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Mali : le piège d’une intervention militaire
Publié le vendredi 17 aout 2012  |  Autre presse




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Comme dans toutes les situations de crise politique et militaire, la proposition d’une intervention militaire extérieure est évoquée comme voie pour résoudre la crise du Mali. La Cedeao a ainsi tenté de finaliser un plan d’intervention sous mandat onusien.

Pour évaluer les chances d’une telle intervention, il faut d’abord rappeler brièvement les conditions du cadre politique-militaire du pays.

Un nouvel échiquier

Le nord Mali s’avère être la région la plus instable du pays : initialement tombée sous le contrôle des rebelles Touaregs alliés avec les groupes extrémistes musulmans, elle est désormais entièrement le territoire des djihadistes. Les différentes milices islamistes sont arrivées à repousser leurs anciens alliés Touaregs en s’établissant comme les seuls maîtres de la région.

Ce mouvement islamiste n’est pas une faction homogène, mais se compose de forces diverses actives dans les villes principales du Mali septentrional. La ville de Gao est entre les mains du Mujao (Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest), Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) règne sur Tombouctou et Kidal est sous le contrôle des milices d’Ansar Eddine. La Mujao est un mouvement composé par des dissidents d’Aqmi, qui maintient de bons rapports avec les sahraouis et le Front Polisario.

A coté des différences (liées surtout à des intérêts de répartition du pouvoir), ces trois groupes islamistes partagent des objectifs comme le « maintien de la cohésion territoriale du Mali » (au contraire des Touaregs) et l’instauration de la loi islamique dans sa forme la plus extrême. Ces derniers jours, il y a déjà eu deux premiers cas d’application de la charia [1].

Les forces Touarègues du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad) ont été très affaiblies mais sont encore actives : il y a des négociations en cours pour obtenir leur soutien à l’armée nationale contre les islamistes. Dans le sud, on assiste de plus en plus à la formation de milices indépendantes bien décidées à combattre les islamistes. Elles sont souvent formées par des ex-habitants du nord forcés à fuir.

Intervenir ?

Dans ce cadre d’instabilité constante, au plan international l’hypothèse d’une intervention militaire continue à être évaluée – une idée lancée déjà aux premiers jours de la révolte des Touaregs. Récemment, le Ministre des Affaires Etrangères et le Ministre de la Défense français, Laurent Fabius et Jean-Yves le Drian, ont déclaré le soutien de la France à l’envoi d’une force d’interposition organisée par des militaires des pays CEDEAO, pour contenir et définitivement éliminer la présence des extrémistes. La France, en tous les cas, ne prendra pas l’initiative, même si M. Le Drian a défini comme « inéluctable » l’intervention pour éviter la transformation du Mali en un État islamique. Paris s’inquièterait d’un « retour de bâton » terroriste (exécutions des otages encore au Mali, attentats sur son territoire…).

Au vu de leurs faibles possibilités militaires, les pays africains semblent moins enthousiastes, espérant un soutien étranger (de l’ONU et des USA, en premier lieu) pour conduire une grande opération d’intervention. Peu de pays seront capables – et déterminés – à envoyer des troupes : le Niger, la Mauritanie et la Côte d’Ivoire semblent décidés à intervenir tôt et directement (vue leur inquiétude d’avoir un « voisin extrémiste »), même s’ils n’ont pas les moyen logistiques nécessaires (et les ivoiriens ont leur problèmes intérieurs). L’Algérie refuse de s’engager hors de ses frontières et le Sénégal (déjà engagé en Guinée-Bissau) préfère suivre la voie diplomatique avec le Burkina Faso pour arriver à la stabilisation de la situation malienne. Dans ce cadre, la délégation burkinabé a rencontré les représentants d’Ansar Eddine, qui se disent « favorables » à la médiation et disposé à se rendre à Ouagadougou pour continuer à en discuter ; au contraire, ni le Mujao ni Aqmi n’ont rencontré de diplomates étrangers. La voie diplomatique, donc, semble encore une option possible mais sera longue est complexe : elle sera choisie s’il n’y a pas la possibilité concrète d’intervenir militairement.

A ce propos, il faut rappeler qu’une invasion avec l’objectif de vaincre une organisation terroriste bien organisée n’est jamais simple, comme nous l’a enseigné l’Afghanistan. Le Mali aussi constitue un vaste territoire à (re)conquérir et très difficile à contrôler, où la majorité des forces djihadistes sont formées par des soldats qui connaissent bien leur territoire, et donc difficiles à affronter. Là aussi les rapports avec la population civile seraient cruciaux : même si des groupes de civils ont manifesté ouvertement contre les islamistes, il y a aussi de nombreux mécontents de la précédente administration et surtout de la brève période de gouvernement par les Touaregs, souvent accusés de vols et viols à l’encontre des populations. De nombreux citoyens vont rejoindre les rangs des milices islamiques, pensant que seuls les djihadistes pourront stabiliser le pays.

Un autre problème réside dans la définition des cibles et les conditions d’engagement de la milice « anti-extrémistes » : une attaque « frontale » générera difficilement des résultats vu que les terroristes n’occupent pas des camps isolés mais commencent à se mélanger à la population dans les villes. Il faudrait ainsi travailler à une infiltration graduelle avec un gros travail des services secrets pour neutraliser les forces terroristes. En outre, il faudrait éviter que la force d’interposition ne contribue à rendre encore plus instable le pays avec un usage excessif de la force : chaque erreur, chaque victime civile se traduirait par un soutien accru aux extrémistes.

Il faudrait enfin que les autorités comprennent que la voie pour la stabilité du pays ne passe pas seulement par la suppression des tendances extrémistes : pour éviter qu’aux ennemis actuels s’en substituent de nouveaux, on devrait travailler en même temps à la construction d’un gouvernement légitime qui ne deviendrait pas une nouvelle institution oppressive. Et, malheureusement, cette phase serait sans doute encore la plus difficile dans la lutte contre les « terroristes ».

Giuliano Luongo est un économiste de l’Université Federico II à Naples.

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