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Mariam Bagayogo, artiste malienne : «Mon souhait, c’est la paix et l’entente entre tous les fils du Mali»
Publié le vendredi 25 avril 2014  |  Le Reporter Mensuel




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Dans le cadre des activités de la Semaine nationale de mobilisation contre la piraterie, le Bureau malien du droit d’auteur (Bumda) a remis à Mariam Bagayogo 2 millions de Fcfa. Pour Mariam Bagayogo, on peut dire que c’est une reconnaissance du mérite. Cette grande dame de la musique, malgré ses 70 «pluies», continue à faire plaisir à tout le monde avec son balafon et le goussoun bala du Bélédougou. Mariam Bagayogo n’est certes pas à présenter, mais il est nécessaire que le public se rappelle son parcours.

Comment voyez-vous la situation dans notre pays ?

Mariam Bagayogo : Comme le dit l’adage bamanan, c’est quand les oiseaux sont unis qu’ils font du bruit et ce bruit a de la force. L’union fait la force. Il faut l’entente entre les hommes et il faut que les gens se respectent. Mon souhait, c’est la paix et l’entente entre tous les fils du Mali. La vérité est une et personne ne pourra la changer. Par contre, le mensonge n’a pas longue vie. C’est pourquoi il faut qu’on se donne tous la main pour que notre pays avance.

Comment êtes-vous venue dans la musique ?

Je peux vous dire que la musique a été pour moi un don de Dieu. Quand j’étais petite, personne ne me considérait. Puis, les gens s’interrogeaient à mon sujet, et la plupart affirmait que j’allais devenir chanteuse. J’ai commencé par les petites chansons qu’on interprétait quand on allait chercher des noix de karité. Ensuite, pendant que les femmes pilaient les noix, je jouais des boîtes de conserves vides ou des calebasses et chantais pour les encourager. Après, j’ai fait le Djidounou, les chansons de djembé et les chansons de Koté. Mais, c’est le Gounssou, avec le balafon, que j’ai valorisé. C’est une tradition musicale ancienne chez nous au Bélédougou. C’est l’un des genres les plus anciens et les plus valeureux de notre terroir. Je l’aime beaucoup et il me tient à cœur.

Depuis combien d’années faites-vous du Gounssou ?

Cela fait plus de cinquante ans que j’en joue. Je suis tombée amoureuse de cet instrument lors des travaux champêtres au village. Ce sont les jeunes filles qui transportaient les balafons, mais les balafonistes ne jouaient que pour les paysans et les braves cultivateurs. Le balafon est de toutes les activités au village : il a des fonctions multiples. Il renforce les relations entre mariés et beaux-parents ; crée l’entente entre les villageois et consolide l’harmonie entre les communautés. Toutes choses qui font qu’il doit être admiré par les hommes épris de paix et d’entente. Je considère le balafon comme un moyen de prêche. Comme le prêcheur se base sur le Coran pour montrer le bon chemin aux gens, leur inculquer la pitié les uns envers autres et leur rappeler que c’est Dieu qui nous a tous créés. Moi aussi, avec mes chansons, je conseille et montre le droit chemin à mes concitoyens. Je conseille aux gens l’entente, le travail et l’union.

Comment le public vous a découverte ?
C’est grâce au balafon que j’ai été connue par les Maliens, grâce à mes chansons. Quand Dieu t’accorde un don, avec les bénédictions des parents, si tu persévères, avec la baraka, il va de soi que tu sois connu. Au début, lorsque j’ai commencé à chanter, je n’avais pas encore d’enfants et mon père ne voulait pas que je chante avant d’en avoir eu au moins un.

Quel était le métier de votre père ?
Mon père était chanteur, bien avant ma naissance. Il accompagnait l’imam avec des chansons religieuses, après la prière, tous les vendredis et les jours de fête. Il était aussi chasseur. Il allait en brousse avec des Blancs et il leur servait de guide de chasse. C’est mon père qui coupait les queues des lions et autres animaux sauvages qu’ils abattaient. Après, il chantait le Niangara pour honorer les chasseurs. Il avait ce don, car n’importe qui n’accompagnait pas les chasseurs à l’époque.

Il vous a transmis ses savoirs et connaissances ?

Il m’a toujours dit que devenir chanteur est un don de Dieu. Il ne pouvait rien contre mon destin, sinon il m’en aurait empêché. Mon père me disait que la musique était difficile et engendrait de la méchanceté, l’égoïsme et la rivalité. Comme j’étais l’unique fille de la famille, il avait peur qu’on ne me tue très jeune. Il a d’ailleurs détruit mes trois premiers balafons et caché le quatrième. Je me cachais pour aller chanter. Chaque fois qu’il y avait un mariage, je m’y rendais et les gens le lui disaient. Heureusement pour moi, quand j’ai eu un petit garçon, il m’a remis le quatrième balafon en me disant qu’il me laissait devenir artiste du Gounssou balafon. Il se trouvait que je l’étais déjà, parce que j’avais déjà encadré plus de 12 femmes. Et il m’a fait beaucoup de bénédictions.

