L’Indépendant : Vous êtes le Directeur de cabinet du président IBK avec rang de ministre. Comment trouvez-vous votre nouvelle fonction ?
Je remercie le quotidien L’indépendant de s’être porté à nous. Nous avons jugé important d’échanger avec vous, pour éclairer l’opinion publique malienne et internationale sur l’action qui a été menée pendant les six premiers mois de ce mandat. J’ai été nommé Directeur de Cabinet du Président le mois de septembre. C’est un honneur pour moi, je n’ai jamais sous-estimé la difficulté de cette tâche, et effectivement je confirme qu’elle est difficile. Très difficile, dans la mesure où les défis sont nombreux, car le Président s’est engagé devant les Maliens à redresser ce pays et nous tous, qui sommes à ses côtés, avons la charge de prendre notre part de responsabilité. Il a été élu dans le cadre d’un plébiscite à 77% de voix. A cet effet, on peut parler d’une lourde responsabilité, c’est à nous l’ensemble de ses collaborateurs de prendre notre part de charge, pour faire en sorte qu’il réussisse les défis qui sont en face de lui.
Le bilan des six premiers mois du président IBK est jugé insuffisant par un grand nombre de nos concitoyens qui estiment qu’il ne s’est pas attaqué aux questions essentielles: la situation de ni paix ni guerre qui prévaut à Kidal, la vie chère, le chômage des jeunes…
J’aimerais rappeler l’état dans lequel nous avons trouvé le pays. Un pays occupé pendant 18 mois, mis au banc des nations, humilié, avec les caisses de l’Etat vides. En 2013, le budget de l’Etat était contracté de 30%, et il était difficile de mettre en œuvre une politique volontariste dans la mesure où les marges de manœuvre budgétaires étaient limitées. Une armée dans un Etat catastrophique, avec la déroute de 2012. Des liens distendus avec les partenaires du Mali, des bailleurs de fonds. Du coup, il était difficile de gérer le quotidien par manque d’argent. Dans le Nord du pays, nous avons trouvé l’administration démobilisée. Voilà en gros l’état du pays.
La conséquence, c’est que toutes les attentes légitimes des Maliens ne peuvent pas se réaliser toute suite, parce que vous partez de zéro. C’est pourquoi il fallait s’attaquer aux priorités. Et la priorité du chef d’Etat, comme il a toujours dit, c’est la résolution du conflit dans le Nord. Comme vous le savez, aucun pays dans le monde ne peut se développer sans la paix et la sécurité. Donc, il y a un processus de dialogue et de réconciliation nationale qui a été engagé. Pendant tous ces mois de crise, le tissu social a été déchiré. Pour en sortir, il faut ressouder ce tissu social et cela prendra du temps.
Premier acte, l’organisation des Assises du Nord à l’issue desquelles un bilan a été fait et, bien évidemment, des recommandations formulées. Alors ces assises ont lancé le processus du dialogue national. Il ne s’agit pas d’un acte isolé, mais d’un processus et c’est à long terme. Il y a une dizaine de jours, des ateliers ont réuni tous les acteurs ainsi que tous les groupes armés.
Il y a eu également les Etats généraux de la décentralisation. Le Président a la conviction que la résolution du problème du Nord passe par une meilleure appropriation de l’Etat malien par les citoyens, et cela passe par la décentralisation. Le Mali est réputé être l’un des pays africains qui a le plus fait de progrès en la matière. Une politique hardie de décentralisation a été élaborée et adoptée par l’Assemblée nationale mais elle n’a pas été appliquée. Les Etats généraux ont permis d’en faire le bilan. Quelques recommandations de ces Etats généraux ont été prises en compte à l’instar du report à six mois de l’élection communale.
Il est important à ce stade que l’on explique également le cap qui a été celui du chef de l’Etat pendant ces premiers six mois. On peut découper le mandat en plusieurs phases. La première a été entamée, celle de la normalisation et de la stabilisation. Il fallait une normalisation institutionnelle. Elle a été parachevée avec l’organisation réussie de l’élection législative, qui a été reconnue libre et transparente. Aujourd’hui, le Mali a un parlement légitime.
