Kidal ! Et on reparle de cette ville rebelle où la poudre a encore parlé et le sang coulé après une longue période de relative accalmie. On savait la visite du Premier ministre malien risquée. Mais on était loin d’imaginer que cette sortie de Moussa Mara dans cette cité touarègue virerait au cauchemar. Tout est parti de l’annonce de l’arrivée, samedi dernier, du PM malien à Kidal dans le cadre de sa première tournée dans le nord du pays qui l’a conduit d’abord à Tombouctou puis à Gao.
Ce voyage dans les sables chauds du septentrion malien est, pour Bamako, une manière de réaffirmer l’intégralité du territoire national : «Kidal fait partie du Mali. Nous sommes pour la paix avec tous nos frères, mais il n’y aura pas deux Mali», déclarait en effet le chef du gouvernement. Mais c’était sans compter avec les irrédentistes impénitents du MNLA, qui voient plutôt Kidal comme une contrée indépendante de l’Azawad. Rappelons d’ailleurs que, déjà en novembre 2013, le précédent Premier ministre, Oumar Tatam Ly, avait annulé sa visite là-bas parce que des manifestants hostiles à sa venue en avaient occupé l’aéroport.
Ajoutons à cela que, bien que les islamistes en aient été chassés et y soient largement affaiblis, l’Etat malien n’a jamais repris véritablement le contrôle de Kidal et de sa région, située à 1 500 km au nord-est de Bamako, car les rebelles touareg jadis alliés aux jihadistes y demeurent en force. N’empêche, personne ne s’attendait à ce regain de violence par suite de l’annonce de cette visite du PM. Dans les combats qui ont opposé l’armée régulière à la rébellion touareg, l’on déplore, selon le ministère de la Défense, 36 tués dont 8 militaires. A cela s’ajoutent l’enlèvement d’une trentaine de fonctionnaires, et la poursuite jusqu’hier dimanche des actes de vandalisme.
Autant dire que ce sont les pourparlers de paix qui viennent d’être noyés dans un bain de sang. Il faut craindre que, du fragile cessez-le feu, les protagonistes ne passent à l’affrontement direct et ouvert. Et les propos du Premier ministre, Moussa Mara, lequel n’a pas hésité à parler de «déclaration de guerre», en disent long sur la détermination de Bamako à laver cet énième affront du MNLA. Les responsables de ce mouvement ont-ils été associés à cette subite reprise des hostilités ou bien ont-ils été mis devant le fait accompli par des hommes qui n’ont pas intérêt à ce que la paix revienne ?
Cet incident a au moins un mérite : celui de montrer que l’idée d’indépendance de l’Azawad tient toujours à cœur à des irrédentistes qui mettent en péril une réconciliation Nord/Sud qui avançait cahin caha dans un contexte quelque peu apaisé où on s’apprêtait sans doute à aborder les questions qui fâchent.