L’enquête Afro-baromètre réalisée en 2012 a montré un aperçu des perceptions parmi les populations du sud de notre pays au lendemain du coup d’Etat (Mars 2012), la conquête des régions du nord par les rebelles (avril 2012), l’attaque contre le président de la transition (mai 2012) et la mise aux arrêts du Premier ministre (10 décembre 2012).
A cette époque, plongé dans une crise nationale profonde, la plupart des maliens envisageaient l’avenir avec pessimisme. L’enquête Afro-baromètre de 2012 a révélé que les trois quarts de citoyens maliens craignaient que le pays n’aille dans la “mauvaise direction”. Contrairement à cette époque, à ce jour presque 7 Maliens sur 10, soit 67%, considèrent que le pays évolue dans la bonne direction, selon la dernière enquête Afro-baromètre réalisée du 17 décembre 2013 au 5 janvier 2014. Les résultats de l’enquête de décembre 2013 montrent plus d’optimisme dans le pays que l’enquête Afro-baromètre menée dans le sud du pays en décembre 2012.
Les principaux constats
En fait, les résultats de la dernière enquête Afro-baromètre font ressortir que l’état d’esprit des maliens réflète un regain d’espérance. On note que six (06) maliens sur dix (10), soit 60% et 67% des déplacés à l’intérieur du pays se sentent principalement ou totalement en sécurité. Alors que seulement 17% des maliens et 10% de ces déplacés considéraient que le pays était pricipalement ou totalement sécurité en 2012.
Prenant le contrepied des résultats de l’enquête menée un an plus tôt, deux maliens sur trois estiment en fin 2013 que le pays se dirige dans la “bonne direction”. Environ 60% des citoyens adultes considèrent également que leur pays est maintenant sûr et sans conflit armé. Ils étaient 17% à le penser en 2012.
Les maliens voient encore l’instabilité politique comme le problème le plus important du pays, en particulier ceux qui vivent dans les régions du nord ou qui ont été déplacés de leurs foyers. Les maliens sont satisfaits de la qualité des élections nationales tenues en 2013, avec 83% d’entre eux jugeant l’élection présidentielle “complètement libre et équitable”.
Bien qu’ils restent prudents sur la conjoncture économique, les maliens perçoivent les signes précurseurs de la reprise et nourrissent de fortes espérances quant à leur bien-être économique futur.
Dans l’enquête Afro-baromètre de décembre 2012, les maliens mettaient en avant le manque de patriotisme des dirigeants et la faiblesse de l’État comme étant les premières causes de la grave crise sociale et politique que traversait le pays. L’enquête menée en fin décembre 2013 début janvier 2014 révèle que les terroristes étrangers et la corruption sont plutôt les deux premières causes du conflit et de l’occupation du nord.
Le changement de perception sur cette question en l’espace d’une année s’explique par le changement dans la nature et l’amplitude de la crise. La crise est passée de l’occupation des deux tiers du territoire à la guerre en passant par l’intensification du radicalisme dans la gestion par les occupants des zones occupées et la multiplication de leurs actes d’interdiction et de punition.
Le changement de perception s’explique aussi par l’organisation pacifique d’élections présidentielles et législatives, avec des taux record de participation du citoyen malien à de telles opérations depuis l’avènement de la démocratie en 1992, plus de 50% aux présidentielles et un peu moins de 50% aux législatives. Ces élections jugées libres et honnêtes expliquent à leur tour que la nécessité de recourir à la violence pour une bonne cause soit perçue par un malien sur cinq contre près d’un malien sur trois, il y a un an.
Les raisons de l’occupation et du conflit du nord
Rappelons que lors de l’enquête Afro-baromètre de 2012, comme causes de la crise que le pays traversait, les maliens plaçaient en tête le manque de patriotisme des dirigeants, la faiblesse de l’État, les terroristes étrangers et l’incompétence de la classe politique. Lorsque la même question a été posée en décembre 2013, au sortir donc de l’occupation des deux tiers du territoire national, les terroristes étrangers sont de loin la première cause des évènements d’occupation et de conflit du nord. Le manque de patriotisme des dirigeants est relégué au cinquième rang, supplanté donc par la corruption, la convoitise des ressources naturelles et la faiblesse de l’État.
Précisions que sur les 9 raisons évoquées par les enquêtes, le manque de développement du nord se classe 8ème juste avant le coup d’État qui occupe la dernière place, sauf dans les régions directement concernées où il occupe les 4ème, 5ème et 7ème places respectivement à Tombouctou, Gao et Kidal. Pour l’ensemble des zones occupées par les groupes armés, rebelles et islamistes, cette raison se hisse à la 4ème place. De même, la convoitise des ressources naturelles est perçue comme 3ème raison du conflit contre une modeste position de 6ème rang dans les zones jadis occupées.
Il est à rappeler que Afro-baromètre est un réseau de recherche africain en sciences sociales. Il mesure l’opinion publique sur les questions clés politiques, sociales et économiques. Les données sont obtenues par entretiens en face à face dans les langues officielles et nationales avec des échantillons représentatifs des citoyens africains âgés de 18 ans et plus.
Modibo KONÉ