Après une trêve bien méritée, Fousseyni Diarra nous revient ave ses chroniques qui avaient sans doute commencé à vous manquer. Il repend la plume en mettant le pied, depuis Dakar, dans le dossier de l’avion présidentiel, débat qui occupe actuellement le haut du pavé de l’actualité malienne. Plus précisément, le chroniqueur fait un jugement de valeur sur une réaction d’un de ses collègues de corps, N’Tji Diarra, qu’il salut au passage, dans une lettre, d’avoir fait honneur à tout le corps aéronautique du Mali. La lettre.
J’ai lu avec intérêt et respect votre réaction parue dans AFP suite à la Déclaration de politique générale du Premier ministre devant l’Assemblée Nationale relative à l’état techniquement défaillant de l’avion acquis par le Président ATT.
Dans votre réaction intitulée « Halte au mensonge d’Etat », vous avez exprimé avec ardeur voire avec passion votre refus de voir jeter sur votre corps de métier et sur l’ancien Président ATT, opprobre, duperie et accusations fantaisistes. L’élégance, la conviction dans les propos et la véracité des faits est un baume au cœur de vous voir mettre à nu toutes ces contre-vérités et me confortent encore une fois à citer Khalil Gibrann dans son ouvrage « Jardin du Prophète » qui disait : « Pitié pour la nation où l’on accueille un nouveau souverain aux accents de la trompette pour le renvoyer sous les huées et la médisance en acclamant un autre aux mêmes accents de trompette que le précédent ».
A cela, j’ajoute quant à moi que les nouveaux arrivants au pouvoir, s’ils sont sans retenue et analyse, offrent le plus souvent une panoplie de critiques où la carence et l’incompétence sont mises en exergue, accompagnées de rumeurs avilissantes savamment distillées ravivant la condamnation et la haine par lesquelles les victimes suscitent le rejet.
Cher frère N’Tji, à titre d’information, le centre de Miami cité en référence est un centre mondialement connu pour son expertise et agréé par la FAA américaine (équivalent de l’aviation civile). Il reçoit toutes les grandes compagnies du monde utilisatrices des avions Boeing et dont les Checks sont soumis à une surveillance continue et un contrôle strict des autorités de la FAA.
Cher frère N’Tji, la DPG du PM devant les honorables députés, si insidieuse soit-elle, me pousse à me référer à Descartes qui disait: « Le peu d’amour que les humains ont pour la vérité fait qu’ils ne se donnent pas la peine de distinguer le vrai du faux et qui, le plus souvent, jugent témérairement de ce qu’ils ne connaissent que confusément et obscurément ».
L’officier doit parler
Vous savez cher frère, la vérité n’a ni frontière, ni culture, parce qu’elle est la culture. Culture de la vérité, culture de la probité intellectuelle, de l’honneur, de la dignité, tout simplement courage de la vérité ou vérité du courage. Toutes ces vertus énumérées que vous avez incarnées. Vous avez fait honneur à votre nom, un nom difficile à porter et vous l’avez porté, si bien.
Cher frère N’Tji, vous avez fait honneur à tout le corps aéronautique du Mali et au-delà, à tous ceux qui sous d’autres cieux vous liront et trouveront une leçon que l’aéronautique, si attrayante et si attractive ne saurait s’accommoder de jeu politicien et recèle en son sein des hommes de grande valeur morale.
Cher frère N’Tji, l’homme qui vous adresse cette modeste contribution a assumé des hautes responsabilités dans les démembrements opérationnels et d’exploitation (pilote de ligne, instructeur, testeur agréé par l’OACI et expert en SMS (Safety Management System) de l’IATA et ne saurait par conséquent rester insensible à votre démarche ô combien courageuse.
Cher frère N’Tji, le plébiscite du Président de la République avait suscité l’espoir d’un monde nouveau après le coup d’Etat, l’invasion djihadiste et la crise du Nord, espoir devant poser les esquisses de la refondation d’une République nouvelle en gestation, justement basée sur les vertus que vous avez évoquées. Mais, mon inquiétude va grandissante face au silence de l’officier malien accompagnateur qui pendant sept (07) mois a eu à superviser les opérations de révision pour remise à neuf de l’avion ; ce qui du reste est la raison d’existence de ce centre pour toutes les compagnies du monde faisant appel à son expertise.
La lecture que j’ai faite est que le Président ATT, à quelques mois de son départ, a voulu remettre à neuf cet avion selon les normes de sécurité, de qualité, de confort du constructeur Boeing afin de léguer à son successeur un avion digne de son rang de Chef d’Etat.
L’officiel accompagnateur aurait dû par déontologie livrer toutes les informations exactes quant à la fiabilité de l’avion.
Ne l’ayant pas fait après la Déclaration du Premier ministre, tout laisse à croire qu’il s’expose à des poursuites judiciaires, d’une part, du Centre Boeing à Miami via la FAA qui a surveillé et contrôlé les travaux et d’autre part, de l’aviation civile malienne qui a réceptionné l’avion et donné son agrément pour sa mise en service. Il reste passible de poursuites pour rétention d’informations provoquant le clou ou l’inutilisation d’un aéronef en état conformément aux dispositions figurant dans l’annexe de maintenance de l’OACI. Si tant est que le symbole du glaive et de la balance ait encore un sens. Il aurait pu éviter au Premier ministre de faire devant les honorables députés une déclaration rocambolesque pour justifier un acte déjà posé, mais inapproprié et surtout décrié tant la crise économique est profonde et tous les secteurs devenus sur priorités à cause du coup d’Etat, de l’instabilité au nord et le tissu social fragilisé.
Cher frère N’Tji, c’est ce que je trouve indécent dans cette polémique qui normalement ne doit pas en être une tant les documents apportent un désaveu cinglant.
C’est le lieu pour moi d’exhorter tous nos collègues, anciens et nouveaux, à quelques niveaux qu’ils soient, de ne pas garder un silence coupable et une attitude condamnable face au discrédit que l’on veut jeter sur un corps qui fait notre fierté, celle de nos enfants, de nos petits-enfants et de notre Mali. Apportez un démenti à ce que disait le Président feu Georges Pompidou : « Si vous avez le bon sens et le courage, c’est que vous êtes une minorité ».
Tous avec vous N’Tji pour le triomphe de la vérité.
Que Dieu vous protège !
Fousseyni Diarra
Pilote Commandant de bord à la retraite