochable dans le domaine religieux.
Notre pays, qui doit aujourd’hui, le retour à la stabilité grâce aux organisations sous-régionales et régionales (CEDEAO, UA), à la France, l’UE, les USA et les Nations-Unies, peut apporter sa contribution dans la résolution de la crise en République centrafricaine.
Aujourd’hui, la presse malienne ne traite pas suffisamment du cas centrafricain. Un ‘’Projet – Initiative Mali – Centrafrique’’ qui reposerait sur les interventions d’hommes de médias et d’autres leaders d’opinion dont des leaders religieux du Mali et de la Centrafrique, aura le double avantages, pour les Maliens, d’apporter leur contribution en République sœur de la Centrafrique, et d’être vigilants, en même temps, pour éviter le phénomène de conflit religieux au Mali.
La presse malienne qui est restée debout, pendant cette période difficile de la vie de la nation malienne, doit certainement avoir des idées pour cette contribution malienne dans la résolution de la crise en Centrafrique.
Les hommes de médias sont aussi des acteurs qui accompagnent et renforcent le processus de sortie de crise au Mali. Ils peuvent également servir de trait d’union entre notre pays et la République centrafricaine, pour permettre à ce pays de s’inspirer de certains faits sociaux maliens qui peuvent sans doute servir de tremplin, comme la tolérance et le dialogue interreligieux.
La presse malienne a payé un lourd tribut dans le processus de sortie de crise au Mali. Elle a été doublement victime de la cruauté et de l’intolérance des occupants au nord du Mali, dans les régions occupées, et des putschistes dans les régions non occupées du sud. Ainsi tout en gardant les yeux rivés sur notre propre sort, sur la crise malienne, les négociations nécessaires à la paix définitive, et la réconciliation nationale, nous devons jeter un regard confraternel, solidaire et panafricaniste sur la situation de nos frères et sœurs au clavier et au micro qui vivent en Centrafrique. Les considérez comme une partie de nous-mêmes, car, nous avons partagé avec les Centrafricains, la paix dans leur pays, où vivaient plus de 3000 Maliens, qui rapportaient plusieurs centaines de millions de nos francs à notre pays. Près de 50 000 Maliens y ont des attaches. Nous pouvons faire quelque chose.
En contact avec nos confrères centrafricains
Les professionnels centrafricains des médias, à travers de nombreuses organisations, nous ont témoigné de leur sympathie et leur solidarité en mars dernier (2013), lors de l’Affaire Boukary Daou, Directeur de Publication du Républicain. A cette occasion, ils ont salué l’élan collectif de soutien exemplaire et rare, réussi par le « Comité de crise pour la Libération du journaliste Boukary Daou ».
La situation qu’ils vivent aujourd’hui, du point de vue de la liberté de la presse, n’est pas totalement différente, sinon, elle est bien pire, car ils sont la cible des ennemis de la liberté d’expressions, ils sont persécutés et souvent contraints de vivre dans la clandestinité pour échapper à la violence aveugle des fauteurs de troubles, des anarchistes qui ont plongé la Centrafrique dans l’impasse. Les journalistes centrafricains, qui connaissent l’expérience malienne de la gestion de la crise et de la résilience, ont longtemps lorgné du côté du Mali, et gardent encore l’espoir, de voir partir de notre pays, une initiative salvatrice.
Ils nous témoignent de leur longue attente, d’où le Mémorandum du Collectif des Professionnels des Médias Victimes des Crises Centrafricaines (COPROMEVIC) : « Bonjour Boukari, Voici un mémorandum rédigé par le Collectif des Professionnels des Médias Victimes des Crises Centrafricaines. Dans l’attente d’une suite, reçois mes sincères salutations. C. MAKANDO-MBOMBO ». Ce ‘’SOS’’ de la présidente du Collectif des Professionnels des Médias Victimes des Crises Centrafricaines (COPROMEVIC) peut certainement avoir une réponse en actions conjuguées et conséquentes.
