Le litige foncier opposant le conseil de quartiers de Sirakoro Dounfing, Sogonafing Minkongo à la Société immobilière et foncière du Mali (Sifma) est loin de connaître son épilogue. L’affaire, pendante devant la Cour d’Appel, connaît de nouvelles évolutions notamment la démolition récente de toutes les réalisations édifiées sur le titre foncier N°12858.
La colère gagne de plus en plus les populations des quartiers Sirakoro Dounfing, Sogonafing Minkongo. Lesquelles sont spoliées de leurs terres par la Sifma. En effet, celle-ci se prévaut d’un titre foncier obtenu en 2004 de la préfecture de Kati sur des parcelles qui sont du ressort de la Commune III du district de Bamako, à la faveur du découpage administratif réalisé en 1997. Et contre toute attente, le tribunal de Kati, déclaré incompétent par arrêt N°451 en date du 26 juin 2013 de la Cour d’Appel, a ordonné, par jugement N°119 en date du 18 février 2013, la démolition récente de toutes les réalisations édifiées sur le titre foncier N°1285.
D’où l’indignation des habitants des quartiers susmentionnés, qui viennent d’adresser des lettres aux plus hautes autorités de notre pays. Il s’agit en l’occurrence du président de l’Assemblée nationale, du Premier ministre, du ministre de l’Administration territoriale et des Collectives locales, ainsi que de ses homologues des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, de la Justice.
Dans ces différentes lettres, le conseil de quartiers de Sirakoro Dounfing, Sogonafing Minkongo attire l’attention des autorités sur ce qu’il considère comme une violation flagrante de leurs droits et un déni de justice. Et de l’avis du premier conseiller au chef de village de Sogonafing, Jean Sabakè Traoré, que nous avons rencontré, il est hors de question d’accepter une telle situation. «Nous ne renoncerons jamais à nos terres, à moins de passer d’abord sur nos cadavres», nous a-t-il confié. Et Mamadou Traoré, représentant la jeunesse dudit quartier, d’enfoncer le clou : «Nous sommes prêts à ne céder un centimètre de nos terres à qui que ce soit». Il a ensuite invité les autorités à s’assumer pour les départager avec la Sifma, au risque de les pousser à la révolte.
Du côté du maire de la commune III dont relèvent les quartiers cités, l’indignation et l’incompréhension sont totales. Kader Sidibé, le premier magistrat de la commune III, dit apporter tout son soutien aux populations. Il précise cependant que la particularité de ce litige réside dans le fait qu’il oppose les populations à une société immobilière. Pour lui, c’est incompréhensible que la Sifma puisse créer un titre foncier sur le territoire de sa commune. À propos de ce titre, il a relevé un certain nombre d’incohérences au regard du Code domanial et foncier. Selon lui, le titre foncier N°12858 comporte une quarantaine de titres de 4 hectares chacun, dont une dizaine a été créée le même jour. Ce qui cache, d’après lui, des intentions malsaines, à tout le moins, la volonté de contourner la loi qui stipule qu’au-delà de 5 hectares, un gouverneur est incompétent pour attribuer des terrains. Or, l’espace concerné s’étend sur 142 hectares. La mauvaise foi de la Sifma est donc manifeste, à en croire l’édile de la commune III. D’autant que cette société a des problèmes dans toutes les communes de Bamako, a-t-il ajouté. «Elle crée un problème là où il ne faut pas», a-t-il conclu.
En tout cas, pour l’avocat du conseil de quartiers de Sirakoro Dounfing, Sogonafing Minkongo, Me Guindo, la décision du tribunal de première instance de Kati est arbitraire puisqu’elle bafoue la notion de compétence et va à l’encontre de l’ordre public. En effet, par jugement N°119, celui-ci a ordonné l’expulsion et la démolition de toutes les réalisations édifiées sur le site. Alors que dans son arrêt N°451 en date du 26 juin, la Cour d’Appel avait jugé ce tribunal incompétent pour tout litige pesant sur cette parcelle. De fait, selon Me Guindo, «la notion de compétence étant d’ordre public, un juge ne saurait y déroger pour quelque motif que ce soit. Bien au contraire, il lui revient pour une bonne application de la loi de soulever l’incompétence, chaque fois qu’il est irrégulièrement saisi».