Le général Amadou Haya Sanogo, ses amis, parents et avocats ont tout tenté. Ceux qui savent manipuler l’opinion, comme Oumar Mariko, s’y sont mis. Des mouvements de contestations, des militaires et policiers, partis politiques proches du général Sanogo ont essayé de profiter des festivités du 22 mars 2014 pour déstabiliser le pays et faire fuir des prisonniers. Tout cela a échoué !
Leur dernière trouvaille : prendre contact avec des magistrats de la Cour d’appel en vue de récuser le juge d’instruction Yaya Karembé, moyennant d’importantes sommes versées par le frère du général Amadou Haya Sanogo.
C’est à ce spectacle auquel on assiste maintenant du côté de la Cour d’appel, où un magistrat a même poussé son audace jusqu’à vouloir rencontrer à ce propos le ministre de la Justice. Et beaucoup de juristes maliens soutiennent mordicus aujourd’hui que les magistrats de la Cour d’appel sont capables de tout face à l’argent. Sans rentrer dans ces considérations, nous avons décidé de partir des faits.
Récuser un juge, c’est bien possible selon le code de procédure pénale et le code de procédure commerciale et sociale. Mais Amadou Haya Sanogo et ses avocats semblent s’y prendre un peu trop tard. D’autant que, de novembre 2013 jusqu’à ce jour, ils ont eu suffisamment de temps pour demander la récusation du juge d’instruction. C’est donc six mois après qu’ils viennent d’introduire une requête dont l’un des éléments constitutifs n’est autre que l’interview imaginaire d’un confrère de la place, bien avant la première audition du général Sanogo. Autant dire que cette requête vient à un moment où les premiers rapports de l’instruction ont été remis aux différentes parties, y compris les avocats du général, tout comme les premiers résultats médicaux de l’analyse des ossements des 21 bérets rouges disparus. Par ailleurs, les Américains, qui ont fait ce travail, s’apprêtent à entamer les analyses des différents corps qui se trouvent actuellement dans la chambre froide d’un hôpital de la place.
Visiblement, les avocats de Haya n’ont pas réagi à temps et manquent d’arguments, quand bien même ils veulent faire ce qu’on appelle la preuve de l’existence. Ils tentent alors de récuser Karembé qui vient de recevoir un PV très important dans l’affaire dite de la mutinerie du 30 septembre 2013. Au moment où une jonction de coordination des deux affaires est envisagée : il y a comme anguille sous roche. Du moins, c’est l’avis d’un juriste. Est-ce à dire que les avocats de Haya, qui avaient affûté leurs armes pour obtenir l’acquittement du général Sanogo, sont en panne d’inspiration ? En tout cas, leur stratégie était basée sur l’absence de chaîne de commandement dans l’armée au moment de l’affaire des bérets rouges. Ce qui les fonde à penser qu’on ne saurait alors désigner Amadou Haya Sanogo et autres comme coupables.
En vérité, l’attitude des avocats de Sanogo se justifie par leur incapacité à proposer autre chose pour faire calmer leur client. C’est la requête de récusation qui est leur dernière chance avant le procès. Mais, même dans cette requête, il y a des parties qui méritent réflexion, selon bon nombre de juristes. Lesquels se demandent si ces avocats connaissent bien les articles du code de procédure pénale. Ainsi, dans leur requête, leur manière de mettre en cause le mandat de dépôt est diamétralement opposé à ce qui se trouve dans le code de procédure pénale en son article 114, alinéa 3 : «Le mandant de dépôt est l’ordre donné par le juge au régisseur de la maison d’arrêt de recevoir et de détenir un inculpé.
Ce mandat permet également de rechercher ou de transférer l’inculpé lorsqu’il lui a été précédemment notifié». Cette disposition est complétée par l’article 135 du même code de procédure pénale, qui stipule qu’en matière criminelle, la durée du mandat de dépôt ne peut excéder un an. Toutefois, si le maintien en détention provisoire paraît nécessaire, le juge d’instruction doit renouveler cette détention par ordonnance spécialement motivée dans les huit jours ouvrables précédant l’exploitation du délai ci-dessus spécifié. Le même article 135 parle aussi de la prolongation de la détention provisoire, qui peut intervenir chaque année. Cependant, en aucun cas, la détention provisoire de l’inculpé en matière criminelle ne peut excéder 3 ans. Or, le général Sanogo n’est qu’à 6 mois de détention. Aussi, les dispositions des articles 122, 128, 129 et 130 sont également applicables, de même que les articles 127 et 131 et l’ordonnance de maintien en détention. C’est dire que le juge Karembé peut garder le général Haya Sanogo pendant 3 ans dans les liens de la détention.
Récuser Yaya Karembé pose un autre problème, surtout en cette phase de la procédure où il doit commencer de nouvelles auditions et confrontations, en vue de finaliser son rapport avant le procès. Le récuser de cette façon, peut conduire cette affaire vers une issue incertaine.
Kassim TRAORE