Ce mémorandum du Collectif des Professionnels des Médias Victimes des Crises Centrafricaines (COPROMEVIC) décrit entre autres, la terreur vécue au quotidien par nos confrères centrafricains : « En dépit du rôle positif joué par les professionnels des médias dans la restructuration et la consolidation de la paix et de la cohésion nationale, ceux-ci ont aussi été les victimes des rebelles par :
- La destruction et le pillage systématique des radios communautaires, les radios et rédactions de la presse privée et indépendantes de Centrafrique ;
- La destruction des biens meubles et immeubles de la Coordination de l’Institut Panos Europe ;
- La chasse à l’homme et les menaces exercés sur certains journalistes et professionnels des médias qui se voient obligés de vivre dans la clandestinité ;
- L’installation d’un climat de terreur, de peur, de méfiance et de vengeance aveugle exercée par les rebelles sur les professionnels des médias.
Certains confrères qui se consacrent qu’à leurs activités professionnelles ont été braqués, bastonnés, torturés par ces forces non conventionnelles qui tiennent à enterrer la vérité au sujet des tueries et violations des droits de l’homme…», peut-on lire dans ce mémorandum.
Il s’agit pour nous hommes de médias du Mali, dans un élan de solidarité panafricaine, de peser de notre poids, dans la résolution de la crise centrafricaine, en jouant la corde de la communication et de la tolérance religieuse que les Maliens vivent. Ainsi devons nous réussir le renforcement de la solidarité entre les professionnels de la presse en difficulté, en intégrant des soucis de prévention et de gestion des conflits, quelle que soit leur nature.
Qu’est ce que nous pouvons faire ?
Favoriser l’apaisement, contribuer à diminuer l’intensité du conflit, en jouant sur le segment religieux qui a rendu le conflit davantage complexe. Partager avec les centrafricains, l’expérience malienne du dialogue inter religieux et de la coexistence pacifique entre chrétiens et musulmans, une réalité au Mali. Appuyer la presse centrafricaine par la formation et des moyens matériels pour une bonne communication sur ces acquis maliens.
Ce que nous pouvons faire révèle donc deux formes : 1- Formation thématique des confrères, des leaders d’opinion et des leaders religieux centrafricains ; 2- Appuis matériels et financiers aux professionnels des médias victimes des crises.
1°) Le Mali dispose d’une riche expérience de laïcité marquée par la liberté du culte, et la tolérance religieuse qui se caractérise par la coexistence pacifique de différentes religions et de différents rites. Chrétiens, musulmans et animistes assistent et prennent part aux mêmes évènements de portée sociale. Musulmans et Chrétiens maliens se retrouvent autour des fêtes de Noel et de Pacque, de l’Aid El Fitr et de l’Aid El Kébir. Cette tolérance religieuse est une riche et longue expérience pouvant servir de référence. Elle doit être, non pas seulement expliquée, mais montrée à nos frères Chrétiens et Musulmans centrafricains, pour qu’ils s’en inspirent et s’en servent.
Mais la guerre sévissant en Centrafrique, cela n’est possible qu’à travers une forte implication des médias maliens et centrafricains. Il est possible d’atteindre les cibles par l’organisation d’ateliers à l’endroit d’hommes de médias, de religieux, de notables et de leaders d’opinions centrafricains ; par les explications, les exposés, les déclarations et les communications de religieux maliens, de différentes confessions ; et des vidéos réalisées à travers cette convergence d’actions comprenant leaders religieux et hommes de médias.
Ainsi une bonne communication prenant en compte des exposés et déclarations de leaders chrétiens et de leaders musulmans sur le dialogue interreligieux (réalisations de vidéos destinés à une large diffusion en Centrafrique) pourra servir d’outils à l’usage des frères en conflit. Ces communications doivent prendre en compte certaines réalités de la société centrafricaine, en rapport avec les religions biblique et coranique, et intégrer les soucis de prévention et de gestion des conflits.
Sans ingérence dans les questions de politiques intérieures de la Centrafrique, toute contribution qui vise à réduire la crise, en agissant sur son caractère religieux, doit être explorée, envisagée et mise en œuvre.
2°) La recherche de moyens matériels et financiers (dictaphones, appareils photo, ordinateurs etc.) auprès des partenaires sensibles à la crise et à la liberté de la presse en Afrique, destinés à nos confrères centrafricains.
Boukary Daou