Depuis quelques temps, la concurrence s’intensifie entre les deux opérateurs téléphoniques présents au Mali. Mais, les consommateurs profitent-ils des tirs croisés entre Sotelma-Malitel et Orange-Mali ? Ce n’est pas certain, car la concurrence est loin d’être loyale, certaines déclarations se révélant mensongères et des produits n’étant que du copier-coller de ceux d’Orange-Mali par Malitel.
Notre enquête.
En décidant d’accorder une licence d’exploitation de la téléphonie globale à un deuxième opérateur, l’Etat croyait privilégier l’intérêt des consommateurs maliens. De fait, cette initiative a permis de démocratiser l’accès au téléphone portable à une période où Malitel, opérateur exclusif alors, profitait de sa position de monopole pour vendre la puce à des prix exorbitants : entre 150 000 et 350 000 FCfa, c’est-à-dire, souvent près du salaire annuel d’un fonctionnaire malien. Avec l’arrivée d’Orange-Mali (appelé Ikatel auparavant), la puce est devenue abordable pour beaucoup, d’abord (30 000 FCfa), puis pour tous (500 à 1000 FCfa) l’unité. Il est indéniable que ce rabattement ne pouvait que susciter l’engouement vers ce deuxième opérateur et en faire le leader incontesté du secteur, surtout que, dans le même temps, grâce aux fabricants chinois et aux sociétés occidentales délocalisées, le téléphone portable a également connu une baisse considérable de ses prix d’acquisition.
Mais, si grâce à cette «démocratisation» de la puce et du téléphone, tous les nouveaux clients se sont tournés naturellement vers Orange-Mali, Malitel va également perdre beaucoup de ses clients, y compris les services publics qui voyaient là l’occasion de faire des économies sur la rubrique communication du budget national, mais aussi l’occasion de bénéficier de services plus performants et innovants. C’est alors que Malitel va entamer son déclin et pousser les autorités à revoir leur copie : la société, filiale de la Sotelma, va ouvrir son capital. Et c’est Maroc Télécom, une société de droit marocain qui va bénéficier de cette ouverture. Privatisée en partie, la société est désormais soumise à la dure loi de la rentabilité, sa stratégie sera alors basée sur la publicité pour redorer son blason et soigner son image.
Un nationalisme douteux et dangereux
Cela est tout à fait naturel dans un environnement dominé par la concurrence. Mais, ce qui est loin d’être naturel, c’est la stratégie que vont adopter les maîtres de Malitel. Il est vrai que cette société est l’opérateur historique, le premier opérateur de téléphonie mobile. Mais, quand Malitel essaye de tirer sur la fibre patriotique et nationaliste, elle induit en erreur. De même que quand elle galvaude ce slogan : fier d’être Malien. Qu’a-t-elle de plus nationaliste et patriotique que sa concurrente ? Rien ! Pour preuve, l’Etat malien n’est pas majoritaire dans le capital de Malitel, un capital largement détenu par l’investisseur Etisalat via Maroc Télécom. De l’autre côté, ce sont des privés maliens qui détiennent une partie du capital d’Orange-Mali, la majorité revenant à Orange-France. La part détenue par l’Etat malien dans le capital de Malitel est sensiblement égale à la part détenue par des privés maliens dans le capital d’Orange-Mali.
Une certaine publicité veut différencier les privés maliens de l’Etat malien, alors que ce dernier est censé travailler et œuvrer pour les premiers. De fait, depuis la libéralisation de l’économie, au début des années 90, les pouvoirs publics ont adopté la politique d’encouragement des investissements privés nationaux. Si ces investissements ne sont pas encore plus importants que les investissements étrangers, c’est tout simplement parce qu’il y a des problèmes d’enveloppes financières locales et une réticence dans certains milieux à mobiliser les capitaux et, surtout, à investir dans des secteurs pourtant porteurs.
Au lieu de vulgariser cette politique d’investissement par la mobilisation de l’épargne nationale et les mesures incitatives à l’investissement étranger, des messages négationnistes et dangereux sont véhiculés par la chaîne publique de télévision, le média le plus accessible, le plus écouté et le plus populaire au Mali, un pays qui s’est pourtant doté, depuis longtemps, d’un organe de régulation des télécommunications.
Beaucoup de boucan pour rien…
Certains perçoivent ces messages comme une manière pour Malitel de combler le fossé creusé entre elle et sa rivale. C’est tout simplement dangereux. La concurrence est certes normale dans toute activité commerciale, mais elle doit être encadrée si on ne veut pas laisser certains abuser des consommateurs. Or, ces derniers temps on se demande si Malitel n’est pas en train d’abuser de la crédulité des Maliens. En effet, contre les onze millions abonnés que revendique Orange-Mali, Malitel, qui n’a même pas encore terminé sa restructuration et son redressement, prétend avoir dix millions d’abonnés.
L’opérateur se baserait-il sur les puces en stock, les puces vendues ou les puces actives ? Dans le premier cas, il ne s’agirait que de projections, donc de conjectures ; dans le deuxième cas, cela ne prouve rien dans la mesure où, avec la politique de promotion de puces créditées, un seul consommateur peut se retrouver avec cinq, voire dix puces dont il utilise les crédits, avant de s’en débarrasser. C’est dans le troisième cas seulement que l’estimation peut se montrer correcte, notamment si l’on tient compte des puces activées en permanence.
Une autre arnaque dont certains accusent Malitel, c’est sa promotion des téléphones Black Berry. Selon plusieurs abonnés de l’opérateur, malgré cette promotion faite en grandes pompes publicitaires, les appareils ne seraient pas disponibles aux points de vente indiqués. Ce serait vraisemblablement de la publicité mensongère que personne ne dénonce, ni le régulateur, ni les défenseurs des droits des consommateurs, ni même la grande rivale. La stratégie de Malitel semble donc se limiter à ça. Malgré le groupe auquel il appartient, un grand groupe, quand même, le premier opérateur est toujours incapable d’innovation en matière d’offre de services. L’opérateur ne va certainement réinventer la roue de l’histoire, mais, de fait, Malitel se borne à reprendre ce que fait Orange-Mali et qui marche. Le dernier exemple est Mobicash, une réplique d’Orange-Money pour les transferts, paiements, dépôts et retraits d’argent.
Avant ça, il y a eu «N’wélé». En somme, Malitel est une véritable insulte aux Maliens si sa stratégie se borne à reprendre ce que font les autres, alors que tout le monde sait que le Malien est ingénieux, créatif et imaginatif. Le copier-coller ? Il n’y a vraiment pas de quoi être fier d’être Malien. Halte donc au plagiat, à la concurrence déloyale, à la publicité mensongère, et œuvrons pour un environnement des affaires sain, honnête et facteur de progrès. De tout ce qui précède, il ressort que Sotelma/Malitel abuse souvent des maliens dans ses publicités. Etant entendu, qu’Orange Mali, quant à elle, est loin d’être une sainte.