La représentation de la Cédéao au Mali a organisé hier un atelier sur l’architecture de la paix et de la sécurité de la Cédéao à l’intention des journalistes à la Maison de la presse. Une occasion, pour le représentant spécial du président de la commission de l’organisation sous-régionale, Chéaka Aboudou Touré, de revenir sur les différentes actions accomplies par la Cédéao dans la crise malienne.
L’atelier visait à expliquer aux hommes de médias l’architecture de la paix et de la sécurité de la Cédéao, comment elle a été appliquée au contexte malien.
Il était aussi question de mettre en lumière les actions spécifiques conduites par la Cédéao durant la crise malienne dans le souci de rechercher des solutions efficaces aux causes externes de la déstabilisation de la souveraineté nationale ; interpeler les divers acteurs politiques et de la société civile, y compris des professionnels de l’information sur leurs responsabilités respectives face à l’avènement et à la gestion de la crise ; tirer les principales leçons du processus de gestion de la crise et de la consolidation du mécanisme de prévention, de gestion et de règlement des conflits par les africains eux-mêmes ; définir un cadre de mobilisation permanente des organes d’information dans la sensibilisation et l’éducation à la paix et à la démocratie dans l’espace Cédéao.
L’architecture de la paix et de la sécurité de la Cédéao s’articule autour du protocole relatif à la prévention, à la gestion, au règlement des conflits et au maintien de la paix et de la sécurité, signé le 10 décembre 1999 à Lomé. Elle a été complétée par un protocole additionnel sur la démocratie et la bonne gouvernance, signé à Dakar le 21 décembre 2001 à Dakar.
Le conférencier, Chéaka Aboudou Touré, a d’abord expliqué les différentes étapes qui ont conduit à l’adoption des protocoles et leurs mécanismes de mise en œuvre notamment le système d’alerte précoce basé à Abuja au Nigéria.
Selon le conférencier, c’est ce système qui permet de faire l’état des menaces qui pèsent sur un pays. Un rapport est produit sur chaque pays et les informations sont communiquées à qui de droit.
C’est dans ce sens que depuis 2011, l’alerte avait été donnée au Mali parce que le système d’alerte précoce de la Cédéao avait classé le Mali en zone rouge. Le conférencier a expliqué que si le système d’alerte précoce donne l’alerte, la réponse ne dépend pas de la Cédéao. Elle dépend du pays en question, chaque pays étant souverain.
A en croire Chéaka Aboudou Touré, depuis novembre 2011, le Mali a été alerté par la Cédéao par rapport aux risques qu’il courait. Et quand il eut l’attaque d’Aguelhok en janvier 2012, la Cédéao a envoyé une mission à Bamako dans laquelle il y avait des experts militaires pour voir comment il fallait aider le Mali. La mission a rencontré les autorités militaires qui lui ont dit que la situation était sous contrôle.
Une autre mission a été envoyée, selon le conférencier, après que d’importantes villes soient tombées. Cette dernière a rencontré le président de la République en son temps, le général Amadou Toumani Touré (ATT) pour voir ce qu’il fallait faire par rapport à la situation. A cette mission, ATT a expliqué que les élections pouvaient bien se tenir et qu’il n’y avait pas lieu de s’inquiéter.
Il a ajouté, à en croire le représentant spécial du président de la Commission de la Cédéao au Mali, que les rebelles sont des compatriotes qui étaient à l’étranger et qui veulent rentrer au pays et avec lesquels il fallait juste négocier. Or, a expliqué Chéaka Aboudou Touré, depuis longtemps, la Cédéao disposait des informations selon lesquelles il n’était pas possible de tenir les élections dans ces conditions. Le coup d’Etat du 22 mars 2012 a même trouvé des éléments de la dernière mission de la Cédéao à Bamako, selon le conférencier. Comme pour dire combien de fois l’organisation sous-régionale s’est déployée dans la crise malienne bien avant le coup d’Etat.
Les efforts de la Cédéao ont continué après le coup d’Etat. Ils ont consisté à arracher le pouvoir à l’ex-junte pour le remettre au civil avec le retour à l’ordre constitutionnel. Pour Chéaka Aboudou Touré, c’est une première en Afrique et c’est à l’actif de la Cédéao. Il a ajouté que la Cédéao n’a pas et ne pouvait pas accorder un statut d’ancien chef d’Etat au capitaine Sanogo pour la simple raison que Sanogo n’a pas eu à exercer un Etat.
« Jusqu’à la démission d’ATT, le pouvoir n’était pas vacant, pour la Cédéao. Seulement, il y avait des perturbations qui empêchaient ATT d’exercer le pouvoir. C’est quand Amadou Toumani Touré a démissionné sur demande de la Cédéao que le pouvoir était devenu vacant et la Cédéao a exigé le retour à l’ordre constitutionnel. Aussi, comment peut-on accorder un statut d’ancien chef d’Etat à quelqu’un qui n’a pas exercé un Etat ? Quand vous prenez le pouvoir pour dissoudre la Constitution et les institutions de la République, il n’y a plus d’Etat », a souligné le conférencier.
Pour le représentant spécial du président de la Commission de la Cédéao au Mali, « c’est grâce aux efforts de l’organisation sous-régionale que la guerre a eu lieu au Mali contre les jihadistes, dans la mesure où la communauté internationale ne voulait pas de la guerre, et la crise du Mali a permis à la Cédéao de comprendre que nous devons compter sur nos propres forces. C’est chacun des pays membres qui a assuré les charges liées à la participation de ses troupes au Mali, jusqu’à leur passage sous la coupe de l’ONU. Certains soldats de la Cédéao sont même arrivés au Mali par voie terrestre pour dire combien de fois la Cédéao était abandonnée à elle-même, même par l’Union africaine. Pour le transport des troupes tchadiennes au Mali, Idriss Deby a été obligé d’aller chercher des moyens avec Sassou Nguesso et Omar El Béchir. C’est ce que les Maliens doivent comprendre : le sacrifice de leurs frères africains ».