Maintenant que la fameuse Haute Cour de justice, avec ses 18 membres essentiellement de la majorité présidentielle, a été mise en place, qui va être son premier client ? Si l’on s’en tient à la récente déclaration du régime d’IBK de faire passer à la barre le président déchu, ATT, pour « haute trahison », on est tenté de croire que c’est à ce dernier qu’échoirait le « privilège » d’être cette première cible. Le cas échéant, c’est à se demander si un IBK est à même de faire juger objectivement l’ex président ATT pour le motif invoqué, en l’occurrence « haute trahison ».
Il va falloir, dans un premier temps, répondre à un certain nombre de questions, notamment : quel est le contenu que l’on donne à la locution « haute trahison » ? Si bien entendu il se trouverait que quelqu’un aurait bien trahi le Mali, à quand remonterait cette trahison ? L’ex président ATT serait-il seul comptable de ce qui est arrivé de plus grave au Mali ? Faudrait-il entendre par « haute trahison » le seul fait d’avoir été laxiste voire favorisé l’installation des terroristes et autres mouvements djihadistes ? Autant de questions, non exhaustives, auxquelles il importerait de répondre pour satisfaire à un minimum d’objectivité.
Et d’ores et déjà, nous disons que si « haute trahison », il y a eue, son contenu devrait s’élargir à d’autres aspects de la débâcle malienne, comme la déconstruction de l’armée, ou encore l’échec de la politique scolaire et universitaire. Et dans ce cas, il faudrait remonter à l’époque d’Alpha Oumar Konaré.
Car c’est bien là que le mal trouve fondamentalement son origine. On se souvient encore d’un article de Jeune Afrique paru au lendemain de la dernière crise, selon lequel, le Mali disposerait encore d’un arsenal militaire important au temps du Général Moussa Traoré, fût-il dictateur incontestable. Lorsque AOK est arrivé au pouvoir, avec son illusion de pacifiste, l’armée a été « mise au garage ».
Tout comme d’ailleurs l’école malienne au sujet de laquelle IBK se moquait des élèves et étudiants, voire du peuple malien, en faisant remarquer, en substance, que leurs « enfants à eux se formaient d’ailleurs à l’étranger et que ceux qui étudiaient ici (les enfants des pauvres) pouvaient continuer à bouder les classes ». Le Premier ministre d’alors disait certes la vérité, mais c’était aussi une preuve de son propre échec.
Pour revenir à la faillite globale du Mali, nous sommes de ceux qui sont convaincus qu’IBK fait partie de ses plus grands artisans. Qui mieux qu’IBK a servi le Mali au plus haut niveau pendant ces vingt dernières années ? Conseiller diplomatique à la présidence sous AOK, ambassadeur, ministre des Affaires étrangères et surtout premier ministre pendant six ans.
Qu’a fait IBK pendant ces six années à la tête du gouvernement ? Ses partisans nous diraient peut-être qu’il n’était pas le président de la République et que sa marge de manœuvre était limitée ? Cela ne l’excuse en rien.
En effet, lorsqu’on est à un tel niveau de responsabilité et que l’on se rend compte que le pays va à la dérive par la faute du Chef de l’Etat, l’honnêteté et le patriotisme voudraient que l’on rende tout simplement sa démission pour se démarquer de ce qui se passe.
Cela n’a jamais été le cas avec IBK jusqu’à la dernière minute. Il ne quitta le gouvernement que lorsque son propre intérêt, celui d’être soutenu par AOK dans la perspective de la future présidentielle, a été menacé.
Après AOK, c’est ATT, nous ne vous apprenons rien là-dessus, qui arrive au pouvoir. Quel rôle ont joué IBK et le RPM ? IBK est d’abord président de l’Assemblée nationale pendant cinq ans.
Et qui l’a entendu durant ces cinq années dénoncer la politique du président ATT ? A la deuxième mandature d’ATT, il n’est plus président de l’AN, mais il reste député. Et c’est en ce moment que se situe sa plus grande responsabilité dans le chaos qui allait être celui du Mali en 2012.
En effet, alors que le peuple malien attendait de lui qu’il jouât le rôle d’opposant principal au régime d’ATT, IBK fuit carrément sa responsabilité. Préférant jouer un double jeu qui consistait à faire la victimisation tout en sympathisant avec le régime d’ATT. Dont il ne disait jamais du mal.
On se souvient encore de certaines de ses interventions sur RFI, où, même acculé par le journaliste pour enfin sortir de son gond et revêtir l’habit d’opposant en critiquant le régime, IBK n’a jamais daigné franchir le pas.
« Le grand frère a fait de bonnes choses », laissait-il entendre autrement, puisque son parti, le RPM, au bord de la « famine » avait fini par rejoindre le gouvernement, en même temps que le Parena. Mettant ainsi fin à la pseudo opposition parlementaire formée plus tôt par le parti SADI, le RPM et le Parena.
Pourquoi IBK avait-il préféré être dans les grâces de Koulouba plutôt que de contribuer à la construction du pays à travers la dénonciation fondée de dérives dont se rendait de plus en plus coupable le régime d’ATT ? Uniquement pour préserver ses intérêts personnels. Il en savait quelque chose pour avoir vécu – de loin – le calvaire de Me Mountaga Tall lorsque celui-ci avait choisi d’affronter AOK et lui-même IBK.
Le Dr Oumar Mariko, lui aussi a compris qu’être de l’opposition au Mali équivaudrait à signer sa mort politique. Bravo donc à Soumaïla Cissé, et surtout à Modibo Sidibé, qui ont préféré – pour l’instant – la misère de l’opposition. Faire le procès d’ATT, ce serait faire son propre procès.