IBK l’a toujours dit depuis qu’il a été installé au pouvoir, « je ne négocierai pas avec les groupes armés ». Il l’a dit à toutes les occasions, au Mali, à Paris, et ailleurs. Dans une interview accordée au journal Le Monde, IBK déclarait en début décembre 2013, « la communauté internationale nous oblige à négocier sur notre sol avec des gens qui ont pris des armes contre l’Etat. Je rappelle que nous sommes un pays indépendant. L’Etat malien est contraint de négocier avec un groupe armé qui s’en vante, dans quelle comedia dell’arte sommes-nous ? ». La réponse des autorités françaises ne s’est pas faite attendre et selon le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, « la France est intervenue, on peut dire qu’elle a sauvé le Mali… Maintenant c’est aux Maliens et singulièrement au président IBK d’agir ».
Par ailleurs, la France, aussi bien que le secrétaire général des Nations-Unies et le président du Conseil de sécurité, dans leurs déclarations respectives ont exprimé la nécessité pour le Mali d’engager les pourparlers inclusifs, comme convenus dans l’accord préliminaire à l’élection présidentielle et aux pourparlers inclusifs de paix, signé à Ouagadougou le 18 juin 2013 et impliquant le gouvernement malien, les groupes armés, la CEDEAO, l’UA, l’UE et toute la communauté internationale, avec l’adhésion des groupes armés sédentaires. Les différents soutiens du Mali sont unanimes sur l’impérieuse nécessité d’avancer dans le processus de réconciliation, et en ont appelé le Président IBK, avant que l’ensemble des membres du Conseil de sécurité ne se rendent au Mali, le 2 février 2014, pour les mêmes préoccupations. Un témoignage que le Mali qui a été libéré de l’occupation Djihadiste, grâce à un élan de solidarité internationale, faisait toujours l’objet d’attention internationale. Le Conseil de sécurité à Bamako a réitéré l’appel au président malien Ibrahim Boubacar Kéita d’entamer les négociations avec les groupes armés non terroristes.
Refus de négocier
Huit mois après sa prise de fonction, aucune négociation n’a eu lieu, alors qu’il fallait le faire 60 jours au moins, après la mise en place du premier gouvernement. Evoquant des dysfonctionnements et des insuffisances relevés dans la marche du gouvernement, le Premier ministre Oumar Tatam Ly jetait l’éponge le 5 avril 2014. Ce n’est que lors du premier conseil des ministres du gouvernement Moussa Mara, que le président IBK annonce la nomination d’un Représentant pour le dialogue inter-malien. Il nomme le Premier ministre Modibo Kéita qui déclare son attachement à l’accord de Ouaga comme représentant le socle de son action. « Il se trouve que l’accord préliminaire de Ouagadougou est un document important. Je saisis cette occasion pour remercier et féliciter tous ceux qui se sont impliqués pour que cet accord soit une réalité. Qu’ils s’agissent des médiateurs de la Cedeao, de l’UA, de la Communauté internationale et de tous les maliens de part et d’autre. Cet accord, effectivement résume des acquis d’une importance capitale, qu’il constitue le socle de mon action » a déclaré le Haut Représentant du chef de l’Etat, au cours de l’Interview de la Semaine de l’Ortm. Mais avec la déclaration de guerre à Kidal, du gouvernement Moussa Mara, diffusée à la télévision nationale le 17 mai 2014, lors d’un flash spécial, on peut douter, si les pourparlers annoncés par le président IBK et son gouvernement, et pour lesquels il a nommé un homme de probité, n’étaient pas un projet piégé dès le départ, et si la déclaration n’avait pas été fait du bout des lèvres. Avec cette guerre qui éclate à l’occasion de la visite de Moussa Mara, ravivant subitement la tension à Kidal, quel sort peut-on désormais réserver à ces pourparlers annoncés ? Le Premier ministre Moussa Mara a proclamé « la République du Mali en guerre », en lieu et place du chef de l’Etat, à qui revient cette déclaration.
Visite ensanglantée
Le Premier ministre Moussa Mara en allant à Kidal a mis le cœur devant la raison (lire notre édito) plongeant le Mali dans une guerre inattendue eu égard au dialogue inter-malien qui se dessinait, sous la houlette de l’ancien Premier ministre Modibo Kéita, Haut Représentant du Chef de l’Etat. Les manifestations qui ont commencé depuis la veille pour s’opposer à cette visite, ont continué le samedi 17 mai, en s’accentuant pendant le séjour de la délégation gouvernementale. Selon un communiqué du ministre de la défense et des anciens combattants en date du 18 mai 2014, relatif à la situation à Kidal, « au cours des affrontements, les Forces armées maliennes ont enregistré huit (8) morts et vingt-cinq (25) blessés tandis que vingt-huit (28) morts et soixante et deux (62) blessés ont été dénombrés du côté des agresseurs … Nos forces ont repris le contrôle de tous les bâtiments administratifs à l’exception pour le moment du Gouvernorat où le MNLA et les terroristes détiennent une trentaine de fonctionnaires en otages ». Selon ce communiqué du ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maïga, « conformément aux instructions du président de la république, chef suprême des armées, toutes les mesures conséquentes seront prises pour garantir la sécurité des personnes et de leurs biens à Kidal, consolider la souveraineté de l’Etat et protéger le processus de dialogue politique ». Le ministre de l’Economie numérique, de l’Information et de la Communication, Mahamadou Camara, ira plus loin dans la recherche de l’apaisement et le dialogue en inscrivant les futures actions dans le cadre de la CEDEAO, où tout sera mis en œuvre, notamment à travers un sommet extraordinaire de ses chefs d’Etat, en accord avec le président français François Hollande. Selon le ministre Camara, toutes les questions seront posées dans ce cadre et aujourd’hui, « toutes les options sont sur la table ».
Le retour de la CEDEAO
La MINUSMA condamne fermement les actes de violence qui se perpétuent depuis hier matin [vendredi 16 mai 2014] dans la ville de Kidal. « De tels développements sont contreproductifs et contraires à la volonté du peuple malien qui aspire à la paix et à une stabilité durable. La MINUSMA appelle les parties concernées à assurer une cessation immédiate des actes de violence et le retour au calme », selon le communiqué. La MINUSMA dénombre 2 blessés graves par balle et 21 blessés parmi ses FPU (Formed Police Unit) et 7 parmi les manifestants. Dans un communiqué conjoint, le 18 mai 2014, « la MINUSMA en consultation avec l’Union Africaine, la CEDEAO et l’Union Européenne condamnent fermement les affrontements violents à Kidal, ainsi que la prise des bâtiments administratifs, y compris le Gouvernorat. Ces actes constituent une violation grave de l’accord préliminaire et entravent les efforts visant à la paix et la sécurité des régions du Nord, en particulier Kidal ». Nous exhortons la retenue et l’abstention de tout recours à la violence qui risque de mettre en péril la population civile. « Nous encourageons le dialogue le plus rapidement possible afin d’assurer la sécurité à Kidal. Pour une solution durable aux problèmes du Nord, il n’y a pas d’alternative à une solution pacifique », selon le communiqué.