La nomination du président de Yelema, Moussa Mara, à la tête du nouveau gouvernement a provoqué un effet de choc dans les rangs des Tisserands, au point que certains barons ont demandé aux élus du RPM de déposer une motion de censure contre le gouvernement à l’hémicycle. Mais, après des échanges houleux entre le locataire de Koulouba et les frondeurs de son parti, la sérénité est revenue. Mais, pour autant le tourbillon n’est pas parti loin. Connaissant la capacité de nuisance de certains cadres, notamment le secrétaire général, Bokari Téréta, formé à l’école de la KGB, en ex-Union Soviétique, IBK sait mieux que quiconque que l’ivraie n’est pas tiré du bon grain.
Les tisserands avaient donné du grain à moudre à leur mentor, IBK. Il lui a fallu des discussions par le biais du secrétaire général de la présidence avec la crème d’un parti qui lui doit tout pour obtenir l’accouchement douloureux du nouveau gouvernement. Cette attitude du prince du jour à se rabaisser au niveau de ses disciples n’a fait que différé le problème, qui reste entier. Au moindre faux pas, ils reviendront à la charge. D’où la mise en garde contre les caciques du RPM tapis dans l’ombre, le mercredi dernier.
« Vous êtes chef d’équipe. Vos prérogatives resteront les vôtres. Elles seront respectées : la constitution vous limite certes, mais elle vous confère également des droits que je ne laisserai pas transgresser et que je ne transgresserai pas, conscient des enjeux et du fait que le seul combat qui en vaille la peine, c’est le combat pour : un pays plus sûr, voire sécurisé sur toute l’étendue de son territoire, un peuple qui peut regarder l’avenir avec confiance parce que sa qualité et son cadre de vie sont en constante amélioration, une jeunesse fière de ses écoles, sûre de ses compétences et de sa compétitivité ; un pays aux opportunités accrues, créant de l’emploi, soucieux de justice sociale, d’équité et de solidarité envers ses citoyens, en particulier sa jeunesse et ses femmes, donc sa majorité démographique… », a clairement déclaré IBK.
Pourquoi n’a-t-il pas confié la Primature à son parti ?
Plusieurs hypothèses peuvent justifier ce choix. Mais la plus plausible est l’élection de son fils, Karim Kéïta, comme député et le beau père de celui-ci comme président de l’Assemblée nationale. Ces décisions, qui procèdent probablement de la stratégie de ses camarades à s’approprier de l’appareil du parti avec la complicité de sa famille privée. Cette irruption soudaine n’est le fruit du hasard, c’est un travail de fourmi, entrepris depuis de longs mois autour d’IBK sans qu’il ne s’en rend compte. Maintenant qu’il a été mis devant le fait accompli, il est obligé d’avaler la couleuvre. C’est cela la méthode KBGiste. Une première victoire du stratège politique Bokary Téréta. Aujourd’hui, une nomenklatura politico-financier, bâti sur des intérêts communs, bien ficelés et avec la complicité innocente du fiston national, entoure le ‘’Mandé mansa’’.
Les conséquences politiques de ce bourgeon (ou le greffe) a plombé les ailes de la popularité de l’homme qui incarnait le changement. Son discours mobilisateur : « Le Mali d’Abord » a pris de l’eau de tous les côtés. Il faut une résurrection pour remobiliser l’imaginaire collectif. IBK a lui-même conscience que son pouvoir commence à se heurter à des roches de pessimismes de ses électeurs. Car, les discours ésotériques ne sont de leur ressort. La priorité pour eux, c’est rétablir l’honneur du Mali et réaliser le bonheur pour les Maliennes et les Maliens. Une promesse faite aux électeurs et électrices. Les slogans : « Pour l’honneur du Mali » et « Le Mali d’Abord » ont effectivement mobilisé. Certains ont cru que leur heure était également arrivée.
Mais apparemment, les choses ne se présentent pas comme ils le représentent dans leur imaginaire. En tant qu’ancien Premier ministre d’un parti majoritaire, IBK a conscience des enjeux de la tour de contrôle, qu’est la Primature. Ils peuvent continuer à rêver. Mandé mansa sait aujourd’hui, que la question de la Primature est une question de vie ou de mort pour son régime. Car, ce qui a été toléré à ATT ne le sera pas pour lui. Les Maliens (politiques ou non) veillent sur lui, comme le pasteur veille sur le feu. Acculé et frontalement interpellé par des citoyens avides de justice, furent-ils de l’étranger, sur les conditions d’élection de Karim Kéïta à l’AN, IBK sait qu’il fait face à une fronde de ses électeurs et électrices au point qu’il a de plus en plus mal à prononcer son slogan favori : « Mali d’Abord », qui prend une connotation par la force des choses.
C’est au regard de tout cela, que le RPM peut encore attendre longtemps. La Primature, ce n’est pas demain la veille. D’où la mise en garde.
Mohamed A. Diakité