Les Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) viennent de tenir leur 1er congrès ordinaire. C’était les 15 et 16 mars 2014 au Palais de la Culture Amadou Hampaté Bâ de Bamako. Contrairement à ce que présageait une certaine presse, cette chapelle est sortie de ce rendez-vous très sereine et surtout déterminée à ramener la politique à la dimension des préoccupations des Maliens, de l’attente suscitée par le sacrifice des martyrs de la révolution de mars 1991. Et cela sous la conduite de Modibo Sidibé qui, une fois de plus, a prouvé qu’il est politiquement plus mature que ne l’admettent ses détracteurs.
Après la démission très médiatisée de certains supposés ténors, le premier congrès ordinaire (15 et 16 mars 2014) des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence (Fare) s’annonçait houleux. Les oiseaux de mauvais augure annonçaient déjà la fin d’une «aventure électoraliste». D’autres chroniqueurs prévoyaient surtout un «revers de plus» pour le candidat du parti à l’élection présidentielle, Modibo Sidibé.
Mais, la suite des événements a prouvé, si besoin en était, que le poids politique attribué aux démissionnaires était surévalué et que leur notoriété était surfaite. Et si cette activité, majeure dans la vie d’une chapelle politique, a profité à quelqu’un, c’est sans doute l’ancien Premier ministre définitivement remis en selle sur la scène politique malienne. Élu à l’unanimité pour présider aux destinées des Fare, Modibo Sidibé a sans doute réussi son baptême du feu dans le cercle des leaders politiques.
Et ceux qui doutaient de ses aptitudes à rassembler comme un leader politique en ont eu pour leurs frais parce que «Jimmy» prouve aujourd’hui qu’il est très à l’aise dans ce nouvel habit de leader des Forces alternatives pour le renouveau et l’émergence.
Celui que l’on considérait comme un «opportuniste» dans l’arène et à qui ATT aurait voulu passer le témoin pour «assurer ses arrières», prouve qu’on l’a sous-estimé à tort. Son goût pour la politique découle d’une conviction intime et non d’un quelconque opportunisme.
Et son entrée en scène pour les élections de 2012 reportées à 2013 n’avait rien d’un hasard du calendrier. Elle avait été bien planifiée en fonction de la carrure de l’homme d’Etat. Oui, la Primature fut le couronnement d’une carrière bien remplie au sommet de la gouvernance. L’accession à ce poste parachevait sans doute l’apprentissage à la conquête et à la gestion du pouvoir au très haut niveau. Après avoir longtemps servi dans l’ombre, il se sentait enfin prêt à mettre son expérience au service de la nation.
Un leader confiant au service de la démocratie
À la tête des Fare, Modibo est requinqué à bloc et ne cache plus son ambition de travailler à l’émergence d’un nouveau pôle politique. Son combat politique, c’est «recréer une dynamique de confiance autour d’un véritable dessein républicain et démocratique, garant d’une nation unie et riche de sa diversité».
Cela est d’autant souhaitable que «le système actuel a atteint ses limites et qu’il existe aujourd’hui un risque de fracture totale entre le peuple et les élites politiques». Les indices d’un tel risque ne manquent pas. À commencer pas le taux élevé d’absentéisme aux dernières législatives marquant ainsi un profond dépit des Maliens pour la politique.
Longtemps taxé de novice dans l’arène par ses adversaires, ce grand commis de l’Etat fait aussi preuve d’une surprenante maturité politique et surtout de courage dans l’affirmation de ses convictions. «Sachant qui nous sommes, d’où nous venons, notre place, naturelle, aujourd’hui ne peut être que dans l’opposition».
Le leader des Fare est ainsi resté fidèle à un engagement de campagne. «Nous l’avons préemptée durant toute la campagne en indiquant clairement ce que sera notre position si le Tout-Puissant confiait le pays à quelqu’un d’autre : une opposition modérée et responsable».
Le choix de l’opposition, l’honore à plus d’un titre. Beaucoup d’autres leaders politiques auraient fait un tout autre choix à sa place pour entrer dans les grâces du Prince du moment. Aller dans l’opposition, c’est courageusement assumer sa gestion passée des affaires du pays. Et l’ancien chef du gouvernement défie aussi ceux qui pensent qu’il a le «pantalon troué», notamment par «l’Initiative riz».
Le président des Fare n’a rien à se reprocher. Mieux, Modibo Sidibé marque aujourd’hui sa volonté de rupture en inscrivant son combat politique, sa conquête du pouvoir sur le long terme avec comme projet de société le «Mali Horizon 2030».
Une bonne analyse des attentes des Maliens
Et son discours politique va pour le moment dans le sens des attentes suscitées par l’élection d’IBK à la tête du pays. «Aujourd’hui, notre peuple attend que l’Etat affirme son autorité, qu’il prenne ses responsabilités, et d’abord ses responsabilités en matière de sécurité et de défense du territoire», disait-il dans son intervention lors du congrès des Fare.
Sécurité et défense du territoire font aujourd’hui partie des fortes attentes du peuple malien. Tout comme le respect des lois, l’équilibre de la justice, la reconnaissance du mérité et de non de l’appartenance politique.
Modibo se charge aussi de rappeler à Ladji Bourama les raisons pour lesquelles les Maliens lui ont fait massivement confiance : changer la perception populaire de l’Etat ! Opter pour une gouvernance qui ne fera plus de la gestion des affaires publiques ou des richesses du pays le monopole d’un clan, ou l’affaire d’un seul homme, aussi «bien élu» fusse-t-il.
Le présumé «dauphin d’ATT» persiste et signe : «je dirai à IBK, par exemple, qu’en matière de lutte contre la corruption, les appels à la tolérance zéro ne suffiront pas et risquent fort de décevoir. La répression ne suffira pas car le mal est structurel et seul un travail de fond et de longue haleine pourra l’extirper».
Il faut au moins lui reconnaître la pertinence de l’analyse.
Force est aussi de donner raison au président et à l’opposant modéré quand il prévient : «gardons-nous de ne donner du Mali que l’image d’un pays perdu du fait de la corruption généralisée, où le souci de l’intérêt général a déserté les agents publics, voire les citoyens, car dans tous les secteurs de la vie sociale, il y a des honnêtes travailleurs qui mettent en œuvre un autre fonctionnement de l’Etat». Oui, nous ne sommes pas tous des pestiférés, des pourris, des corrompus se servant de l’Etat. Peut-être que notre mérité ne sera jamais reconnu, mais nous sommes encore nombreux à servir ce pays dans la plus grande loyauté.
Il est donc temps pour le président élu de sortir du folklore pour résolument s’attaquer aux vrais problèmes de la nation. Il faut maintenant tirer les rideaux sur le théâtre des campagnes électorales et arrêter d’essayer d’amuser la galerie. Et, en opposant responsable et soucieux du devenir du «Mali d’Abord», Jimmy lui montre la voie à suivre pour combler ses compatriotes.
À Modibo Sidibé et son bureau de démontrer maintenant que tout cet engagement n’a rien de démagogique. Et, comme s’ils savaient être attendus pour le prouver, ils assurent : «nous avons un orgueil et le peuple malien verra» ! Les Fare l’ont en tout cas prouvé à l’occasion de ce premier congrès ordinaire qui a déjoué les pronostics parce que les protagonistes ont privilégié l’essentiel.
GENERAS