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Chronique satirique : L’avion « sans-papiers » de Ladji Bourama
Publié le mardi 13 mai 2014  |  Le Procès Verbal




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Le Premier Ministre Moussa Mara n’a pas son pareil pour convaincre le bon peuple qu’un avion qui appartient au Mali n’appartient pas au Mali. A preuve…
Ladji Bourama est un homme bien entouré. D’abord, il dispose d’une armée de 30 conseillers qui passent le plus clair du temps à dormir sur leurs deux oreilles, faute de voir le chef qui préfère les airs au sol. Ensuite, il y a la fameuse « Compagnie des Griots et Masseurs de pieds S.A. » dont les fines plumes inondent d’acide sulfurique quiconque trouve blanc ce que l’hôte de Koulouba trouve noir. Enfin, cerise sur le gâteau (qu’il consent à présent à partager un peu), Ladji Bourama vient de recruter un esprit exceptionnel: le Premier Ministre Moussa Mara.

On croyait Mara expert en comptabilité : on vient de découvrir ses immenses talents d’avionneur et de juriste. Avec lui, pas besoin de concours : le Mali siégera à l’Académie des Sciences du Ciel. Vous en doutez ? Eh bien ! Ecoutez les démonstrations du savant compatriote.

A l’en croire, l’avion hérité du « Vieux Commando » ne serait pas la propriété du Mali.
Ni à Koulouba, ni à la primature, ni même à la mosquée de Mopti où le « Vieux Commando » aurait aimé égrener le chapelet, il n’y aurait trace du moindre document d’achat du Boeing 727. Du coup, s’inquiète le prudent Mara, il serait dangereux d’y embarquer Ladji Bourama, de peur qu’un jour, le véritable propriétaire jette notre cher président sur le tarmac d’un aéroport.

En un mot, Mara imagine, sans rire, Ladji Bourama abandonné au sol, dans le froid, avec valise, babouches, chapelet et bouilloire! Comme un migrant naufragé de Lampedusa ! Ces étranges idées devraient, en temps normal, valoir à Mara de comparaître en Haute Cour de Justice pour outrage à pèlerin car on ne voit vraiment pas comment Allah soubahana wa tallah pourrait infliger un tel sort au candidat élu sous la bannière de « Mali d’abord, inch Allah! ». En outre, je me demande pourquoi le gouvernement de Mara continue de garder un OVNI, pardon!, un avion qui ne lui appartient pas.A moins que le gouvernement ne soit devenu une équipe de pirates somaliens! Pourquoi ne rend-on pas l’appareil « sans-papiers » au « Vieux Commando » pour agrémenter l’exil dakarois de l’intéressé ? Lui, au moins, sait à qui il appartient puisque c’est lui qui l’a acheté.

Mara, poursuivant sa brillante démonstration, affirme que l’avion « sans-papiers » constitue une épave qui, à tout moment, peut exploser en l’air. Question : doit-on considérer comme candidats au suicide le « Vieux Commando », le président Dioncounda Traoré, les Premiers Ministres Cheick Moldibo Diarra et Django Cissoko, lesquels ont régulièrement utilisé l’avion jusqu’à la fin de leur mandat ? Pour trois de ces personnalités au moins, le doute est tout à fait permis : s’ils tenaient tant à mourir, le « Vieux Commando » n’aurait pas nuitamment dévalé une colline à dos d’homme; Dioncounda n’aurait pas accepté une évacuation sanitaire à Paris après sa bastonnade et Cheick Modibo Diarra n’aurait pas obtempéré aux hommes armés qui exigeaient sa démission. De surcroît, pour avoir guidé une navette spatiale jusqu’à la planète Mars, l’astrophysicien Cheick Modibo Diarra en sait un rayon sur les engins volants…

Toujours dans ses hautes œuvres de philosophie, Marx, pardon !, Mara jure, la main sur le coeur, que d’après une expertise commanditée par le gouvernement, l’avion « sans-papiers » qui hante l’aéroport de Sénou ne vaut que 125 millions de FCFA. Juste le prix de trois ou quatre charrettes de Markala. Le propos arrache des larmes au contribuable que je suis car je me demande pourquoi le gouvernement se permet, par ces temps de galère, de dépenser nos malheureux impôts dans l’expertise d’un avion qui ne lui appartient pas. Au reste, comment se fait-il que le gouvernement envisage de vendre un appareil dont il ignore le propriétaire ? Il y a assurément là de quoi traduire du beau monde devant le juge Karembé, n’est-ce pas?

Bon ! Mara n’a pas fini sa leçon; écoutons la suite. Il soutient que même les militaires, qui ont pourtant pour métier de mourir pour la patrie, ne veulent pas de cette ruine d’avion. Il serait fort intéressant de savoir quels militaires ont tenu ce langage et de vérifier si lesdits militaires ont jamais piloté un avion. Chacun sait, en effet, que depuis le siècle de Noé, l’armée malienne n’a aucun avion de combat et qu’elle a dû recourir à des pilotes ukrainiens pour conduire les rares hélicoptères en sa possession. Résultat: la plupart des officiers de l’armée de l’air malienne ne savent pas distinguer un avion d’un héron métallique. Alors, par quelle opération du Saint-Esprit les interlocuteurs militaires du Premier Ministre ont-ils pu déclarer l’avion inapte à prendre le ciel ?
Moussa Mara termine son histoire en soulignant la nécessité d’acheter un nouvel avion pour le premier des Maliens. Petit problème : Ladji Bourama avait son nouveau Boeing avant la nomination de Mara à la primature. Ce qui donne à Mara l’allure d’un homme qui s’épuise à ramasser l’eau déjà versée par terre. D’ailleurs, malgré son grand art oratoire, le professeur Mara ne souffle mot de la manière dont le Boeing 737 flambant neuf de Ladji Bourama fut acheté. Il paraît, à ses dires, que le coucou fut choisi parmi un lot de trois appareils. Qui a fait le choix ? Où ? De jour ou de nuit ? Avec quel mandat? Bien entendu, Mara, qui semble pourtant vénérer les règles comptables, ne s’encombre pas non plus de nous dire qui est l’heureux bénéficiaire du marché de fourniture de l’avion. Il se tait religieusement sur l’existence ou non d’un appel d’offres. Des trous de mémoire, sans doute…

Quant aux 20 milliards qu’aurait coûté le nouvel avion présidentiel, ils incluent, selon le Premier Ministre, à la fois le prix de vente et …les commissions versées aux intermédiaires.

Ah bon ! De bons vieux « cokseurs » d’avion sous nos cieux, hein ? Et le gouvernement aurait besoin de ces intermédiaires alors que la principale activité de notre ministre des transports consiste à contempler les murs de son bureau ? Quel dommage ! Moi, mon petit doigt me dit que Ladji Bourama, lors d’un de ses multiples voyages, a très bien pu apercevoir un Boeing 737 posté sous un hangar de Kigali ou de Paris et qu’il n’a eu besoin d’aucun « cokseur » pour l’acheter. Mais, bien sûr, les experts de Mara prétendront que je n’ai pas de petit doigt. Après tout, un doigt n’a pas de papier !…

Tiékorobani

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