DAKAR - De nombreux crimes commis durant la crise politico-militaire entre 2012 et 2013 au Mali, particulièrement dans le Nord, restent impunis en dépit d'efforts louables des autorités, a affirmé vendredi à Bamako un expert de l'ONU au terme d'une visite dans le pays.
L'éloignement entre les juridictions en charge des dossiers du Nord, qui sont basées à Bamako, et les victimes et les lieux où ont été commis les crimes représente un obstacle majeur pour la justice malienne. De nombreux crimes restent de ce fait impunis, a affirmé Suliman Baldo, expert indépendant sur la situation des droits de l'Homme au Mali, dans un communiqué transmis à l'AFP à Dakar par le Haut Commissariat de l'ONU aux droits de l'Homme (HCDH).
Une rébellion indépendantiste touareg déclenchée en janvier 2012 a entraîné le Mali dans une profonde crise politico-militaire de 18 mois entre 2012 et 2013.
Cette crise a été marquée par un coup d'Etat militaire, le 22 mars 2012, et par une occupation des régions du Nord malien pendant près de dix mois par des groupes jihadistes alliés d'Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi).
Malgré les efforts louables des autorités dans la lutte contre l'impunité pour les crimes imputés à l'ex-junte militaire (les putschistes de mars 2012, NDLR), la justice malienne éprouve d'énormes difficultés dans la poursuite des auteurs présumés des crimes graves commis par les groupes armés durant l'occupation du nord du pays et des exactions commises par certains éléments de l'armée malienne pendant la libération de cette partie du territoire, a déclaré Suliman Baldo, qui a séjourné dix jours au Mali.
Par ailleurs, des membres ou collaborateurs présumés des groupes armés qui ont été arrêtés dans le nord du pays sont détenus pendant de longues périodes, au-delà du délai légal et sans jugement, à cause du manque de moyens pour l'organisation de missions d'enquête dans le Nord, a-t-il dit.
Les groupes islamistes armés ont été en partie chassés des régions du Nord qu'ils occupaient par une intervention armée internationale lancée en janvier 2013 par la France, et toujours en cours avec des troupes de plusieurs pays sous mandat de l'ONU.
Les jihadistes ont été affaiblis par cette intervention mais demeurent actifs dans ces régions, y commettant à intervalles réguliers des attaques meurtrières.
Les putschistes ont aussi été accusés de violences, notamment contre des militaires considérés comme fidèles au président renversé Amadou Toumani Touré, ou contre des hommes politiques, journalistes et membres de la société civile.
Depuis début décembre 2013, les autorités judiciaires ont annoncé des découvertes près de Bamako de charniers avec plusieurs corps susceptibles d'être ceux de soldats s'étant opposés au meneur du putsch, le général Amadou Haya Sanogo, et à ses proches.
Le général Sanogo et d'autres militaires ont été arrêtés, inculpés de complicité d'assassinat et incarcérées.
L'expert de l'ONU a appelé les autorités maliennes à accélérer les enquêtes dans le nord du pays en prenant des mesures permettant à la justice de faire son travail.
Il a aussi appelé la communauté internationale à appuyer le Mali pour permettre aux magistrats de mener leurs enquêtes sur le terrain, et faciliter l'accès des victimes à la justice.
Durant sa visite, Suliman Baldo a rencontré plusieurs ministres maliens, des responsables de la justice, de l'armée, des représentants de l'ONU, de la société civile et d'organisations de défense des droits de l'Homme, d'après le communiqué du HCDH.
Il a aussi visité des lieux de détention et s'est rendu à Gao, la plus grande ville du Nord (près de 1.200 km de Bamako). Il doit présenter à l'ONU son rapport le 26 mars.