Avez-vous déjà participé à de grandes rencontres nationales ?
Lorsque le président Modibo Keïta était au pouvoir, j’ai participé à beaucoup de manifestions. Au temps de Moussa Traoré, j’en ai fait avec Siramory Diabaté, Bazoumana Sissoko et Koni Koumaré. Au cours des Biennales artistiques et culturelles, j’ai aussi joué dans des pièces de théâtre. J’ai participé à des festivals sous les deux premières Républiques et j’ai été au Folklife festival aux Etats Unis sous ATT. Je dis tout cela avec satisfaction, parce que je pense avoir honoré mon pays. D’ailleurs, sous la Transition de 1992, j’ai été décorée, ainsi que plusieurs autres artistes.

Combien de cassettes avez-vous enregistrées ?
Quatre. Pour les deux premières, mon producteur m’a donné 150 000 francs maliens et je ne l’ai plus revu. M’Baye Boubacar Diarra a fait mes deux autres cassettes. Cela s’est bien passé et je remercie Dieu et M’Baye Boubacar. Les deux premières cassettes, je les ai faites il y plus de 20 ans. «Bassabougou» et «Ciwara» ont été réalisées par M’Baye, il y a 10 ans.

Vous avez plus de 70 ans mais vous n’en avez pas l’air. Quel est votre secret ?
Tout dépend de Dieu. Le Bon Dieu ne donne jamais une charge à quelqu’un qu’il ne puisse supporter. Il lui donne toujours les moyens. Je n’ai aucun secret. Depuis que j’ai commencé ma carrière, je n’ai jamais pris de comprimés pour bien danser. Je ne prends que les médicaments que les médecins me demandent de prendre. Depuis que je suis née, je n’ai jamais bu de l’alcool, même par inattention ! Tous mes instrumentistes qui boivent de l’alcool, quittent le groupe sans qu’on se dispute. J’ai un bon balafoniste qui me comprend et qui connaît bien ma musique, ainsi que le sens de mes propos. Nous nous comprenons bien. C’est ça ma drogue. C’est ce qui fait que je danse bien. Sinon, effectivement, je ne suis plus jeune. Quand je me prépare pour un spectacle, je jette de l’eau en l’air, je la récupère et la bois, avant de sortir. Je ne prends rien d’autre.

Êtes-vous mariée ?
Je suis dans mon premier mariage jusqu’à présent. J’ai eu un enfant par césarienne. Après, je n’en ai plus eu, parce que c’était très difficile. Au moment où j’arrivais à l’hôpital du Point G pour faire la césarienne, mon travail avait duré très longtemps. C’était dur pour moi, l’accouchement a été difficile. Mais, j’élève certains enfants de mes frères et sœurs. Je remercie Dieu parce que ma maison est remplie d’enfants. Je peux dire que grâce à la musique, j’ai pu aider mes parents, mon père et ma mère, mes frères et sœurs.

Mais, actuellement, je traverse des difficultés parce que ce que je gagne n’est pas suffisant. Je n’ai pas les moyens de me construire une maison. En effet, j’ai perdu un frère qui m’a laissé 9 enfants et 2 femmes. Un autre est décédé en me laissant 8 enfants et 2 femmes. Je suis en train de les nourrir. La maison que j’habite aujourd’hui m’a été offerte par Sory Ibrahima Sylla, quand il était gouverneur de Bamako. J’avais acheté une parcelle à Boulkassoumbougou et construit 4 pièces, mais il y a eu des problèmes et un bulldozer est venu un jour tout raser. C’est en pleurant que je suis allée voir Sory Ibrahima Sylla. Il m’a dit que nous (artistes) ne devrions pas pleurer au Mali, car notre pays nous doit respect et soutien. C’est lui qui m’a donné une parcelle à Kalaban Coura. Dieu merci, maintenant, je fais la navette entre Bamako et Kolokani. C’est mon fils qui habite cette maison à Kalaban Coura.

Vous avez un appel ?
Je demande aux jeunes de suivre les pas des anciens. Cela leur permettra d’éviter des erreurs. S’ils continuent d’imiter les autres, un jour viendra où des artistes étrangers viendront enlever nos prix. Les pas de danse, les chansons, les instruments de musique, tout nous vient d’ailleurs aujourd’hui. Lors des compétitions, nous ne pouvons pas battre les autres. Les jeunes artistes ne doivent pas perdre de vue leur passé, mais je constate qu’ils ne font plus d’effort de recherche. Je demande aux chanteurs et chanteuses maliens de se référer au passé. Je vous remercie de m’avoir donné une telle opportunité. Vous, les médias, personne ne peut vous remercier, sauf le Bon Dieu. Que Dieu vous accorde longue vie, à vous et à votre journal !
Kassim TRAORE

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