Le Mali a de moins en moins de chance de récupérer la région de Kidal. La localité fait l’objet d’enjeux géostratégiques de plus en plus inextricables. En attendant qu’ils trouvent une solution, le MNLA fait la loi dans la cité. Après avoir évacué du bout des lèvres le gouvernorat, il a pris position tout autour, ce qui transforme l’édifice en une prison de fait. Le gouverneur, surveillé comme le lait sur le feu, se rend donc au bureau le matin et, dans l’après-midi, se réfugie dans le camp militaire malien. Dans ce camp, l’armée, forte de quelque 200 soldats, est verrouillée à double tour par les forces françaises et onusiennes.
Le juge de paix de Kidal a fui le coin depuis belle lurette. Pour ne prendre aucun risque, la Banque Malienne de Solidarité a placé à la tête de son agence locale le fils de Mohamed Ag Erlaf, le patron touareg de l’Agence Nationale de développement des Collectivités Locales (ANICT). Verrou militaire de Kidal, la ville de Tessalit abrite une seconde base militaire du MNLA. Les combattants séparatistes, déployés à Ambobar, à 7 km de Tessalit, sont libres comme l’air alors que les soldats maliens sont littéralement cantonnés dans leur base d’Amachach. Bref, Kidal et ses environs vivent, pour l’heure, une autonomie de fait que le MNLA cherche à transformer en autonomie de droit.
Les positions du MNLA sont confortées par la toute-puissance française au Mali.
Si la France tient vaille que vaille à autonomiser Kidal, c’est parce qu’elle n’aurait pas pu mener sa guerre au Mali sans le soutien algérien. Or la condition algérienne pour faciliter l’opération Serval était l’instauration, à Kidal, d’un espace ouvert aux trafics des jihadistes d’AQMI. Sans cette précaution, qui fait de Kidal un déversoir de terroristes, la guerre pourrait reprendre en Algérie, ce qui serait du plus mauvais effet pour ce puissant voisin du Mali. « C’est cet enjeu, plus que les questions minières ou pétrolières, qui explique l’insistance de la France à empêcher l’exercice de la souveraineté malienne sur Kidal », nous révèle un expert. Le président français, on s’en souvient, a, au moment de l’offensive militaire sur le nord du Mali, rendu visite à l’émir du Qatar (autre soutien des rebelles maliens) et dépêché plusieurs membres de son gouvernement chez Bouteflika. La France doit, en outre, une fière chandelle au MNLA de l’avoir aidée à localiser et traquer les jihadistes en janvier 2012.
Si le pays de François Hollande a aidé IBK à gagner la présidentielle de 2013, c’est en espérant qu’il aurait la poigne nécessaire pour imposer au Mali l’autonomie de Kidal. C’est donc avec dépit qu’elle a vu IBK exclure toute autonomie et même hésiter à négocier avec les groupes armés. Ces positions d’IBK ont altéré, aux yeux de la France, le mérite né de l’élection de deux ex-rebelles au parlement et de la libération de plusieurs prisonniers rebelles. D’où la décision française de priver le Mali de tout moyen militaire de reconquête de Kidal. Pendant ce temps, elle laisse le MNLA recruter le plus grand nombre possible de chefs tribaux en leur faisant miroiter une autonomie régionale de plus en plus proche. De plus en plus inévitable. De fait, s’il arrive à la France de fléchir et de laisser le Mali recouvrer ses entiers droits sur Kidal, l’Algérie a les moyens militaires de lui rendre la monnaie de sa pièce en transformant la vie tranquille de la Force Serval en un enfer quotidien.