L’objectif du programme de départ volontaire à la retraite anticipée, un volet du Programme d’ajustement structurel initié par la Banque Mondiale, de concert avec le Gouvernement du Mali, était de dégraisser l’effectif de la fonction publique, pour créer une nouvelle race d’opérateurs économiques au Mali et cela avec les mesures de réinsertion prévues à cet effet.
Avec le recul, force est de reconnaître que l’opération s’est soldée par un échec retentissant. A cause même du fait qu’elle a été conduite dans un total manque de transparence. Autrement dit, «à la Malienne». A vrai dire, c’est une véritable omerta qui entoure le dossier des partants volontaires à la retraite.
Les dés ont été pipés dès le lancement même du programme. Malgré toutes les démarches qu’ils ont effectuées, les partants volontaires n’ont pas pu accéder à l’Accord Cadre censé contenir les informations stratégiques relatives au Programme. Autant chercher plutôt à percer le mystère de la chambre jaune. Tout se passe comme si l’on avait concocté un plan machiavélique, destiné à battre en brèche la cause des partants volontaires.
Dans les hautes sphères des régimes qui se sont succédé, de 1991 à nos jours, l’on doit être au parfum des arcanes entourant le fameux dossier. Mais, par la grâce de Dieu, l’épais voile d’opacité enveloppant le dossier des partants a été partiellement entamé, via un extrait du Rapport annuel de la coopération Mali – Banque Mondiale, datant de janvier 1993, tombé entre les mains des intéressés.
Dans ce rapport, on peut lire, noir sur blanc, que «1. Le coût du financement du programme de départ volontaire à la retraite anticipée a été entièrement versé à l’Etat malien pour un montant de 310 milliards de FCFA. 2. Les partants volontaires sont les bénéficiaires exclusifs dudit montant. 4. L’acte fondamental du départ volontaire à la retraite anticipée est la réinsertion des déflatés. 5. L’Etat jouera le rôle de superviseur. 8. Le programme dans son esprit vise deux objectifs: – réduction de la masse salariale et – la réinsertion des déflatés dans le secteur privé. 9. Les fonds du programme ne sont pas budgétisables».
Nous avions publié, en son temps, un article intitulé: «Programme de départ volontaire: où sont passés les 310 milliards de la Banque Mondiale?». Une question qui, à ce jour, n’a toujours pas reçu de réponse. Comment pourrait-il en être autrement, quand, dans les autres pays de la sous-région éligibles au même programme, les Cadres A ont reçu chacun entre 15 et 18 millions de FCFA en guise d’indemnité de départ, au moment où ceux du Mali se contentaient de 4 millions de nos Francs?
Dès le commencement, un contentieux a toujours opposé les partants à l’Etat malien, devant la mauvaise foi manifeste de ce dernier. Le dernier acte en date a vu l’Association des partants volontaires ester l’Etat malien devant la Cour de Justice de la CEDEAO, pour violation des droits de l’homme. Car, sur le chemin de croix que l’Etat malien leur a imposé, les partants en ont vu de toutes les couleurs: dislocation de familles, clochardisation et déshumanisation, décès…
Au point que les partants volontaires à la retraite, qui sont quand même au nombre de 5 666 personnes, sont devenus aujourd’hui une couche de notre société à la merci de n’importe quel opportuniste, récupérable par des politiciens aux intentions douteuses.
L’Etat étant une continuité, les autorités actuelles sont vivement interpellées par leur sort, si tant est qu’elles veulent lutter réellement contre la pauvreté, bannir l’exclusion et l’injustice, créer des emplois, apaiser le front social…
Yaya Sidibé