L’affaire entre l’Association sportive CSK et Sékou Diogo Kéïta qui avait défrayé la chronique il y a trois ans de cela refait surface, avec un arrêt d’expulsion de la Chambre Référé de la Cour d’appel de Bamako brandi par Salif Kéïta « Domingo » pour jeter dans la rue, près de 850 sportifs toutes catégories, pensionnaires du terrain LCBA, propriété de la mairie de la commune IV du District de Bamako.
Depuis le début de ce conflit regrettable et qui n’honore ni la jeunesse, ni le sport maliens, Salif Kéïta a perdu à toutes les étapes de la procédure judiciaire. Mais, dans sa volonté de nuire à la pratique du sport au Mali et d’exproprier un bien (terrain) d’autrui, le premier Ballon d’or africain ( !) s’accroche et « arrache » une décision favorable mais truffée de failles. Mais, pour comprendre la vraie réalité dans cette affaire, il faut révéler le fond du problème.
Avant d’entrer dans les détails de ce honteux feuilleton, il convient de dire deux mots sur le visage actuel de l’infrastructure, objet du litige. Il s’agit du terrain Lafia Club de Bamako (LCBA), sis à ACI 2000 Hamdallaye.
Les jalons d’un centre de formation futuriste
Le terrain, clôturé et gazonné, comprend en son sein un bâtiment R+2, avec des bureaux (pour le président du LCBA et le gestionnaire), une salle des entraîneurs, une infirmerie, une salle polyvalente, un café des sports. Un projet phare (Etudes et Sport) d’un coût estimé à 680 millions est prévu à l’horizon 2020.
Aujourd’hui, le Centre LCBA accueille 830 pensionnaires, toutes catégories d’âge confondues et emploie 18 personnes dont 11 entraîneurs, un médecin, 2 infirmiers, 2 gazonniers et 3 agents pour la buanderie.
Les charges fixes mensuelles s’élèvent à 1,2 million de FCFA. A cela s’ajoutent les primes et autres dépenses des joueurs de l’équipe première qui évolue en deuxième division. En plus, moult structures (banques, représentations diplomatiques, services publics, associations sportives, établissements scolaires etc.) utilisent le terrain pour diverses manifestations sportives.
Si nous fournissons ces données, c’est pour montrer comment, Salif Kéïta « Domingo », un modèle et une fierté des jeunes footballeurs maliens, veut jeter au dehors tous ces joueurs, mettre au chômage une vingtaine de chefs de famille, et mettre à l’eau des projets novateurs. Et cela sur la base d’une décision de justice décrochée de force et portant sur un espace qui ne lui appartient pas.
Alors, comment en est-on arrivé là ? Que s’est-il réellement passé entre Salif Kéïta et Sékou Diogo Kéïta ? Quelles sont les péripéties judiciaires dans cette affaire ? Et la moralité ?
Sékou Diogo Kéïta dit Sékouba est le fondateur-président du FC Soleil où évoluaient des joueurs comme Seydou Kéïta, Abdou Traoré (du Djoliba) et le gardien international Abdoulaye Diakité.
Sékouba courtisé par Salif : début d’un bel amour
A la demande de Salif Kéïta, il a rejoint le CSK en 1995 à l’issue du tournoi des Potes (phase de Bamako) remporté justement par FC Soleil aux dépens du CSK. Dans cette union, Salif apporte 27 millions de FCFA (54%) et Sékouba, 20 millions (40%). Les 6% restants sont détenus, à part égale, par trois autres actionnaires. Domingo est le président du CSK.
Les deux gros actionnaires du Centre font chemin ensemble jusqu’à l’élection de Salif Kéïta à la tête de la fédération malienne de football en 2005. Le comité directeur du club, réuni à l’hôtel Mandé, en présence du conseil Gaoussou Fofana, désigne alors Sékou Diogo Kéïta comme président délégué.
Fait important : le club traversait une période très difficile avec seulement 300 000 FCFA dans son compte BOA. Cette situation dure incite le président délégué à ramener le CSK, de Yirimadio (commune VI) au terrain du FC Soleil (commune IV). Entre le CSK et le président du FC Soleil qui a succédé à Sékouba Kéïta, un accord est convenu, qui précise que le CSK utilise le terrain jusqu’à nouvel ordre. Il en fut ainsi de 2005 à 2008.
