Le Mali est entrain de vivre des moments politiques très animés du fait d’une situation totalement nouvelle du point de vue des rapports de force actuels. En effet les dernières élections présidentielle et législative ont consacré la première alternance véritable depuis l’avènement de la démocratie de 1991, avec la chute du régime militaire incarné par Moussa Traoré. Depuis lors, ce sont des changements du personnel dirigeant au sein de la même famille dont tous les membres sont issus de la « révolution ».
On se passait le pouvoir tel un flambeau entre ATT, chef militaire des putschistes révolutionnaires et ALPHA O.KONARE, dirigeant des putschistes civils réunis au sein de l’ADEMA. Malgré les différentes péripéties politico-historiques qui ont été à l’origine de la naissance de l’URD de Soumaila Cissé, du PARENA de Tiébilé Dramé et du RPM d’Ibrahim B. Keita, sur les flancs de l’ADEMA, une entente tacite s’était installée et devrait aboutir au « sponsoring » de Soumaila Cissé dès la fin du mandat d’ATT, pour l’installer à Koulouba, comme troisième Président post-révolution élu.
La rupture institutionnelle suite au putsch qui a balayé le régime d’ATT en 2012, a remis en cause le programme de « dévolution institutionnelle » de la Présidence de la République, préalablement établi, et créé une redistribution totale et « brutale » des cartes. Une alchimie sociopolitique extraordinaire a permis au peuple de reprendre ses prérogatives après 20 ans de délégation passive du pouvoir à une élite qui ne s’est pas privée de le confisquer, d’en user et d’en abuser allègrement.
Cette nouvelle phase a, d’une part, profité à IBK qui est subitement passé de challenger à favori, pour enfin devenir 3ème Président élu de l’ère démocratique, avec un score exceptionnel de 77% et permis à son parti, le RPM, de passer de la 3ème à la première place, devant l’ADEMA et l’URD. C’est un véritable tremblement de terre, pour qui connaît les réalités polico-historiques du Mali. Les raisons sont multiples et variées, mais on peut en citer le traumatisme profond subi par les maliens et consécutif à l’occupation d’une bonne partie du nord de leur territoire national, le putsch de jeune officiers contre le pouvoir « consensuel » d’ATT et ses conséquences sur les différentes institutions et les autorités qui les dirigeaient et enfin, l’engagement et la détermination des organisations et leaders religieux qui ont contribué à la grande mobilisation des populations autour des différents scrutins organisés pour permettre au Mali de revenir à une situation institutionnelle normalisée.
Une des conséquences majeures de ce « tremblement de terre » sociologique sera naturellement une recomposition politique inévitable au sein de l’opposition qui se cherche à travers ses différents animateurs dont Tiébilé Dramé très actif ces derniers temps, Iba N’Diaye le revenant, qui a eu l’éclair de génie de demander pardon au peuple malien qui appréciera, Soumaila Cissé chef de l’opposition parlementaire, etc….Ce leadership éclaté est normal dans le contexte du traumatisme postélectoral généralisé, mais devra nécessairement aboutir vers la reconnaissance par ses pairs du leader le plus charismatique et le plus populaire, pour diriger les combats politiques futurs.
Parmi les dirigeants probables de l’opposition, nous citons par ordre aléatoire,
Président Tiébilé Dramé du PARENA: Bien positionné pour devenir le leader de l’opposition
Après avoir été désigné par le Président Dioncounda Traoré pour négocier, au nom du Mali, les accords de Ouagadougou, le Président s’est éclipsé de la scène politique malienne. Entre-temps il a mené à bien ces négociations provisoires avec les groupes irrédentistes dont le MNLA, le HCUA et le MAA, jusqu’à aboutir à l’accord qui a permis la tenue des scrutins présidentiel et législatif au Mali. Malgré cette réussite, le Président Dramé a préfèré boycotter l’élection présidentielle, estimant que les conditions pour l’organisation des élections n’étaient pas réunies.
Il s’est rappelé au bon souvenir des maliens en publiant un mémorandum critique intitulé « IBK, sept mois après : le Mali dans l’impasse ». Ce mémorandum très commenté par la presse a dû secouer le régime en place; en témoignent les réactions outrées des ténors du RPM (le parti du Président IBK) qui ont choisi de faire une lecture plutôt politique que technique aux critiques du PARENA.
Ce mémorandum a eu l’avantage de réveiller l’espace politique malien dans lequel le Président Tiébilé Dramé occupe désormais une place incontestable en tant qu’un éminent membre de l’opposition en recomposition. Il est aussi bien positionné pour devenir le leader de l’opposition extraparlementaire (partis politiques de l’opposition, quelque sociétés civiles, des syndicats et de simples particuliers) si l’on sait que le soutien du Président Konaré lui est certainement acquis et lui facilitera son rapprochement avec l’ADEMA-opposition.
Honorable Soumaila Cissé de l’URD, chef de l’opposition parlementaire:
Peine à se remettre du traumatisme électoral subi
Le challenger du Président IBK au second tour de l’élection présidentielle de 2013 est le parrain du deuxième parti politique du Mali, en termes de suffrages, si on s’en tient aux dernières élections de 2013. Très confiant par rapport à son destin présidentiel et fort des soutiens de plusieurs Chefs d’Etat africains, l’Honorable Soumaïla Cissé peine à se remettre du traumatisme électoral subi et se croirait encore en campagne électorale. Sans oublier qu’il n’arrive pas à rentrer dans les habits d’un « simple député » pour quelqu’un qui ne lorgnait rien d’autre que Koulouba depuis son départ de l’UEMOA. Entouré de bergers, de commerçants, de paysans, de marabouts et d’artisans, l’Honorable Soumi Champion préfère passer le plus clair de son temps hors de Bamako. Il se susurre qu’il est très avancé avec l’Etat dans la définition des contours de son prochain statut de chef de l’opposition parlementaire. Mais il devra manœuvrer très ferme pour prendre le leadership très convoité de toute l’opposition.
Iba N’diaye de l’ADEMA-opposition
Monsieur Iba N’Diaye nous semble avoir fait le deuil de la candidature à la candidature de l’ADEMA pour l’élection présidentielle passée qui fut remportée par le jeune Dramane Dembélé qui avait surpris tout son monde. Aujourd’hui, l’ADEMA est sorti de ce scrutin très affaibli avec un leadership controversé. M. N’diaye qui a le courage de se réclamer de l’opposition malgré que les députés de son parti, l’ADEMA, se disent membres de la majorité, doit assumer une période incontournable de traversée du désert, dans l’attente d’un clash entre l’ADEMA officiel et la majorité présidentielle qui lui permettrait de faire prévaloir la pertinence de son choix d’être resté dans l’opposition. D’ici là son alignement derrière le Président Tiébilé Dramé n’est pas à exclure.
Monsieur Modibo Sidibé de FARE : En tant qu’officier supérieur de police, Modibo éprouve toutes les peines du monde à défier l’Etat pour le service duquel il a été formé et au service duquel il a toujours été, tout au long de son parcours professionnel. Tout porte à croire qu’il lui sera très difficile d’animer une organisation politique de l’opposition, tandis que sa dernière fonction de Chef de gouvernement l’empêche de se ranger derrière certaines personnes du fait des contraintes liées à l’usage du protocole républicain. Je le verrai plutôt gérer un cabinet privé au service des institutions de l’Etat ou être nommé ambassadeur du Mali quelque part dans le monde.