Avec la crise sécuritaire marquée par des enlèvements d’occidentaux, le coup d’Etat de 2012 et l’ invasion du nord par les jihadistes, le secteur touristique du Mali a été touché de plein fouet au cours des trois dernières années.
-A cet égard, les chiffres fournis par l’office malien du tourisme, sont éloquents : l’investissement dans le secteur a chuté de moitié en un an, passant de 12 milliards (24 millions USD) en 2011 à près de 6 milliards (12 millions USD) en 2012. Les arrivées et les nuitées ont baissé de 76% pendant cette période de crise institutionnelle et sécuritaire.
Le retour à l’ordre institutionnel et les progrès en matière de sécurisation du pays n’ont pas encore produit d’effets positifs sur le tourisme. Le Mali est toujours classé zone à risque par les Tours opérateurs et des chancelleries occidentales.
Les conséquences socioéconomiques et culturelles de cette situation sont dramatiques, selon les artisans, hôteliers, guides et communautés locales.
"Nous ne cherchons aujourd’hui qu’à survivre", assure Baba Djitteye, président de la Chambre des métiers de Tombouctou. Il s’ adressait ainsi, au nom des artisans de sa région, au ministre de l’Artisanat et du Tourisme en visite dans le nord.
Selon de nombreux témoignages, cette crise affecte les festivals qui drainaient naguère des milliers de touristes occidentaux.
"Le circuit touristique est en panne. D’habitude, la saison touristique devrait commencer en décembre par la visite du pays Dogon, puis le nord avec le festival au désert d’Essakane. Et les dernières étapes devaient être le festival de Ségou et les autres festivals dans le sud. Mais, cette année, malgré la paix retrouvée, la saison touristique est morte", fait remarquer Boubacar Kassougué, rencontré au festival sur le fleuve Niger, en février dernier.
Selon ce guide touristique et sculpteur, "l’absence des touristes étrangers affecte tout le monde : la population, les artistes et même les vendeuses de légumes dans les marchés".
Bamoye Djitteye, antiquaire à Djenné, une cité religieuse célèbre dans le monde pour sa mosquée et ses légendes, se lamente aussi : "avec l’absence des touristes, je ne vends plus rien depuis belle lurette. J’ai été obligé de fermer mes deux magasins. Non seulement les touristes ont déserté, mais nous n’avons pas une clientèle locale. J’ai libéré mes deux employés à mon corps défendant".
Pour Amadou Cissé, guide touristique, "la réalité est plus grave qu’on ne l’imagine. Voilà deux ans que notre activité de guide est arrêté faute de clients. Tous les guides sont ainsi partis au chômage. Beaucoup sont partis en exode".
Diwoye Sininta, gérant d’hôtel, se plaint également de l’ absence de touristes. "La crise sécuritaire a mis à genoux nos activités d’hôtellerie. Je ne reçois aucun client depuis plus de deux ans", affirme-t-il.
"En temps normal, explique Sininta, cette période (décembre- mars) est une période de grande affluence avec des hôtels sont pleins. Nous gagnions suffisamment de ressources pour entretenir l’ établissement et payer les employés. Aujourd’hui, c’est la catastrophe. J’ai été contraint de mettre au chômage mes employés".
L’office du tourisme confirme son constat : entre 2011 et 2012, le nombre d’emplois créés est passé d’environ 1.119 à 788, soit une baisse de 30%. En outre, 51 hôtels ont dû fermer entraînant la suppression de 347 emplois.
Malgré des efforts des acteurs du tourisme pour s’adapter à la crise en tablant sur la clientèle malienne et en revoyant leurs tarifs à la baisse, le calvaire demeure à Bamako, Ségou, San, Mopti, Sangha, Tombouctou, ou Gao.
Pour Mme Kouyaté, responsable d’une agence de voyage, le marasme du tourisme malien est "visible avec des vols se font rares parce que les tours opérateurs n’ont plus le Mali dans leur programme".
Face à cette situation, l’Office malien de tourisme et de l’ hôtellerie assure qu’il travaille sur une stratégie de relance.
En dehors du soutien à l’organisation d’événements comme les festivals, des mesures fiscales et des appuis financiers seraient ainsi envisagés.
Mais, pour les intéressés, cet appui prend trop de temps à être mis en place et il y a urgence de faire valoir qu’avec l’accalmie retrouvée, certaines régions comme celle de Mopti, devrait plus figurer dans la zone rouge des chancelleries occidentales.