Le ministre burkinabè des Affaires
étrangères, Djibrill Bassolé, dont le pays conduit la médiation dans la crise
malienne, est arrivé mardi dans le nord du Mali pour rencontrer les islamistes
contrôlant la région, coupée du pouvoir central de Bamako depuis quatre mois.
Parti en hélicoptère de Ouagadougou, M. Bassolé a commencé cette première
visite d'une journée à Gao, grande ville contrôlée par les islamistes du
Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (Mujao), avant une
étape à Kidal (nord-est), fief du groupe Ansar Dine (Défenseurs de la
religion) d'Iyad Ag Ghaly.
Accompagné d'un conseiller et de quelques journalistes, le ministre a
indiqué venir "porter un message" aux islamistes armés de la part du président
burkinabè Blaise Compaoré, médiateur de la Communauté économique des Etats
d'Afrique de l'Ouest (Cédéao).
Il est l'émissaire de plus haut rang à se rendre dans le nord du Mali
depuis que la région est occupée par ces groupes alliés à Al-Qaïda au Maghreb
islamique (Aqmi). Ces mouvements radicaux ont commencé à y appliquer la charia
(loi islamique), suscitant parfois des réactions hostiles, comme dimanche à
Gao, où les habitants ont empêché de couper la main d'un voleur.
Accueilli à Gao par des notables et un responsable local du Mujao, M.
Bassolé a rencontré des chefs coutumiers et des représentants des différentes
communautés. Le groupe islamiste était absent mais les responsables
communautaires ont affirmé "travailler en symbiose avec les gens du Mujao".
Visite d'hôpital
Auparavant, l'envoyé burkinabè s'était rendu à l'hôpital de la ville.
"Grâce à l'aide des ONG, nous avons des médicaments", lui a dit le
médecin-chef Moulaye Guiteye. Entouré d'infirmières voilées pour la plupart,
il a toutefois déploré le manque de certains équipements techniques.
A travers la ville plutôt paisible de nombreux pick-up du Mujao étaient
visibles. Après environ deux heures à Gao, M. Bassolé est parti pour une autre
ville de la région, Kidal.
Le Burkina Faso dit vouloir favoriser des discussions directes entre les
autorités maliennes de transition et les groupes armés du Nord. M. Compaoré a
reçu en juin, séparément, des délégations d'Ansar Dine et de la rébellion
touareg du Mouvement national de libération de l'Azawad (MNLA), depuis
plusieurs semaines évincé de la région.
Il n'y a jusque-là jamais eu de rencontre officielle entre le pouvoir de
Bamako et les nouveaux maîtres du Nord, théâtre de multiples exactions.
Cependant, le président du Haut conseil islamique du Mali (HCIM), Mahmoud
Dicko, est parti il y a quelques jours discuter avec les islamistes armés, qui
veulent imposer la charia à tout le Mali mais ne réclament pas l'indépendance
du Nord, contrairement au MNLA.
A Bamako, une nouvelle architecture des institutions de transition est
attendue dans les prochains jours.
Le président par intérim Dioncounda Traoré, rentré le 27 juillet après une
convalescence de deux mois à Paris à la suite d'une grave agression dans son
bureau à la présidence, a annoncé la création de nouveaux organes de la
transition et se charge de former le gouvernement d'"union nationale" exigé
par la Cédéao.
Ce cabinet d'union doit avoir l'assise suffisante pour permettre d'engager
la reprise du Nord, par le dialogue ou les armes.
La Cédéao continue de jouer la carte de la négociation avec les islamistes,
mais se dit prête à envoyer au Mali une force de quelque 3.300 soldats en cas
de nécessité. Elle attend pour cela une demande formelle de Bamako, un mandat
du Conseil de sécurité de l'ONU et un soutien logistique occidental.