Ensuite, la normalisation des relations avec les partenaires du Mali. D’aucuns pensent que le président voyage beaucoup. Mais il faut dire qu’il ne voyage pas pour les congés, mais parce que le Mali a besoin de retrouver la confiance et les bonnes relations avec l’ensemble des pays frontaliers.
Toujours dans le cadre de la normalisation, il faut parler des bailleurs de fonds, des partenaires occidentaux. Cela explique également le déplacement du Président dans ces pays, afin de redorer l’image de notre pays sur la scène internationale. On peut donc affirmer que du côté de la diplomatie, le Mali a réussi son retour et, ce qui illustre cela, c’est le fait que les milliards d’euros qui avaient été annoncés à Bruxelles en mai 2012 sont en train d’être débloqués. On en est déjà à un décaissement de près de 800 millions de Fcfa. C’est également une preuve que les bailleurs de fonds ont à nouveau confiance en la gouvernance du Mali durant ces six mois.
Il y a eu également la normalisation au sein de l’armée malienne. Aujourd’hui, il y a un rétablissement clair de la chaine de commandement. Il y a une réforme en cours, la reconstruction des forces de défense et de sécurité avec le soutien bien évidemment de nos partenaires. Le chef de l’Etat vient d’obtenir une prolongation de deux ans de l’EUTM en charge de la formation de nos militaires. Il y a quelques mois, on disait que le pouvoir est à Kati. Aujourd’hui, c’est clair, le pouvoir est à Koulouba et c’est l’assurance qui a été faite par le chef de l’Etat en son temps qui disait qu’il ne pouvait pas avoir deux capitaines dans son bateau.
Nous parlons également de l’Etat de droit. Nous avons trouvé un pays où la gouvernance était malmenée ; ce qui a amené le pays dans le gouffre. On a laissé s’instituer au Mali une culture d’impunité, en laissant les gens se servir dans les caisses publiques sans qu’il y ait des sanctions. Ce qui a développé la corruption à grande échelle à tous les niveaux… Aujourd’hui, le Président de la République l’a dit, nul n’est et ne saurait être au dessus de la loi…
La deuxième phase débutera au cours de cette année, sans pour autant que la première ne soit terminée. Les deux iront de façon concomitante. Il s’agira de s’attaquer aux problèmes quotidiens des Maliens. Cela ne veut pas dire que jusqu’ici rien n’a été fait. Nous allons nous attaquer à la question du pouvoir d’achat, de l’emploi, de l’éducation, de la santé, des infrastructures. Bref, tout ce qui permet à un pays de se développer. Les mesures sont lancées et il y a un programme d’actions gouvernementales en vue, qui va s’accélérer dans les mois à venir.
Quid de la réconciliation nationale? Quel commentaire faites-vous de la levée des mandats d’arrêt lancés par la justice contre des rebelles du Nord qui siègent, aujourd’hui, à l’Assemblée nationale comme d’honorables élus?
Permettez-moi de dire que la campagne électorale est finie. Nous ne sommes plus dans le temps des polémiques. Je me souviens qu’au mois de juin 2013, il y a eu un accord dit de Ouaga, qui a été salué à l’unanimité par toutes les parties, d’autant plus que cet accord permettait d’aller à l’élection présidentielle. L’opposition d’aujourd’hui avait salué et apprécié. Nous, de la majorité, l’avons également fait. Je ne comprends pas comment cette opposition dite » constructive et responsable » soit là à mettre en question cet accord.
Cet accord prévoyait des mesures dites de confiance. C’est-à-dire qu’il fallait, de part et d’autre, faire un pas vers l’autre. Et, du côté malien, il fallait libérer des personnes non reconnues auteurs de crimes de sang, ni de trafic de drogue. Et ce sont celle-là qui ont été libérées. Donc, nous voulons expliquer aux Maliens que le président et son équipe sont venus trouver un dispositif qui engageait le Mali devant la communauté nationale et internationale. On ne peut pas le mettre en cause. Aux hommes politiques de l’assumer collectivement, car ils l’ont tous salué. Dans tout processus de réconciliation nationale, il y a toujours une dose de sacrifice et c’est ce que l’on observe.
