BAMAKO - Des habitants de Gao, une des trois villes
principales du nord du Mali occupé par des groupes islamistes armés depuis fin
mars, sont à la pointe de la résistance contre ces "fous de Dieu" qui y
multiplient les violences au nom de la charia, la loi islamique.
Lapidation à mort d`un homme et d`une femme parents d`enfants sans être
mariés, amputation de la main d`un voleur, coups de fouets à des couples
"illégitimes", des fumeurs de cigarettes, des buveurs d`alccol: dans le nord
du Mali abandonné par Bamako, les islamistes liés à Al-Qaïda au Maghreb
islamique (Aqmi) appliquent la charia de la manière la plus brutale qui soit.
A Gao, près de la frontière du Niger, des centaines d`habitants, jeunes
pour la plupart, ont, à leurs risques et périls, manifesté à plusieurs
reprises depuis le mois de mai pour s`opposer à ces méthodes: la première fois
parce qu`on les empêchait de regarder la télévision, de jouer au football.
Il y a une semaine ils sont à nouveau descendus dans la rue pour empêcher,
avec succès, les islamistes de couper la main d`un voleur, puis pour protester
contre le passage à tabac d`un animateur de radio qui avait relaté le premier
mouvement de colère contre l`amputation.
"A cette allure, ce sont les populations qui vont chasser les islamistes à
mains nues", affirme Soumaïla Kanté, jeune sociologue malien de Gao.
Mais trois jours plus tard, c`est à Ansongo, localité proche de Gao, que,
pour la première fois depuis l`occupation du Nord, l`amputation de la main
d`un voleur à eu lieu en public. Un chef local du Mouvement pour l`unicité et
le jihad en Afrique de l`Ouest (Mujao), qui est avec Ansar Dine (Défenseurs de
l`islam), un des deux groupes liés à Aqmi, a promis d`agir bientôt à Gao.
Dans un premier temps, les hommes du Mujao étaient plutôt bien vus à Gao,
car ils s`opposaient aux rebelles touareg du Mouvement national pour la
libération de l`Azawad (MNLA), accusés de nombreuses violences et exactions
dans la ville, avant d`en être chassés par le Mujao le 27 juin après de
violents combats.
"Des bornes à ne pas dépasser"
"Au début, on appréciait vraiment les islamistes, car ils nous
respectaient, contrairement aux rebelles touareg qui étaient plus célèbres
dans le brigandage qu`autre chose", dit un infirmier de l`hôptal de la ville,
ajoutant: "Mais, il ne faut jamais oublier qu`ici, nous sommes des gens
teigneux et courageux".
"Ce n`est plus le grand amour" entre islamistes et "nous", la population,
reconnaît Abdoul Karim Maïga, du Collectif des ressortissants du nord du Mali,
(Coren). "Avec leur charia" qui impose de "couper les mains, interdire de
fumer, frapper les gens, la cote des islamistes a brutalement chuté", dit-il.
Tiegoum Boubèye Maïga, journaliste malien originaire de la région de Gao,
rappelle que cette ville a toujours été "rétive". "Ça ne m`étonne pas qu`elle
prenne la tête de la contestation contre les islamistes, parce qu`il y a des
bornes à ne pas dépasser", explique-t-il à l`AFP.
Il ajoute que "dans le nord du Mali, c`est toujours Gao qui prend la tête
des révoltes, avant qu`elles ne se propagent. C`est Soni Ali Ber, premier
empereur de Gao (1464-1493) qui a été libérer Tombouctou du joug des Touareg".
La bravoure des habitants de Gao a fait tâche d`huile dans d`autres
localités du Nord, notamment à Goudam, au sud de Tombouctou, où pour
désapprouver les actions des islamistes, des habitants ont incendié en partie
un bâtiment qu`ils occupaient, avant de les empêcher d`aller prier dans une
mosquée de la ville.
Les groupes islamistes ont eu beau distribuer beaucoup de dons à l`occasion
du ramadan, la stricte application de la charia a du mal à passer.
Les populations des trois grandes villes du Nord occupé - Gao, Tombouctou
et Kidal - tentent actuellement de former une "coalition des autochtones du
Nord" contre "les envahisseurs".
"Nous avons résisté aux Touareg, nous allons résister aux islamistes par
tous les moyens, s`ils veulent appliquer aveuglément la charia dans toute sa
rigueur chez nous", dit, sous couvert d`anonymat, un ex-préfet de Goudam qui
ajoute: "Nous sommes une terre d`islam, pas d`islamisme".
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