expropriés de leurs parcelles au profit du ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat, pour servir de logements sociaux, ne savent plus à quel Saint se vouer. La commission « Expropriation et indemnisation » du ministère des domaines et des affaires foncières refuse de reconnaitre leurs titres de propriété délivrés par le cercle de Kati. Cette commission fait l’objet de critiques pour son opacité dans le traitement de ce dossier. Elle refuse publier une liste censée prendre en compte certaines victimes de ces expropriations.
L’injustice est presque devenue la règle au Mali. Les faibles n’ont que leurs yeux pour pleurer. Pour alléger la souffrance de certains Maliens en matière de logements sociaux, le gouvernement exproprie et indemnise. Mais contre toute attente, le droit d’être indemnisé est refusé aux propriétaires des lots N° 46-2 et 46-3 de N’Tabacoro. Ils sont chaque fois éconduits sans ménagement par la commission « Expropriation et indemnisation » du ministère des domaines et des affaires foncières. Celle-ci s’oppose à leur indemnisation et leur demande de s’adresser au préfet de Kati qui serait le « seul responsable » de leurs déboires. Mais Kati rejette ces allégations et affirme que les victimes ont bel et bien droit à une indemnisation. Les pauvres populations, qui se sont retrouvées dans cet engrenage administratif, appellent à une clarification de la situation. Qui a l’air d’une arnaque à ciel ouvert.
De quoi s’agit-il ?
Le gouvernement du Mali a pris en 2008 la décision d’attribuer dans la zone de N’Tabacoro, commune rurale du Mandé, des surfaces au ministère de l’urbanisme et de l’habitat pour y bâtir des logements sociaux. Le terrain principal attribué n’ayant pas suffi pour les logements sociaux, le gouvernement a procédé en 2011 à une extension. Qui s’est répercutée sur une partie des lots N°46-2 et 46-3 de Alou Aya, ingénieur génie civil et mines et de Amadou Aya, domicilié à Banconi. Les deux titres, signés par le commandant de cercle (ancienne appellation des préfets), datent de 1978. L’accord de morcellement est intervenu, le 4 décembre 2008 et enregistré le même jour au bureau des domaines et du cadastre. C’était bien avant la décision du gouvernement pour l’extension de 2011. Le morcellement a été fait suite à un plan (N° 4129/SLGR/Kati) approuvé par le préfet de Kati d’alors et réalisé par Ouagadou Topo. Et 229 parcelles sont issues de ce morcellement.
Les propriétaires de ces titres qui ne se doutent de rien ont vendu leurs parcelles à des citoyens maliens. Qui, eux aussi, ne se doutent de rien. Parce que, certains d’entre eux brandissent des reçus de plus de 3 millions de FCFA pour une seule parcelle. Il y a aussi le fait que d’autres surfaces séparaient les lots 46-2 et 46-3 des logements sociaux en cours de construction à N’Tabacoro. Et que les Aya n’ont jamais été indemnisés parce que les lots ne leur appartenaient plus au moment de la décision d’extension du gouvernement en 2011. Ce sont les nouveaux propriétaires qui ont été victimes de cette expropriation. Parmi eux, certains ont acquis leur titre avant cette décision (celle de 2011) ; et d’autres ont reçu les leurs entre 2011 et 2014.
Des préfets dénoncés
Ce sont ces personnes qui sont victimes de l’injustice de l’Etat. Parce qu’elles détiennent des titres signés par les préfets respectifs de Kati (de 2008 à 2014), c’est-à-dire les représentants de l’Etat. Leur seul tort, c’est d’avoir payé un lot dont l’Etat même reconnait la validité, en leur offrant un titre provisoire. Aujourd’hui, ces personnes ne savent plus sur quel pied danser parce que la commission « Expropriation et indemnisation » refuse de les indemniser au motif qu’ils ont acheté leurs lots après la décision d’extension du gouvernement.
Contacté par nos soins, la présidente de cette commission, Mme Sy Hawa Diallo, est catégorique : « si les victimes veulent être remboursées, elles n’ont qu’à s’adresser au préfet de Kati, qui reste le seul responsable de leur problème… ». Ici, Mme Sy fait une différence entre le préfet et l’Etat. Pour elle, les préfets doivent répondre de leurs actes. Ce qui agace les victimes. Car, pour elles, si ce n’est pas la caution de l’Etat, elles n’auraient jamais mis leurs ressources dans lesdits lots.
D’ailleurs, Mme Sy est très en colère contre les préfets « qui ont causé trop de tort aux citoyens innocents ». Car, ils auraient agi en complicité avec les premiers propriétaires des lots, dans l’espoir que l’Etat va indemniser les détenteurs de titre. Elle explique que son département décline toute responsabilité dans cette affaire. Car, le ministère des domaines et des affaires foncières a écrit plusieurs fois au ministère de tutelle (actuel ministère de l’intérieur) pour dénoncer les mauvaises pratiques des préfets dans la gestion foncière. « Des écrits qui sont restés sans suite », regrette Mme Sy Hawa Diallo.
Une liste cachée ?
Le cercle de Kati s’inscrit en faux contre les propos de Mme Sy. « Nous estimons que tout ce qui s’est passé à N’Tabacoro, a été fait en notre absence. L’expropriation a été faite sans que les responsables du cercle soient avisés. Alors que le bon sens exige au moins qu’on soit consulté avant toute chose. Ça n’a pas été le cas. Parce que des travaux ont été effectués auparavant dans la zone. Kati avait offert des titres provisoires sur les surfaces de N’Tabacoro à des Maliens. Qui doivent être indemnisés. Une commission nationale de recensement des victimes de cette expropriation a travaillé sur le site pour recenser les victimes et évaluer les investissements aux fins d’indemnisation. Cette commission a dressé une liste des victimes qu’elle a remis à la commission expropriation et indemnisation du ministère des domaines et des affaires foncières… », explique le chef de la section domaniale de Kati, Sanaga Bayogo. Qui précise que cette liste doit être affichée pour que les détenteurs de titres provisoires, puissent savoir s’ils ont été retenus ou pas.
« Pourquoi cache-t-on cette liste aux gens… ? », s’interroge Bayogo. Qui précise que Kati a été tenu à l’écart dans la gestion de N’Tabacoro. Et que le cercle n’a même pas de représentant au sein des deux commissions qui sont au niveau du département.
Toutes les victimes que nous avons approchées estiment qu’elles n’ont jamais vu cette liste. Nous avons cherché à nous approprier le rapport auquel cette liste est jointe. Mme Sy n’a pas accédé à notre demande. On se demande ce que contient ce rapport pour que les principales victimes et même la presse, ne puissent y avoir accès.
Voici comment les usagers sont traités par une certaine administration dans notre pays. Des personnes déjà écœurées par l’expropriation de leurs parcelles doivent subir le diktat d’une administration peu soucieuse des problèmes de ses usagers.
Les victimes de cette expropriation sont aujourd’hui désemparées. Leur seul espoir, avant de se retourner vers la justice, reste cette fameuse liste « cachée » au ministère des domaines de l’Etat et des Affaires foncières. Le ministre des domaines et des affaires foncières, Tiéman Hubert Coulibaly, est fortement interpellé pour clarifier cette affaire. Il doit jeter un regard sur le travail qu’effectue cette commission, qui apparemment s’occupe d’autres choses que les personnes dont les surfaces ont été expropriées.