Décidément, la descente aux enfers continue pour Amadou Haya Sanogo. Au moment où l’on semble lire en filigrane un soupçon de réhabilitation de son prédécesseur Amadou Toumani Touré (ATT), dans les propos du président Ibrahim Boubacar Kéita (IBK) en visite depuis le 17 mars dernier dans le patelin natal du président déchu, à Mopti, Sanogo était transféré loin de Bamako, on ne sait trop pour quelle raison.
Après son passage à la tête du défunt Comité militaire de suivi des réformes au sein de l’armée malienne, près de trois milliards de Fcfa souffrent de manque de justificatifs
Arrêté et poursuivi avec beaucoup de ses proches pour « enlèvement, crimes, assassinats et complicité d’assassinat » dans l’affaire dite des Bérets rouges, qui n’a pas fini de livrer tous ses secrets, une autre page noire de son éphémère passage à la tête de l’État malien est en passe de s’ouvrir : celle des malversations financières où il semble trempé jusqu’au cou.
En effet, après son passage à la tête du défunt Comité militaire de suivi des réformes au sein de l’armée malienne, près de trois milliards de Fcfa souffrent de manque de justificatifs. Pis, lorsqu’il avait installé ses pénates à Kati après son coup d’Etat, des recettes de la douane étaient régulièrement acheminées à ce QG de l’ex-capitaine au lieu de prendre la direction des caisses du Trésor malien où elles auraient dû normalement atterrir.
Doutant fort que l’ex-junte fût habilitée à entretenir des comptes parallèles, les autorités maliennes ont ouvert une enquête pour savoir où est passée cette manne financière estimée à plusieurs centaines de millions de Fcfa, d’autant plus que certains fournisseurs de l’État malien se plaignent de traîner des ardoises de l’époque Sanogo qui avoisineraient les 2,5 milliards de Fcfa. A ce tableau sombre, vient s’ajouter la séquestration d’un homme d’affaires étranger dont il se serait rendu coupable au moment de sa toute puissance. Ce dernier n’aura dû sa libération et son salut qu’au paiement d’une forte somme d’argent dont les caisses du Trésor malien n’ont pas non plus vu la moindre trace.
Autant de faits qui viennent montrer la faillite morale de Sanogo dont on peut dès lors douter de la noblesse des intentions, lorsqu’il accédait à la tête de l’État malien. Tout porte à croire que c’est plus par cupidité que par patriotisme qu’il a, de façon opportuniste, accepté de perpétrer le coup d’État contre ATT qu’il a chargé de tous les péchés d’Israël. Et l’on se demande bien comment il comptait lutter contre la corruption, la gabegie et tous ces manquements qu’il reprochait à son prédécesseur ?
SANOGO EST LOIN D’ÊTRE UN EXEMPLE À SUIVRE POUR LES JEUNES GÉNÉRATIONS
En cela, Sanogo a dupé beaucoup de ses compatriotes qui croyaient en lui, alors que la motivation profonde de son coup de force n’était finalement guidée que par le désir de s’enrichir rapidement d’une part, et la soif de gloire d’autre part. On comprend dès lors son acharnement, dans un marchandage indécent, à revendiquer, toute honte bue, le statut d’ancien chef d’État pour bénéficier de tous les privilèges y afférents, extorquant au passage le grade de général cinq étoiles au président intérimaire Dioncounda Traoré qu’il n’avait pas hésité à humilier. Tout comme il n’hésitait pas à envoyer ad patres toute personne qui le contredisait.
Sanogo est l’illustration parfaite de cette race de jeunes dirigeants africains cupides, dont la morale est aux antipodes des valeurs de l’ancienne classe dirigeante dont beaucoup avaient le sens de l’honneur et de la dignité tels Kwame N’Krumah au Ghana, Seyni Kountché au Niger, Mohammed Murtala au Nigeria … Et ce n’est pas seulement qu’une affaire d’époque puisque, plus proche de nous, des leaders comme John Jerry Rawlings au Ghana, Thomas Sankara au Burkina ont aussi laissé une bonne image de cette race de dirigeants qui avaient le sens du bien public et qui n’étaient pas attachés à une gloire purement personnelle.
Finalement, tous ces mauvais agissements qui remontent à la surface, viennent ternir davantage l’image de cette junte dirigée par l’ex-capitaine Sanogo. Et en plus de traîner l’image d’un cruel tortionnaire, seulement assoiffé de pouvoir dans une logique de dictature, ce dernier présente aussi celle d’un prédateur cupide. Si Sanogo avait duré au pouvoir, que serait alors devenu le Mali ? En tout cas, en attendant que les enquêtes nous situent davantage, Sanogo est loin d’être un exemple à suivre pour les jeunes générations. Et il faut alors espérer qu’il n’y ait pas, sous nos cieux, des candidats à la « Sanogotitude« .
Source : Le Pays (Burkina Faso)