Il s’appelle en réalité Bafing Coulibaly. Kul n’est autre que le diminutif de Coulibaly. Aujourd’hui ce diminutif s’est imposé comme son nom d’artiste. Nous l’avons rencontré en France où il a bien voulu répondre à nos questions. Lisez !
Qui est Bafing Kul ?
Je suis malien né à Bamako où j’ai passé une grande partie de mon enfance sous la tutelle de mon oncle feu Koniba Diarra qui était fonctionnaire dans l’administration. Auprès de lui, j’ai sillonné quelques régions administratives du pays. Cette expérience m’a valu de me plonger dans la diversité culturelle du Mali. Au fil du temps, je me suis intéressé à la musique. Fasciné par la guitare, j’ai appris à jouer cet instrument auprès du célèbre guitariste Mandingue Mamadou Doumbia alors chef d’orchestre du groupe Babemba. A cette époque cette formation musicale résidait au carrefour des Jeunes de Bamako. Passionné par la musique au fil du temps, je me suis plongé dans cet univers.
Aujourd’hui vous êtes en France, c’est là-bas que vous avez fait votre premier pas sur scène.
Loin de là, c’est au Carrefour des jeunes de Bamako que j’ai eu cette opportunité. La chance a voulu que je croise feu Djessy Nanga, libérien d’origine camerounaise et Mamadou Diwara Marlo, ce trio m’a été d’un grand secours en me formant au Chant. En 1998, j’ai enregistré mon premier titre au Studio Wanda record de Salif Keita.
Cette chanson m’a ouvert la voie. J’ai touché un thème très sensible qui n’est autre que l’excision. Ce titre a été soutenu par une ONG de la place, le centre Djoliba. Il fut reproduit à des milliers d’exemplaires. Malheureusement il fut interdit sur les medias, car en 2000 l’Etat malien avait interdit toute campagne pour l’abandon de l’excision. La raison était simple, certaines associations religieuses n’hésiteraient pas à mettre la pression sur l’Etat. Je me souviens encore des insultes et des menaces de la part de ces groupes à mon égard.
Après ce titre en 2000, j’ai chanté » 52 Bamako « , pour dénoncer l’esclavage domestique des enfants, ce titre a fait sa part de succès.
En 2002, j’avais le projet de réaliser un album qui n’a pas vu jour car le producteur de l’époque m’a imposé de ne pas faire figurer la chanson sur l’excision. Attitude que j’ai catégoriquement refusée, finalement le projet de disque fut annulé. A partir de ce moment, j’ai senti que je ne jouissais pas de ma liberté d’artiste au Mali qui n’était plus un pays pour moi. J’ai donc décidé de partir pour la France pour jouir de ma liberté.
Qui sont vos références dans la musique reggae?
Ils sont nombreux mes références. Je peux citer entre autres : Bob Marley, Alpha Blondy, Bunny Waillers. Je tiens à rajouter mon respect et ma grande admiration pour Salif Keïta.
Il parait que vous avez été censuré à un moment donné au Mali. Parlez-nous comment ont-ils procédé pour vous mettre à la touche.
J’ai quitté le Mali en 2002 pour des raisons citées plus haut. Je suis retourné en 0ctobre 2006 avec un nouveau titre » Yelema » qui prône le changement. En même temps il alerte et dénonce la trahison de la classe politique sur les raisons qui ont poussé le peuple malien à l’ultime sacrifice le 26 Mars en 1991.
Quand j’ai présenté mon clip à l’ORTM, on me dit ceci : » jeune homme nous ne pouvons pas passer votre clip, car le message est trop fort pour l’opinion. Nous risquons de perdre notre place en le diffusant « . J’ai fait le tour pour faire savoir à qui de droit. Même Salif Keita est intervenu, ils sont restés de marbre dans leur position. Je tiens à souligner que jusqu’à nos jours ce clip reste enfermé à double tour dans les tiroirs de la télévision nationale du Mali. Je me demande même s’ils ne l’ont pas jeté ou détruit. J’ai été même victime de discrimination positive, c’est-à-dire qu’on m’a signalé à l’ORTM : » Si vous étiez Ivoirien, ou Guinéen » ça allait passer comme un timbre à la poste.
J’ai appris que bientôt vous irez à Bamako pour un concert. De quoi s’agit-il exactement ?
Des amis se sont réunis pour me soutenir dans mon engagement à travers la musique pour les droits humains, c’est ainsi que l’association Mélodies du monde fut créée (www.melodiesdumonde.fr ).
Cette association m’appuie pour la réalisation de ce projet à venir au Mali. Ce n’est pas un concert comme les autres. Il s’agit là d’un débat suivi d’un concert au nom de » carton rouge à l’excision » avec des intervenants de qualité qui maitrisent parfaitement le sujet…
Cet évènement aura lieu le 26 Mars 2014 à l’université de Badalabougou à partir de 15 h 00. La conférence sera animée par Docteur TOURE Moustapha, l’imam Diallo Mamadou, Madame Joséphine Traoré, Madame Sidibé Kadiatou, M. Holger Postulart, Maître Linda Weil- Curiel. L’invité d’honneur de la manifestation n’est autre que Docteur Aboubacrine Assadek pour son grand investissement pour la réalisation de ce fameux débat-concert.
Il y aura l’intervention d’artistes de talent comme Master Soumy, Batoma Sissoko pour ne citer que ceux-là. Ils se sont joints à moi, pour rehausser la rencontre. L’objectif visé serait de mobiliser la jeunesse malienne autour des droits des femmes et l’abandon de l’excision. Nul ne peut contester que sans les femmes notre société ne serait qu’une coquille vide. Dans ce sens, il me parait important qu’elles aient les mêmes droits que les hommes.
Je me souviens des turbulences créées pour l’adoption du fameux code de la famille, ou certains religieux donneurs de leçons se sont levés pour contester. N’oublions pas que ces mêmes nous disent dans leur prêche au quotidien de respecter la femme. Et lorsque nos députés votent des lois ces mêmes se transforment en contestataires en organisant des marches à travers la ville de Bamako.
Je pense que religion et l’Etat ne font pas bon ménage. La séparation entre ces deux institutions doit être réelle.
Je rajoute qu’il est temps que nos responsables politiques prennent publiquement position pour l’abandon de l’excision. Depuis de nombreuses années les associations sont en train de réaliser un travail de terrain conséquent. Les politiques se doivent de clarifier leur position.
Pour mieux découvrir la musique de Bafing, naviguez sur web : www.bafingkul.com
Propos recueilli par notre correspondant en France Aboubacar Eros Sissoko