La part très visible de la famille présidentielle dans la gestion des affaires publique a heurté et dérouté bien de nos concitoyens qui ne s’étaient pas imaginés IBK sous ce jour. On parle même de l’avènement d’une certaine monarchie. Qu’en dites-vous?
Je pense que les gens ont souvent tendance à exagérer. Il n’y a pas de monarchie dans la gestion des affaires de l’Etat. Le chef de l’Etat l’a toujours dit : personne ne sera nommée parce qu’elle le suit. Tous ceux qui occuperont un poste, ce sera sur la base de la compétence, de l’intégrité et du patriotisme. Chacun sait l’attachement que le président porte au respect des institutions, à l’intégrité et au respect du droit. Ce n’est pas lui, une fois au pouvoir, qui va déroger à ces principes-là.
A propos de l’Assemblée nationale, le fils du président, Karim Kéïta, a été élu en commune II. Il est depuis longtemps membre du RPM. Aujourd’hui, il est le président de la Commission défense, c’est une décision de la majorité parlementaire. Idem pour l’élection du président de l’Assemblée nationale. Les députés ont choisi ceux qu’ils pensent être capables de faire fonctionner au mieux l’institution. Le président de la République n’a rien à voir dans les choix opérés. Il est au-dessus de tout cela, car étant le président de tous les Maliens.
Le bilan du président durant ces six mois est-il alors positif ?
Je pense que compte tenu de la situation qui était celle du pays, beaucoup a été fait, la stabilisation, la normalisation… Le Mali est redevenu un pays normal aux yeux du monde. Il y a un leadership clair qui s’est installé à la tête de l’Etat. Du coup, le Malien peut relever la tête. Je pense que le bilan est plus qu’honorable.
Parlons maintenant du RPM, le parti présidentiel. Il semble qu’une guerre oppose déjà certains de ses caciques. Confirmez-vous cette information ?
Je fais confiance au sens de la responsabilité des uns et des autres. Quand un parti arrive au pouvoir dans un contexte qui est le nôtre, les uns et les autres doivent faire preuve de responsabilité. Je suis convaincu que le RPM, tout comme d’autres partis, qui sont dans la mouvance présidentielle, en est capable. Je ne crois pas à ces discours et rumeurs de scissions, de crises au sein du parti. Nous n’avons pas le temps pour çà. Aujourd’hui, tout le monde est concentré sur les objectifs du chef de l’Etat, qui sont en gros le redressement national, l’honneur du Mali et le bonheur des Maliens.
Ce ne sont pas que des slogans de campagne. Au sein du parti, tout le monde en conscient de la nécessité de traduire ces objectifs en actes concrets et travaille dans ce sens.
Le gouvernement post-législatives n’en finit pas de se faire attendre. De l’impatience, les Maliens sont de plus en plus gagnés par la lassitude. Pourquoi cet attentisme ?
La question est légitime. Vous en parlez parce qu’il y a eu les élections législatives. Un remaniement aurait été logique dans la foulée des législatives si les résultats avaient donné une majorité qui n’est pas conforme à la majorité qui est représentée au sein du gouvernement. Or, comme vous le constatez au sein du gouvernement, c’est la mouvance présidentielle, avec le RPM qui est en tête. Et à l’Assemblée, c’est la même chose, le RPM est arrivé en tête et la majorité parlementaire s’est constituée autour de lui. Par conséquent, le gouvernement et la majorité parlementaire sont en phase. Donc, aucune raison à ce stade ne justifie un remaniement par le fait qu’il y a eu les élections législatives. Maintenant, c’est la prérogative du Chef de l’Etat qui, à tout moment, s’il pense que c’est nécessaire, peut procéder au réajustement.