Accueil    MonKiosk.com    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Le Mali    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article



 Titrologie



Le Tjikan N° 67 du

Voir la Titrologie

  Sondage


 Nous suivre

Nos réseaux sociaux



 Autres articles


Comment

Société

Microfinance au Mali : Le festival des gros ‘’bonnets’’ !
Publié le mardi 13 mai 2014  |  Le Tjikan




 Vos outils




 Vidéos

 Dans le dossier

Le système de microfinance au Mali est malade, voire paralysé. A cause de la mauvaise gestion et d’autres facteurs de défaillance managériale. Pendant que le réseau Jemeni et CANEF mettent la clé sous le paillasson les autres agonisent. Plongé entre la pression des banques et l’irrégularité de la clientèle, le secteur de la microfinance au Mali est profondément asphyxié. Les maux dont il souffre sont : l’invasion du secteur par les promoteurs des écoles privées, les insolvables éjectés du système bancaire, la cupidité des responsables des réseaux, l’insuffisance du contrôle interne et l’opacité du système de surveillance du secteur. Enquête.

L’ancien inspecteur de la Cellule de contrôle et de surveillance du système financier décentralisé (CCS/SFD), l’ex-directeur de ‘’Kafo Jiginew’’, Aliou Sidibé, actuellement directeur général de la Confédération des institutions financières d’Afrique de l’Ouest (CIF), a des raisons légitimes de se faire des soucis sur l’avenir de ‘’Kafo Jiginew’’.

Car, il n’est pas exclu que l’aîné des réseaux de la microfinance au Mali soit lui aussi affecté par le même mal qui ronge le secteur et qui a d’ailleurs fait couler deux d’entre eux : Jemeni et CANEF. Car, ce n’est pas par gaité de cœur qu’il tourne le dos à d’importantes lignes de crédit portant sur une coquette somme de 3,5 milliards de FCFA remboursable sur sept ans, qu’il a négocié et obtenu de la Banque ouest africaine de développement (BOAD). C’est parce qu’il est sûr que la direction de ‘’Kafo Jiginew’’ ne pourra pas offrir à la Banque sous régionale une lecture adéquate de la gestion des fonds, qu’elle a accordé à l’Institution.

Depuis le départ de son premier Directeur, Bakary Diarra, à la retraite en janvier 2011, la CCS/SFD est gérée depuis deux ans et demi par un intérimaire, le directeur général adjoint, Samba Cissoko. Sa gestion intérimaire a été interrompue par un court tampon de six mois, effectué par Abdoulaye Syaba Sangaré, qui avait été nommé en remplacement de Bakary Diarra. Mais celui-ci n’a fait que six mois seulement avant de lui céder son fauteuil d’intérimaire pour une seconde fois. Depuis lors, la Cellule n’a pas changé de main. Six mois après la prise de fonction d’Abdoulaye Syaba Sangaré, le regime d’Amadou Toumani Touré est renversé par le putsch du 22 mars 2012. Celui-ci qui ne semblait pas être en bon endroit. Ainsi, il a vite décroché au profit du poste de Chef de cabinet au Ministère de la Santé. Samba Cissoko récupère pour la deuxième fois sa couronne d’intérimaire. Malheureusement pour le secteur, l’intérimaire infini ne rassure pas les partenaires. Du coup le secteur se trouve plongé dans un malaise généralisé. Et pour cause.

La magouille des grandes magouilles !

Effectivement le secteur de la microfinance au Mali est malade. Il souffre de plusieurs maux, dont les plus graves sont : l’invasion du secteur par les promoteurs des écoles privées, les insolvables éjectés du système bancaire, la cupidité des responsables des réseaux, l’insuffisance du contrôle interne et l’opacité du système de surveillance du secteur.
Faut-il le rappeler, il est placé sous la tutelle du Ministre en charge de l’Economie et des Finances, à travers la Cellule de contrôle et de surveillance du système financier décentralisé (CCS/SFD) qui assure le rôle de gendarme du secteur. A en croire nos sources, celle-ci qui est normalement chargée de faire respecter la réglementation dans le secteur, se caractérise par un laxisme patent, dans sa gestion.

Or, du point de vue des textes, le secteur qui est exclusivement dédié aux couches les plus défavorisées est squatté par ses gros clients, depuis la fin de la décennie 90. Pour une seule opération, ces gros bonnets peuvent solliciter d’un seul coup, plus de 50 millions de Fcfa. D’autres peuvent soutirer jusqu’à hauteur de 150 à 200 millions CFA. Le plus souvent, ces débiteurs insolvables ne paient pas leur créance. Ils s’arrangent avec la Direction.
Selon nos sources, une promotrice d’un grand groupe scolaire privé, dont nous tairons le nom pour des raisons d’enquête, a fait le tour de presque toutes les institutions de microfinance, où elle a réussi dans chacun des réseaux visités à soustraire 100 ; 150 à 200 millions de Fcfa de prêt, jusque-là non remboursé.

Ce qu’on appelle dans le jargon financier faire le pigeon. Si ce n’est pas qu’elle bénéficie de complicité interne, comment pourra- t- elle se procurer de tels crédits avec la même et seule photocopie simple d’un titre foncier ? Selon toujours nos sources tous ces crédits douteux sont octroyés en connaissance de cause moyennant une rétrocession des commissions occultes que les responsables de l’Institution et les débiteurs insolvables se partageaient et en violation des textes réglementant le secteur.
La microfinance, des maillons d’une chaine pourrie !

