Le Mali n’a pas validé le plan d’intervention des chefs d’Etat-major de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO). Les autorités estiment que c’est une démarche « inconvenante » destinée à mettre le pays sous tutelle. Raison pour laquelle, elles n’ont pas fait mystère de leur opposition au plan, articulé autour de trois grandes étapes, qui prévoit d’aider les autorités de la transition à stabiliser et à consolider les institutions, de renforcer les capacités des forces armées maliennes et de les soutenir dans la reconquête du Nord.
« La sécurisation des institutions de la République à Bamako sera entièrement assurée par les forces de sécurité », a tranché le colonel-major, chef d’Etat-major général des armées malienne, Ibrahim Dahirou Dembélé.
Qui plus est on ne peut plus clair lorsqu’il lance avec un ton empreint de suffisance : « Cette reconquête, c’est toujours les troupes maliennes d’abord. Personne ne fera cette guerre à la place du Mali. Les autres viendront en appui, en aviation, en logistique ». L’exception malienne ne finira jamais de surprendre. Et voilà une main demandeuse, contorsionnée sous l’effet de la douleur, qui pose des conditions.
C’est à se demander si elle est réellement consciente du danger qui la guette. Les maîtres du désert, pardon les adeptes de Lucifer qui revendiquent un islam rigoriste, n’ont-ils pas dit qu’ils rêvent de soumettre le pays tout entier et les territoires adjacents à la charia ?
La plupart des experts militaires qui sillonnent l’Afrique qu’ils connaissent comme la paume de leur main, n’ont-ils pas dit qu’aucun pays subsaharien, fut-il le grand Nigeria, tout seul, ne peut faire face à l’hydre vorace de l’islamisme mouvant qui sévit dans le septentrion du Mali ? Plus qu’une parole de polichinelle, c’est un avertissement qui appelle les autorités à mettre leur appareil cérébral en marche pour éviter un énième fiasco.
Apparemment négligé ou balayé du revers de la main, on a l’impression qu’une bonne partie de l’establishment politique et militaire, aveuglée par les lueurs du pouvoir, s’enlisent dans des calculs d’épiciers, quitte à garder une main mise sur l’appareil d’Etat. Sinon, on ne comprend pas pourquoi elle refuse ne serait-ce que l’intervention au sol de leurs frères d’armes de la région ouest-africaine.
C’est la peur bleue d’être contrebalancé qui pousse ce groupe à surfer sur des terminologies ronflantes et séduisantes comme « fierté nationale, honneur, dignité, grandeur »… Il n’est point besoin d’être clerc pour comprendre que quoi qu’il ait de sa bouche mesurée, donné l’impression d’être séduit, le président intérimaire, Dioncounda Traoré, copieusement passé à tabac sous le regard complice et complaisant des éléments affectés à sa sécurité, ne voit pas d’un mauvais œil que des unités de la Mission de la CEDEAO au Mali (MICEMA) assurent la sécurité des institutions de la République et participent à la reconquête du Nord du pays.
Même un enfant sait que si les soldats de la MICEMA ne débarquaient pas à Bamako, le président ne serait plus qu’un « hobereau » permanemment angoissé, à la merci du Conseil national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) qui inspirera, sans nul doute, chacune de ses décisions. Et c’est certainement ce que la CEDEAO veut éviter en insistant sur la protection des autorités de la transition.
A ce jeu, il faut dire que c’est le Mali qui est desservi, d’autant plus qu’il va falloir patienter encore pour que les institutions ne soient consolidées et que la reconquête des territoires perdus ne soit entreprise.
Sauf que dans le pire des cas, le comportement des autorités maliennes peut fâcher les dirigeants de la CEDEAO et briser le dynamisme avec lequel ils recherchent tambour battant des solutions pour que Mali de l’éternel Mari Djata retrouve son lustre d’antan. Pour qu’on n’en arrive pas là, une fois n’est pas coutume, il convient de rappeler aux hommes forts de Bamako qu’on ne dirige pas un Etat avec des appréhensions et des sentiments.