Au petit matin du lundi 31 mars, dans sa 72e année, la grande faucheuse a eu raison de la passion de vivre avec les autres, et souvent pour les autres, d’un géant de la presse sportive africaine et mondiale : Mahjoub Faouzi, journaliste franco-tunisien, a été vaincu par la maladie (neurologique) contre laquelle il se battait avec un courage admirable depuis 2012.
Le globetrotteur infatigable, qui connaissait chaque millimètre carré des plus grands stades aux plus petits terrains vagues d’Afrique d’Europe, d’Amérique latine, d’Asie, s’est éteint à Paris après une vie professionnelle à la fois riche et héroïque au service du football en Afrique et dans le monde.
Avec un brin d’humour, il évoquait parfois son drôle de rêve à 19 ans de devenir médecin. Boursier tunisien à Prague en 1961, par le plus pur des hasards, sa passion pour le football le fera atterrir à Paris où le virus du ballon rond ne lui laissera plus aucun répit pendant une cinquantaine d’années.
À Jeune Afrique, au Miroir du Football, à Afrique Asie, notamment, ses passionnants reportages et ses analyses passionnées finement ciselés prenaient parfois l’allure de prêche en faveur de l’esthétisme en football qui ne pouvait pas être autre chose qu’un ballet joué par des chorégraphes, descendants du roi Pelé, mais aussi de Salif Kéïta « Domingo « , entre autres, ses suprêmes références. Alors qu’Iniesta avait à peine 12 ans, Faouzi voyait en lui l’un des talents les plus brillants de sa génération dans le monde. Plus tard, le petit milieu barcelonais incarnera à ses yeux toute la beauté du jeu. Quelle lumineuse prophétie, n’est-ce pas ?
Héritier du journaliste français feu François Thébaud, mythique directeur du magazine Miroir du Football où l’éthique et la morale étaient érigées en dogme religieux, il avait de sa profession une conscience vive de ses responsabilités au point qu’il donnait l’impression d’être en mission pour éradiquer les pratiques malsaines polluant un sport universel qui met en jeu des ressources financières colossales manipulées souvent par des barons peu vertueux, loin d’être des parangons de la bonne gouvernance.
Faouzi avait une conception humaniste de la pratique sportive dont la vocation première, selon lui, visait l’épanouissement de l’individu et non son asservissement. Il n’était donc pas surprenant de le voir pourfendre violemment toute utilisation mercantile abusive du football et toute exploitation esclavagiste éhontée des footballeurs.
Il combattait impitoyablement les manipulations cyniques et les arrangements médiocres des affairistes du football, sans la moindre concession, au risque parfois de déplaire aux seigneurs des instances dirigeantes internationales.
Il avait le football dans le sang et ne vivait pratiquement que pour lui. Qu’il pleuve, qu’il vente ou qu’il neige, avec ses compagnons de Miroir du Football, François Thébaud en tête malgré son grand âge à l’époque, il livrait des heures durant des parties de football épiques sur des terrains municipaux à Paris et ses environs. Leur philosophie était simple : quand on n’a pas pratiqué un tant soit peu le football, on n’est pas qualifié de pontifier là-dessus. C’est la pratique qui peut donner le droit de mieux apprécier certains gestes techniques avant tout jugement pouvant déboucher sur des condamnations péremptoires et injustes, estimait-il.
Faouzi détenait probablement une des documentations les plus fournies sur le football africain. Dans un élan de générosité dont il était coutumier, il proposa à la Fédération Internationale de Football Association (FIFA) une importante partie de son fond documentaire qui servit à la production d’une riche série de DVD sur le football mondial, disponible sur le site de la FIFA.
Membre de la commission des médias de la FIFA et conseiller de presse de la Confédération Africaine de Football (CAF) pendant de longues années, il a tissé à travers la planète entière un impressionnant réseau de relations amicales avec les plus grands footballeurs, les plus éminents dirigeants sportifs et tant d’aficionados du foot inconsolables de la perte de ce frère planétaire que pleurent Christiane, son épouse, Mehdi et Yanel, ses deux enfants et sa maman veuve qui, à plus de 93 ans, vit toujours à Tunis.
Amigo, repose en paix !