Au terme du séjour de 72 heures, d’Ibrahima Boubacar Keita dans la capitale guinéenne, les présidents malien et guinéen ont animé un point de presse à la Villa des hôtes de Bellevue (Conakry). Au menu, la sécurité transfrontalière entre le Mali et la Guinée, les mécanismes de mise en œuvre de nombreux accords signés entre les deux pays, mais rarement exécutés et la crise au Nord Mali.
Sur la première question, le président guinéen a répondu : "C’est vrai que le problème de la sécurité est très préoccupant. Nous avons longuement échangé pour voir comment faire des patrouilles communes le long de nos frontières. Nous allons donner ordre à nos ministres de la Défense et aux forces de sécurité de se concerter pour organiser ces patrouilles communes".
Mais pour Alpha Condé, la reconquête de l’intégrité territoriale du Nord-Mali est le travail le plus important, en ce moment : "Tout en veillant à la sécurité frontalière entre nos deux pays, l’objectif principal pour le moment, c’est que l’État malien ait le contrôle totale de son territoire et qu’on puisse expulser tous les terroristes. Mais nous allons veiller aussi à empêcher la circulation des armes légères entre nos deux États".
En ce qui concerne les mécanismes de mise en place des accords, Alpha Condé a expliqué : "Nous avons effectivement décidé des réunions régulières tantôt à Conakry, tantôt à Bamako pour le suivi. Vous savez le barrage de Foumi peut permettre à la Guinée de faire une irrigation de 4.000 hectares, mais au Mali c’est 100.000 hectares. Ensuite, ça peut permettre la navigabilité du fleuve Niger et la création d’un grand lac.
Quant au chemin de fer, vous savez que le port de Conakry est le plus proche pour le Mali. Il ne s’agit pas seulement de signer des protocoles, mais de prendre des dispositions concrètes. Nous allons mener ensemble des actions pour trouver les financements, les organisations financières sont plus favorables aux projets inter-Etats. Mon frère et moi allons prendre notre bâton de pèlerin pour trouver les financements.
Pour le barrage de Foumi, trois millions de dollars sont déjà financés par la Banque mondiale pour faire les études. Il ne nous reste plus qu’à trouver des financements pour la construction du barrage et aussi trouver des partenaires pour le financement du chemin de fer.
Dans le cadre de l’Omvs aussi, nous allons œuvrer pour qu’avec les autres Etats, le Sénégal et la Mauritanie, on accélère la construction des trois autres barrages. Vous savez, l’hydraulique, c’est l’énergie qui coûte le moins cher. Si nous voulons que nos populations accèdent au courant à un prix abordable, il faut qu’on favorise l’hydraulique. Nous suivrons de très près la réalisation de ces projets".
"Toute agression contre le Mali est ressentie ici comme une agression contre la Guinée", dixit IBK
A la suite du président guinéen, Ibrahima Boubacar Keita a répondu aux questions des journalistes. Le Nord-Mali avec le déploiement du contingent guinéen est le principal sujet abordé par IBK : "Le sort du Mali ne peut jamais laisser la Guinée indifférente, surtout une Guinée pilotée par le professeur Alpha Condé. Toute agression contre le Mali est ressentie ici non seulement par lui-même, mais aussi par l’ensemble du peuple de Guinée comme une agression contre la Guinée.
Cela explique largement la permanence, la cohésion et de l’unité dont le président Alpha Condé a fait montre tout au long de la crise malienne. Mon frère Alpha est cohérent dans son soutien au Mali. Il y a très longtemps qu’il a compris que l’anthropologie, la géographie et l’histoire ont lié nos deux peuples. Nous ferons tout pour renforcer nos relations dans tous les domaines.
Donc, une présence guinéenne en terre malienne aujourd’hui peut nous aider à nous défendre contre cette prétention djihadiste d’un autre temps et je crois qu’à l’avenir cela va encore se conforter… Hier encore, un véhicule de Serval a sauté sur une mine, à quelques encablures de… C’est dire que ces gens-là ne sont pas encore partis, ils rodent encore dans les parages de cette zone montagneuse, extrêmement dure où ils ont malheureusement réussi à s’implanter, à transformer en bunker.
Il y a des grottes creusées partout dans la montagne, qui leur servent de repaire et de base de repli. Ils ont eu le temps de s’y implanter par la bêtise incommensurable que nous avions eue de démilitariser le Nord du Mali. Cela a permis à ces gens-là de venir tranquillement s’implanter. La réalité est qu’ils sont encore là, cachés dans les grottes".
La dernière question à laquelle a répondu le président malien est celle relative à la mise en valeur des plaines rizicoles bordant le fleuve Niger : "Le président Alpha Condé m’a précédé et m’a mis l’eau dans la bouche. Lorsque le barrage de Foumi sera réalisé nous permettra d’aménager cent mille hectares pour le Mali et plus de quatre mille pour la Guinée. C’est donc là un joyau de plus pour la sécurité alimentaire. Si l’on y ajoute ce qui est déjà réalisé, Manantaly, Félou et Gouina. Tout cela va participer à la mise en valeur de ces terres là pour le plus grand profit de nos peuples".
Source : Le Jour (Guinée) du 12 mars 2014
