Trimbalé vers la croisée hostile des regards : Le Procureur Général, Daniel Tessougué, rétorque : « J’encaisse et je me tais… Le jour où je parlerai, c’est tout le Mali qui va trembler »
Suite à certaines informations que nous avons reçues la semaine dernière faisant état d’une somme de 25 millions versée au PG pour la mise en liberté du Maire du district, Adama Sangaré ; des dissensions au parquet général pouvant mener à une situation explosive, nous nous sommes rendus à la Cour d’Appel précisément chez le procureur général, Daniel Téssougué. Le PG réfute les accusations et donne les précisions.
Il est accusé d’avoir empoché 25 millions de FCFA pour la libération du maire du district, Adama Sangaré ! Pour l’affaire, le PG, Daniel Téssougué, nous a reçus dans son bureau. A l’annonce de la nouvelle, il a ri. Sur un ton de plaisanterie, il balance une phrase à caractère ironique : « Ah mais, ça c’est chanceux de ma part. Dans ce cas, je crois que je vais prendre ma retraite et aller me reposer au champ ». Avant de nous répondre sérieusement : » je sais qu’avec cette affaire qui concerne Adama Sangaré, beaucoup de choses, surtout de médisances ont été dites et continuent de plus belle surtout à mon encontre. Mais moi, Daniel Téssougué, j’ai l’âme en paix, il n’y a personne dans ce pays qui puisse se glorifier de m’avoir un jour donné 5 F CFA comme dessous de Table. D’ailleurs si ce n’est qu’à la télévision, je n’ai jamais rencontré Adama Sangaré. »
Dans l’affaire qui a vu Adama Sangaré aller en prison à Koulikoro, le maire du district n’était pas sous le coup d’une plainte contre un particulier, il était accusé de faux et usage de faux. Et l’affaire était du ressort du tribunal administratif, lequel après avoir été saisi, a ouvert une enquête. De ce qui est ressorti de ladite enquête, le maire du district avait procédé au morcèlement d’un espace vert en commune IV. Saisi, le procureur général de la République, en un moment donné, a mis aux arrêts le maire juste le temps que les enquêtes se fassent et à la suite des enquêtes, il est apparu que le maire a touché à un domaine privé de l’Etat et le juge a ordonné l’annulation de la décision de morcèlement du maire. C’est après cela que le maire a été mis en liberté. Et dans ce cas de figure, vu que le maire n’ait pas pris le domaine privé d’un particulier pour le vendre à un autre, on ne fait qu’annuler sa décision et l’affaire est classée.
C’est après la mise en liberté du maire que le ministre de la justice a sérieusement commencé à s’immiscer dans les affaires de la justice. « Il a commencé à appeler de gauche à droite pour que le maire malgré la décision du procureur de la république soit mis aux arrêts. Ce dernier m’a fait part de cette nouvelle et j’ai moi-même pris le soin de l’appeler pour lui demander ce qui se passait. Car après toutes les enquêtes, le maire a certes touché à un domaine privé, mais c’est celui de l’Etat. Donc avec l’annulation de son lotissement par la justice, l’affaire devait être classée. C’est après cela que le ministre a appelé le commandant adjoint de la BIJ, pour instruire à ce dernier de rouvrir le dossier Adama Sangaré et mettre le maire aux arrêts. Pourtant dans le fonctionnement normal de la justice, le ministre ne peut pas mettre quelqu’un aux arrêts. Cela est du ressort des juges. Donc quand le Procureur General Mohamed Dicko a appris qu’un membre de sa brigade avait de nouveau ouvert ce dossier, il a demandé au commandant de brigade qui a fait faire à son adjoint une demande d’explication. Le résultat de cette demande a démontré que c’était le ministre qui tirait les ficelles.
