Quelle chute vertigineuse en si peu de temps ! Les derniers événements au Nord depuis le 17 mai 2014 ont fini de convaincre les plus chauvins des Maliens sur l’état de déliquescence avancée de notre outil de défense. Conséquence : en moins d’une journée de combats à Kidal, l’armée nationale a une fois de plus été mise en déroute par une coalition d’apatrides, de bandits, de narcotrafiquants et de criminels jihadistes. Kidal est totalement sous leur contrôle depuis mercredi et plusieurs autres villes et localités du Nord seraient dans leur mire.
Le gouvernement, après avoir ordonné « le repli tactique » de nos soldats sous les feux nourris des ennemis de la nation, a unilatéralement déclaré « un cessez-le-feu immédiat » sur toute l’étendue du territoire, sonnant ainsi le glas du peu de fierté nationale qui pouvait encore rester à un peuple complètement sonné, désabusé et honteusement trahi. Le Mali subit ainsi la pire défaite militaire de son histoire après celle d’Aguelhok le 23 janvier 2012 avec l’égorgement de soldats abandonnés par l’Etat.
Ce fait gravissime pour l’honneur et la dignité de notre pays, remet malheureusement en cause, sinon réduit à néant, tous les maigres acquis de la courte période d’accalmie ayant suivi l’intervention de l’armée française à travers l’opération Serval en janvier 2013.
En effet, il importe de rappeler que le Mali revenait de loin, de très loin même. Car, au début de ce mois de janvier 2013, les principaux fondements d’un pays n’existaient quasiment plus dans le cas du Mali.
L’Etat était en lambeau. Les 2/3 du territoire, sinon plus, étaient occupés par les forces obscurantistes. Les populations opprimées et soumises à toutes sortes d’exactions et d’humiliations au quotidien ; une population dite du Sud qui semblait plutôt préoccupée par des combats de positionnement, de course aux postes et à l’enrichissement rapide ; une armée défaite, complètement désorganisée, démoralisée et démobilisée ; une économie sous perfusion de l’assistance humanitaire à travers le soutien de la communauté internationale, entre autres.
Voilà là où nous étions en cette fin 2012 et début 2013. Il a fallu cette fatale erreur de jugement et d’appréciation des envahisseurs en se hasardant à descendre sur le Sud. C’était là l’erreur qu’ils n’auraient jamais dû commettre. Après la prise de Konna, Mopti n’étant plus qu’à quelques minutes de route pour les pick-up lourdement armés des jihadistes, la France de François Hollande, a senti le danger.
Se sentant investie d’une mission et d’une obligation historique vis-à-vis du Mali, de l’Afrique et de l’humanité tout entière dans le cadre de la défense et la préservation des libertés fondamentales et de la démocratie, s’est vue obligée de prendre sa responsabilité en lançant les premières frappes aériennes sur les positions avancées des jihadistes et autres terroristes à partir de Konna.
Ce fut le début de la délivrance et du soulagement pour non seulement les populations maliennes, mais également pour tous les peuples épris de paix, de justice et de solidarité. Le Mali venait d’être sauvé. La suite est connue. Dans le cadre des résolutions des Nations unies, le pays reconnu dans son intégrité territoriale et sa souveraineté, a été libéré de ses occupants obscurantistes, des élections présidentielles et législatives ont été organisées.
Malgré toutes les insuffisances, liées beaucoup plus au contexte politico-sécuritaire du pays, ces élections ont permis d’engranger des acquis incontestables et indéniables, notamment, le retour du Mali dans le concert des nations. Elles ont également permis la reprise de la coopération avec l’ensemble de ses partenaires, le retour progressif de l’Etat et ses services déconcentrés sur l’ensemble du territoire et l’enclenchement d’un processus de normalisation devant déboucher à l’instauration d’une paix durable et définitive.
L’essentiel de ces acquis viennent d’être remis en cause à la suite de décisions et d’actes inappropriés et inopportuns. L’élément déclencheur restant incontestablement la visite forcée du Premier ministre Moussa Mara à Kidal le 17 mai 2014 dans les conditions de préparation que l’on sait désormais. Les conséquences sont là. Il s’agit plus aujourd’hui de les assumer et de les gérer plutôt que de se morfondre dans des actes de purs enfantillages (déclarations radiodiffusées de soutien à x ou y ; marches de protestation ( ?) et sit-in, entre autres).
Toutes choses qui contribuent à éroder le peu de crédit et de crédibilité dont nous pouvons encore nous prévaloir aux yeux du reste du monde. Cette succession d’événements les plus maladroits et tragiques les uns les autres, démontre à suffisance l’incompétence des autorités actuelles à définir une meilleure stratégie pour sortir le pays du trou.
Il ne saurait y avoir d’autres responsables que ceux qui en sont à l’origine, notamment le Premier ministre et son gouvernement. Certains seraient tentés d’exiger aujourd’hui leur démission. A quelle fin ? A quoi servira aujourd’hui dans une situation si désespérante et critique que le gouvernement démissionne ? En plus de la situation militaire déjà catastrophique, faudrait-il en rajouter la crise institutionnelle et politique ? Le pays ne s’en relèverait pas de sitôt.
Alors, il y a lieu pour nous tous (Etat, populations et groupes armés) de revenir à la raison avec réalisme, objectivité et responsabilité pour ne pas davantage compliquer une situation déjà très complexe. L’histoire se chargera d’en situer toutes les responsabilités. Etant donné que chacun sait à présent à quoi s’en tenir, il y a lieu de reprendre le processus où il a été abandonné avec l’appui et le soutien inestimable et impératif de la communauté internationale, notamment la France et les Nations unies.
Plus une minute ne doit plus être dans du dilatoire, de la duperie et de la flagornerie inutilement abjecte, honteuse et humiliante. Trop c’est trop ! Le peuple est fatigué. Le pays est déjà par terre, nul besoin d’aggraver sa situation par des actes insensés, irresponsables et inopportuns.
Pour ce faire, le gouvernement doit prendre des mesures urgentes. Parmi celles-ci figurent en bonne place l’interdiction de toute manifestation de soutien ou de protestation quelconque, la consolidation du cessez-le-feu s’il était entre-temps respecté par toutes les parties, le nécessaire rétablissement de la confiance entre tous les acteurs et les partenaires, l’amorce immédiate d’un dialogue inclusif entre tous les Maliens, entre autres.
L’histoire nous observe et elle sait être impitoyable avec ceux qui ne savent pas tirer les enseignements et tous les enseignements de leurs errements, des lacunes et des faiblesses du passé. Faisons en sorte qu’à l’heure du bilan ou du jugement nous ne soyons pas du côté de ceux qui ne peuvent ou ne doivent relever la tête du fait de notre orgueil, de nos arrogances et de notre entêtement inutile et contre-productif.
Que Dieu dans sa Miséricorde, assiste le Mali !