Le président de la République a reçu de la Cédéao un délai supplémentaire pour former un gouvernement légitime. Fort de ses prérogatives retrouvées, Dioncounda Traoré vient de boucler les consultations pour dénicher les vierges intactes. La quête a-t-elle été fructueuse ?
Une certitude et une éventualité: Dioncounda Traoré est le président de la République et Amadou Haya Sanogo pourrait être le vice-président chargé des forces de défense et de sécurité. En effet, en faisant une adresse solennelle à la nation et en affirmant, le 29 juillet dernier, mener personnellement les négociations avec les forces vives en vue de former un gouvernement d’union nationale conformément à l’Accord-cadre du 06 avril, Dioncounda Traoré confirme son autorité sans conteste de chef d’Etat et ses prérogatives sans partage de président de la République.
La Cédéao lui a acordé un sursis de dix jours, à compter du 1er août et, depuis, le chef de l’Etat a beaucoup consulté. Il n’a fait que cela, d’ailleurs, et a fini, samedi dernier, par les médias nationaux. Même si le temps file, il faut reconnaître que l’équation n’est pas aisée pour ce matheux car il s’agit pour lui de pêcher dans le vaseux marécage politique quelques poissons qui ne sont pas corrompus par la fange.
Difficile, mais il le faut. Parce que dans son exil sécuritaire sur le sol français, le président non élu a beaucoup médité et compris les raisons du courroux des militaires qui se sont mutinés le 21 mars, de la colère de la foule qui a marché sur le palais présidentiel le 21 mai, de l’ire des populations qui fustigent la classe politique, de l’exaspération des ressortissants des régions occupées du nord contre les autorités qui tardent à intervenir. Il a compris l’exigence d’un gouvernement crédible et légitime dans lequel toutes les sensibilités nationales seront représentées. Il a compris aussi et surtout ce que veut le peuple malien pour sa nation: des hommes neufs et propres qui ne sont pas impliqués dans la gestion des vingt dernières années. Dans un Etat-nation déconstruit au fil des ans, il faut repartir de zéro en revenant aux symboles et valeurs de mars 1991. Mais d’où viendraient ces sensibilités, que vaudraient-elles ?
Nul ne peut se prévaloir d’une virginté intacte
Le coup d’Etat du 21 mars a eu le mérite de réorganiser la classe politique et les organisations de la société civile en différents regroupements fichés Droite libérale, Gauche radicale, Centre, Modéré. Mais le clivage le plus radical s’est fait autour du coup d’Etat avec les anti junte (Front uni pour la sauvegarde de la démocratie et de la République, FDR) et les pro junte (Coordination des organisations patriotiques du Mali, Copam). Au milieu de ces radicaux s’interposent les regroupements Convention pour sauver le Mali (Csm), Alliance des patriotes démocrates pour une sortie de crise (Apds) et IBK-Mali 2012. Chacun de ces cinq regroupements fait siens les objectifs du Cnrdre: redresser la démocratie et restaurer l’Etat pour une meilleure gestion de la crise dans nord. Pris comme entité, aucun de ces regroupements n’est exempt de handicap, ne peut se prévaloir d’une virginité intacte pour mériter de figurer dans les organes de la transition.
La Copam et son animateur
La Copam a comme animateur le plus influent l’un des membres fondateurs du parti Sadi et du Mouvement populaire de soutien au 22 mars (MP 22). Il s’agit d’Oumar Mariko qui a longtemps rêvé de jouer les premiers rôles aux côtés du capitaine Sanogo qu’ils ont échoué à imposer comme chef de la transition. Le député ne pardonne pas au chef des putschistes d’avoir choisi la voie de la sagesse en cédant aux pressions internes et externes, et en acceptant un Premier ministre imposé par le médiateur dans la crise malienne. Il ne pardonne pas non plus à celui-ci, Cheick Modibo Diarra, d’avoir formé un gouvernement sans consulter ou associer le Mp22 ou la Copam. C’est que l’actuel chef du gouvernement était dans une logique d’hommes neufs et propres. Et ne pouvait pas ignorer que les partis Sadi et Bara, tous deux membres de la Copam, ont un passé et un passif. La Sadi n’a pas craché dans la soupe consensuelle quand son président, Cheick Oumar Cissoko, a été invité dans le gouvernement de consensus (de complicité collective) du général Amadou Toumani Touré. Avant lui, Yoro Diakité, président du Bara, a été un des ministres Cnid dans un gouvernement d’Alpha Oumar Konaré. En plus, il a longtemps convoité en vain une chaise autour de la table consensuelle d’ATT avant de virer dans l’opposition.