Quand le Procureur a reçu copie de cette explication, il s’est rendu au cabinet pour demander le ministre qui a nié les faits malgré la preuve établie sur papier. Ce à quoi cela a abouti, nous le connaissons tous, la démission de M. Mohamed Sidda Dicko. Si on dit que c’est moi qui ai pris 25 millions avec Adama Sangaré, je rétorque que c’est de la médisance pure pour me salir, mais j’ai l’âme en paix. » Nous a fait savoir Daniel Téssougué
Toujours dans les couloirs du parquet général il y a un autre cas. La folle rumeur d’une mésentente entre M. Téssougué et L’avocat général de la cour d’appel, Me Maïga. Pour couper court à toute polémique, le PG n’est pas passé par 4 chemins. Il a directement fait venir son collaborateur, qui est d’ailleurs selon les deux hommes un camarde de promotion du PG. Une connaissance de longue date et une collaboration qui n’a pas commencé à la Cour d’Appel. » Vous savez quand les gens ont fini les sujets, ils en inventent sinon nous nous sommes en famille au parquet général. De grâce qu’on nous laisse travailler et qu’on arrête de parler mal de nous pour un tout et un rien. Il n’est pas possible qu’il y ait de différend entre le PG et moi, car c’est le procureur lui-même, quand on l’a nommé ici, qui a sollicité à ce que je sois l’avocat général, et mieux encore nous avons déjà servi ensemble à Ségou après que l’on soit admis au concours d’entrée à la fonction.
Il est Dogon, je suis Sonrhaï donc il est insensé que nous soyons en porte-à-faux pour n’importe quelle raison » a argué l’Avocat General Me Maïga. Il a ajouté par la suite : « Au lieu que les hautes autorités judiciaires passent le plus clair de leur temps, (faisant allusion aux multiples sorties médiatiques du ministre de la justice) à tirer à boulets rouges sur les magistrats, qu’elles fassent un programme avec lequel la justice va travailler. Après la crise que le pays vient de connaitre, croyez-vous, le seul programme d’un ministre de la justice puisse s’arrêter à la corruption? Qu’il établisse un programme pour que les victimes des exactions et autres délits commis au nord soient répertoriées ; que l’on sache qui a subi quoi afin d’y apporter les solutions adéquates.
Selon lui, même si les ONG et la communauté internationale veulent venir en aide à ses victimes pour leur réinsertion dans la société, il faut qu’elles sachent qui est victime et qui ne l’est pas. Depuis qu’il est aux affaires, les magistrats sont à la base de tous les maux que ce pays a connus, même l’arrivée des djihadistes dans le pays serait la faute aux magistrats et aux juges. »
Le péché de Téssougué
Pour connaitre un peu les raisons qui peuvent pousser le ministre de la justice à ainsi s’acharner contre les magistrats et particulièrement Daniel Téssougué, le PG, avec un sourire nous répond, c’est la politique. Comment ? « Bathily et moi, ce n’est qu’en octobre 2013 que les choses ont commencé à mal tourner entre nous. Sinon on s’est connu bien avant, je lui reconnais sa qualité d’aîné et je le respecte, mais pour ce qui est de mes convictions politiques, elles ne sauraient nullement interférées dans mon travail. En tant que PG, mon travail n’est pas politique, mais technique. Il y a de cela quelques mois, le ministre m’a envoyé un de mes cousins qui est très proche pour me faire part de son désir de me voir militer avec lui afin qu’il ait une assise politique très forte.
J’ai refusé. J’ai dit non car moi, mes convictions politiques, je les laisse à la porte de mon bureau. Une fois ici, je suis technique et je m’arrête à mon travail. Je ne serais jamais l’instrument d’un quelconque homme politique. C’est depuis ce jour que les dissensions ont commencé entre nous, sinon (nous montrant un siège dans son bureau), voila c’est ici qu’il s’asseyait à chaque fois qu’il venait dans mon bureau et on avait toujours eu de bons rapports, mais la haine et les règlements de comptes politiques sont en train de fausser carrément son jugement. Vous savez, j’encaisse et je me tais. Je vais parler un jour et le jour où je parlerai c’est tout le Mali qui va trembler » a-t-il conclu.