Suite à l’affaire qui oppose le Collectif des revendeurs de tickets à la Direction générale du PMU-Mali, la Cour d’appel de Bamako vient de statuer sur le dossier en question. Il ressort, après analyse de l’arrêt rendu, que cette juridiction n’a tenu compte d’aucun élément du dossier, ni du jugement antérieur motivé par des faits précis. En clair, les juges du second degré se sont érigés en législateur en se référant sur un cas loin d’être similaire pour tirer leur conclusion.
Affiliés à l’Untm, les revendeurs de tickets ont tout donné au PMU-Mali qui leur refuse aujourd’hui le versement des droits prévus par la réglementation en vigueur. L’entreprise invoque le motif selon lequel les revendeurs ne sont que des prestataires pour des activités permanentes. De ce fait, ils ne peuvent avoir que des contrats à durée indéterminée.
Ainsi, suite au bras de fer qui les oppose, la Cour d’appel de Bamako, dans son arrêt en date du 9 janvier 2014, a infirmé la décision du Tribunal de travail de Bamako suite à l’appel de la Direction du PMU. «Dans le cas d’espèce, les revendeurs de tickets ne sont pas des préposés du PMU-Mali, ils sont des prestataires de services et ne sont pas sous la subordination du PMU-Mali», a en effet motivé la Cour. Pourtant, cette décision est purement en contradiction avec celle rendue en premier ressort qui reconnait que les revendeurs de tickets sont des travailleurs à temps partiel, liés au PMU-Mali par un contrat de travail à durée indéterminée. Et qu’ils ont droit à la prime d’ancienneté.
« En effet, la décision rendue par la Cour d’appel ne devrait même pas faire l’objet de recevabilité en la forme, sachant qu’une grosse avait été délivrée aux revendeurs malgré l’interjection d’un appel. Seule la complaisance explique ce revirement à 180°, cette volte-face à peine pensable! », s’exclame une source proche du dossier. Mais voilà qu’un juge, proche de l’ancien Directeur général du PMU-Mali, Idrissa Haïdara, et dépassé totalement par la complexité de ce dossier, risque de mettre en péril l’avenir des revendeurs qui sont le socle de cette société depuis plus de 20 ans.
Face à un imbroglio juridique, le dossier a traîné dans les tiroirs du prétoire pendant quatre ans, comme si quelqu’un avait justement intérêt à le laisser pourrir au détriment de la Direction du PMU-Mali. N’eut été l’intervention du Procureur général, Daniel Amagoin Téssougué, le dossier n’aurait jamais refait surface. Comme si cela ne suffisait pas, la Cour d’appel s’est référée sur un cas loin d’être similaire, pour tirer sa conclusion. Il s’agit d’un litige opposant un parieur du nom d’Adama Tolo à la Direction du Pmu-Mali. Normal dans une procédure judiciaire, mais la Cour s’est mise dans la peau du législateur. Certes, la jurisprudence est une source du droit mais l’éthique et la déontologie en la matière commandent qu’elle soit appliquée relativement à une question de droit donnée. Ce qui est loin d’être le cas dans cette affaire.
En vérité, les membres du Syndicat du Collectif des revendeurs expliquent qu’un juge de la Cour d’appel de Bamako serait lié avec l’ancien DG du PMU-Mali par une amitié tenace et de longue date. Cet homme aurait tout simplement été l’énigme de cette procédure qui a du mal à suivre son cheminement normal, et qui se trouve désormais devant la Cour suprême. D’ailleurs, nul n’est besoin d’être un spécialiste du Droit pour se rendre compte qu’il est défendu au juge de statuer par voie de disposition générale et réglementaire sur les affaires qui lui sont soumises. La décision d’un juge ne peut donc régler à l’avenir le sort d’une question de droit et ne s’applique en principe qu’à l’affaire jugée.
A ce jour, force est de constater qu’après vingt ans de service rendu au PMU-Mali, les revendeurs n’ont eu d’autre récompense que de voir leurs droits bafoués par la Direction.
Comment en est-on arrivé là ?
Suite à une requête en date du 17 juillet 2009, le Collectif a introduit une action contre le PMU-Mali devant le Tribunal du travail de Bamako, tendant à la réclamation de certains droits. En effet, les revendeurs ont été engagés, suivant un test, par le PMU-Mali en 1994, moyennant une rémunération de 2,5 à 3,5% du nombre de billets vendus par mois. Ainsi, ils sont chargés de la vente des tickets, la remontée des carnets et des recettes ainsi que le paiement des tickets gagnants. De ce fait, ils observent, du lundi au dimanche, des horaires de travail allant de 8 h à 17 heures et sont soumis aux diverses sanctions par le service employeur. Malgré tous ces faits, le PMU-Mali continue à considérer qu’il est lié à ces revendeurs par des contrats de prestation de service, alors même que c’est lui qui fixe les emplacements des kiosques et le nombre de tickets à vendre pour chacun. En plus, les revendeurs sont sous l’autorité et la direction du PMU-Mali et sont payés au rendement de 2,5 à 3,5% du chiffre d’affaire mensuel.
C’est pour toutes ces raisons qu’ils ont sollicité auprès du Tribunal du travail de Bamako la reconnaissance de leur qualité de travailleurs, afin de condamner le PMU-Mali à leur verser la prime d’ancienneté des trois dernières années ( 2006, 2007 et 2008) ; les majorations consenties aux travailleurs du PMU-Mali depuis 2007 ; la gratification du 13ème mois des trois dernières années ainsi que la participation aux bénéfices annuels et 500.000 francs à titre de dommages-intérêts pour chacun.
En réplique, la société, à travers son conseil, Maître Abdoul Karim Koné, rétorque en soutenant que ledit collectif n’a aucune personnalité juridique. De ce fait, leur requête ne devrait pas être recevable, selon l’avocat. En outre, il souligne que les revendeurs du PMU-Mali sont liés à ce dernier par des contrats de prestation de service et non des contrats de travail. Evoquant l’aspect de subordination, Maître Koné estime qu’il n’existe pas de lien entre le Collectif et PMU-Mali et qu’en plus, ils sont rémunérés de 2,5 à 3,5% des tickets vendus.
Ainsi, dans son jugement n°162 rendu en date du 05 octobre 2009, le Tribunal de travail de Bamako a déclaré l’action du collectif des travailleurs bien fondée en partie et leur a reconnu la qualité de travailleurs liés au PMU-Mali par des contrats à durée indéterminée.
Après ce jugement, le Collectif a obtenu une grosse en bonne et due forme. Mais malgré cette situation, une assignation leur à été notifiée pour une nouvelle procédure en appel. C’est ainsi que la Cour d’appel de Bamako, dans son arrêt en date du 9 janvier 2014, a infirmé la décision du Tribunal de travail.
A ce jour, l’affaire est devant la Cour suprême. Il reste tout de même à penser que cette juridiction saura reconnaitre les vices de procédure de la Cour d’appel et par voie de conséquence, annulera l’arrêt du 9 janvier 2014.