Le Fdr et ses quatre moteurs principaux
Les quatre moteurs principaux du Fdr sont le Pasj, l’Urd, le Pdes et le Parena. Les deux premiers appartiennent à la grande famille Adema et, à ce titre, ont géré le pays directement et totalitairement de 1992 à 2002 avant de s’inviter avec succès au festin consensuel offert par ATT et le Pdes pour enterrer la démocratie. Quant au «Bélier blanc» du Parena, avant de brouter pendant longtemps l’herbe consensuelle des pâturages de Koulouba, l’Adema lui avait aménagé un enclos spécial, le ministère des Zones arides et semi arides, dans lequel personne ne l’a jamais entendu bêler.
IBK pourrait se contenter du poste de vice-président des forces vives
IBK Mali 2012 est composé pour l’essentiel du Rpm et du Miria, deux partis sortis des entrailles de l’Adema, qui ont étroitement collaboré à la gestion consensuelle du pouvoir d’ATT. Comme son nom l’indique, ce regroupement a été formé pour aider Ibrahim Boubacar Kéita (IBK), président du Rpm, à s’installer sur la plus haute marche de la nation, seul échelon qui manque à son parcours politique. Car il aura tout eu avec d’abord l’Adema comme haut commis de l’Etat, président du parti, Premier ministre du pays ; ensuite avec ATT et le Rpm comme député et président de l’Assemblée nationale. Dans l’immédiat, ne sachant comment et quand toute cette histoire (transition et élection présidentielle) va se terminer, IBK pourrait se contenter du poste de vice-président des forces vives dans la nouvelle architecture institutionnelle proposée par Dioncounda Traoré.
Un autre regroupé dénommé Csm
La Csm est animée principalement par la Codem, le Cnid et Yelema. Son porte-parole est un certain Amadou Abdoulaye Sy, président du parti Mplus-Ramata. Lui n’a rien géré au cours des vingt dernières années. Cependant, Amadou Abdoulaye Sy est connu pour avoir été un ministre très important du système général Moussa Traoré-Udpm. Dans son regroupement actuel, il chemine avec Me Mountaga Tall, président du Cnid, un parti qui, pressé de voir le soleil se lever et annoncer l’arrivée de son «waati», a longtemps flirté avec l’hégémonie tentaculaire de l’Adema avant de nouer une interessée idylle avec l’affairisme consensuel du général en fuite. La Codem ? Rien à signaler sauf que son président en est à son deuxième mandat parlementaire. Quant à Moussa Mara, président de Yelema, s’il est très récent en politique, son irruption sur la scène politique a révélé «l’ire des populations contre la classe politique» quand lui le candidat indépendant a battu une coalition de partis politiques dans la conquête de la mairie de la commune IV, chasse gardée du Rpm.
L’Apds et sa feuille de route
Reste l’Apds. Ce regroupement a le mérite exceptionnel d’être le premier à proposer une feuille de route de sortie de la crise institutionnelle, politique et sécuritaire. Quelques jours seulement après le putsch, l’Apds a produit un document assez détaillé, clair et concis, contenant un chronogramme et un calendrier, des organes avec rôles et responsabilités, le mode de désignation de leurs titulaires, l’organisation d’un congrès extraordinaire du peuple. Le tout trace les contours et balise la période déterminée de la transition. Ce document est l’original de toutes les copies présentées ça et là depuis, sous des vocables différents. Ce regroupement est drainé par la Cnas. Si ce parti, créé le 25 mai 2011, n’a jamais compté de ministre ou ancien ministre, de député ou ancien député, son candidat à la présidentielle avortée n’était, en revanche, autre que Soumana Sako dont beaucoup se rappellent encore qu’il a été ministre de l’Economie et des finances du général Moussa Traoré, puis Premier ministre de la transition (1991-1992). Depuis, il n’a été mêlé ni de près ni de loin à la gestion des affaires intérieures, poursuivant une carrière internationale.
Voilà les cinq principaux regroupements au sein desquels le président Dioncounda Traoré aura à choisir des hommes neufs et propres, il en existe sans doute, pour former l’ossature d’un gouvernement d’union nationale. Et ramener le Mali vers la Terre en mettant fin à son désastreux voyage interplanétaire.