A l’instar de la Cellule, l’Association professionnelle des institutions de microfinance (API-Mali) est également gérée par un président intérimaire, Adama Camara. Il est le Directeur général du réseau « Soro Yiriwaso ». A la différence de sa sœur jumelle, l’APBEF (Association professionnelle des banques et établissements financiers) qui se porte à merveille, l’APIM-Mali peine à mobiliser les partenaires pour promouvoir le secteur.

Or, outre ces missions de défense des intérêts matériels et moraux de ses membres, elle doit œuvrer au renforcement des capacités et d’organisation de ceux-ci. Mais aussi, maintenir et améliorer leurs relations entre eux, qu’avec les partenaires et le public. Et surtout promouvoir le développement, la croissance et la pérennité de ses membres afin d’établir et renforcer les standards et normes pour eux. En un mot, la mission cardinale de cette structure faitière est d’œuvrer à la promotion du secteur. Mais, avec « l’intérimairiat » érigé en système de gouvernance, quel est le partenaire qui va accorder du crédit à un tel secteur ?

Par contre à l’APBEF, les choses bougent dans le bon sens. Celle-ci est en train de préparer très activement en ce moment la 4ème journée des banques et établissements financiers du Mali, qui aura lieu les 16 au 17 Mai prochains (en fin de cette semaine). La journée est placée sous le thème « Rôle des banques dans la relance de l’économie malienne ».

Rappelons qu’à l’origine les SFD visaient à rapprocher les services du système bancaire aux couches les plus défavorisées, notamment les femmes et les jeunes qui n’ont pas accès aux services bancaires. Mais, très vite le secteur a été pris en otage par les promoteurs des écoles privées, qui normalement doivent se tourner vers les banques pour financer leurs opérations. Cependant, du fait de la cupidité de certains responsables du secteur et la complicité de la Cellule, qui ont profité de la faiblesse institutionnelle du secteur, notamment le manque de compétence des organes de gestion (les membres des conseils d’administration des différents réseaux) il a tourné en eau de boudin.

A en croire un acteur de ce secteur, au-delà des apparences, il n’y pas un seul réseau qui n’a pas de difficultés de trésorerie. Le mal varie à des degrés divers selon les cas. Mais, le plus grave est que certains déclarent chaque année des faux bilans avec des fausses soldes de base. Ce qui constitue une violation grave des règlements. Mais, ce qui est dommageable pour le secteur c’est l’attitude des contrôleurs à fermer les yeux sur ses défaillances. A longueur de journée, et au gré des conseils d’administration, les chiffres sont falsifiés ou bombés. Du coup, le mal devient de la gangrène. Aux dires de notre interlocuteur, si rien n’est fait pour circonscrire le mal afin d’y apporter la thérapie appropriée, le secteur de la microfinance au Mali va mourir de sa belle mort. Or, le secteur est le moyen le plus efficace dans la lutte contre la pauvreté et le chômage des jeunes.
Un secteur viable qui tombe en désuétude !

Dans les pays d’Asie et d’Amérique latine, notamment au Brésil et au Bengladesh dans les 70, le système a eu ses heures de gloire. Au Bengladesh par exemple, le microcrédit prend un essor considérable grâce au professeur Muhammad Yunus, qui deviendra plus tard Prix Nobel de la paix en 2006. En observant le modèle économique inefficace et improductif des femmes artisanes pauvres, l’économiste bangladeshi décida de créer une réponse institutionnelle pour aider ces personnes : la ‘’Grameen Bank’’, la première banque de microfinance moderne voit ainsi le jour. Le professeur Muhammad Yunus renversa la logique financière et les a priori des banques traditionnelles en apportant la preuve que les personnes pauvres sont certes très fiables, car, remboursent majoritairement leurs prêts et en mesure de payer les taux d’intérêt couvrant les frais du prêt.

A la fin des années 1990, le succès du micro-crédit à permis le développement de la micro-finance, qui englobe toute une gamme de services financiers à destination des pauvres : crédit, épargne, assurance, accompagnement. On peut dès lors constater une financiarisation croissante de la microfinance qu’il s’agit de surveiller et de réguler pour faire en sorte que la microfinance reste un outil social au service du développement des populations pauvres.

A défaut de dépasser le modèle bengladesh, au Mali, l’objectif était d’éradiquer la pauvreté tant dans le milieu rural qu’urbain. Et, à la fin des années 90, le système avait réussi à sortir certains ménages du cycle de la pauvreté. Mais, depuis l’intrusion des promoteurs d’écoles privées et des commerçants insolvables, éjectés du système bancaire, le secteur n’a cessé de prendre l’eau.Mme la ministre de l’Economie et des Finances, Boiré Fily Sissoko, doit s’investir pour assainir le secteur, en tout cas si elle veut accompagner le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta à lutter contre la pauvreté et le chômage des jeunes. Il est à signaler qu’en 2012, le secteur comptait 125 SFD pour 1 785 155 sociétaires, 1 108 points de services. L’encourt des dépôts des membres des SFD s’élevaient à 65.710 milliards de Fcfa et l’encourt de crédit représentait 81.09 milliards de Fcfa. C’est dire que le système dispose d’une niche importante d’opportunités. Il faut juste l’assainir.
Mohamed A. Diakité

 Commentaires