Le 23 octobre 2008, un protocole d’accord est signé entre la mairie de la commune IV et le Centre Salif Kéïta. Ledit protocole stipule en son article 3 : « Le terrain, objet de la présente convention, demeure une propriété exclusive de la mairie de la commune IV qui pourra l’utiliser dans l’intérêt exclusif de l’ensemble de sa jeunesse ».
Le terrain d’entraînement en question n’était pas clôturé sinon que entouré de goudron des quatre côtés. Ce qui pose un problème de sécurité.
Alors, conformément à l’article 2 du protocole du 23 octobre 2008 qui confère au Centre Salif Kéïta le droit d’aménager ledit terrain, Sékouba Kéïta, en plus de la clôture (sur fonds propres), y effectua des investissements.
Entretemps, le club a pris une autre dimension, étant parvenu à placer plusieurs joueurs comme Cheick Tidiane Diabaté.
Bonjour les tribunaux : fin de l’idylle
Un jour de l’année 2010, Salif Kéïta, qui avait sans doute mûri un plan fourré, vint voir Sékouba Kéïta pour lui annoncer son intention d’inaugurer le terrain sous la haute présidence de l’ancien chef de l’Etat, Amadou Toumani Touré. Sékouba lui fit comprendre que d’une part, il fallait d’abord déterminer les investissements de chacun, et d’autre part, que le terrain n’appartient pas au CSK, mais à la jeunesse de la commune IV comme stipulé dans le protocole d’accord. Le titre de propriété est la mairie.
Dans l’exécution de son plan macabre, Salif Kéïta porte plainte, en mai 2010, contre Sékouba au tribunal de première instance de la commune IV pour abus de confiance, faux, usage de faux, tentative de disposition de bien d’autrui et escroquerie. Les deux partenaires se retrouvent devant la justice pour un feuilleton qui dure déjà quatre ans.
Première entorse : en pleine instruction, le juge ordonne Salif à effectuer des opérations sur le compte du club, pourtant placé sous scellé. Domingo profite de cette ordonnance pour vider tous les comptes du club (BICIM, BOA). Ce qui bloque la procédure d’instruction, car cet argent devait servir à pourvoir à la provision liée à l’expertise comptable et immobilière.
Salif va plus loin : il ouvre un compte à la BMS où les avenants des contrats des joueurs sont régulièrement versés.
Le 05 novembre 2012, Salif Kéïta saisit le juge d’instruction pour saisie et apposition de scellés du terrain, objet du litige. Le juge d’instruction refuse par ordonnance du 26 décembre 2012.
Salif Kéïta fait appel de cette décision devant la Chambre d’accusation de la Cour d’appel. Nouvel échec : la Chambre confirme l’ordonnance du juge d’instruction par arrêt du 28 mai 2013.
Avec cette succession d’échecs devant le juge pénal, Domingo s’oriente vers le juge civil. Il s’adresse alors au juge des référés pour avoir gain de cause. Enième revers, car celui-ci, par ordonnance de référé rendue le 07 juin 2013, se déclare incompétent.
Visiblement aveuglé par un désir de nuisance et du gain facile, Salif Kéïta ne se décourage pas. Dix mois après, il introduit un Contredit devant la Chambre de référé de la Cour d’appel. C’est cette chambre qui vient, contre toute logique juridique et judiciaire, de trancher en sa faveur en son audience du 4 avril 2014. Elle « ordonne l’expulsion de Sékou Diogo Kéïta tant de sa personne que de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef du terrain… ».
Mais malheureusement pour Salif Kéïta, l’exécution de cette décision pose problème par le simple fait, par exemple, que les biens de Sékouba ne sont pas déterminés. Ensuite, le juge des référés est-il compétent pour trancher une affaire pendante devant le juge d’instruction ? Sur quelle base la chambre de référé de la Cour d’appel s’est-elle fondée ? Autant de questions qui restent en suspens.
Pour couronner un nouveau fiasco de Salif Kéïta, Sékouba Kéïta s’est pourvu en cassation. Affaire à suivre donc.
NB : Le titre et les intertitres sont de la rédaction
Soumaïla T Coulibaly
Habitant de la commune IV