Accusée de passivité face à la reprise des combats entre l’armée malienne et les groupes armés du Nord, la France, engagée militairement dans ce pays, a jusqu’ici exclu d’intervenir directement dans un conflit « intérieur », appelant à l’ouverture « urgente » de négociations.
Pour Paris, qui compte quelque 1.700 soldats au Mali, les affrontements qui ont fait officiellement 36 morts samedi à Kidal (nord-est), fief de la rébellion touareg, sont une affaire de « sécurité intérieure » malienne, sans commune mesure avec les événements qui avaient justifié l’intervention des forces françaises en janvier 2013 alors que le nord du Mali était occupé par des groupes islamistes armés.
Depuis samedi, les rebelles touareg du Mouvement National de Libération de l’Azawad (Mnla) ont revendiqué la prise de plusieurs villes du nord du Mali, faisant redouter une reprise à grande échelle du conflit, comme en 2012.
Les combattants du Mnla avaient alors lancé une offensive dans le Nord du Mali, s’alliant à des groupes jihadistes liés à Al-Qaïda qui les avaient finalement évincés, occupant le nord malien jusqu’en janvier 2013.
« La situation est aujourd’hui très différente », a jugé jeudi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères Romain Nadal, affirmant que la menace des « groupes terroristes » a été considérablement affaiblie.
Pour le porte-parole de l’armée française, le Colonel Gilles Jaron, « la force Serval n’a pas vocation à intervenir dans les questions de sécurité intérieure. C’est une force militaire tournée vers un adversaire, qui sont les groupes armés terroristes », insiste-t-il.
Ce qui s’est passé samedi à Kidal était « un problème de sécurité intérieure » avec « des Maliens face à des Maliens », selon lui.
Les violences ont éclaté alors que le Premier ministre malien Moussa Mara effectuait sa première visite à Kidal, pour symboliser le retour de l’État dans cette région hors de contrôle. L’incapacité de l’armée malienne à garantir la sécurité de cette visite a été vécue comme une humiliation par de nombreux Maliens, qui ont dénoncé l’inaction des forces internationales présentes sur place.
Pour Paris, « Serval n’est pas au Mali pour faire du maintien de l’ordre », cette mission relevant des forces de sécurités maliennes appuyées par la force de l’Onu, relève une source diplomatique.
accélérer les négociations
Pourtant, le ministre malien de la Défense Soumeylou Boubèye Maïga a annoncé jeudi que le Mali envisageait de demander un appui à la France, en particulier à Menaka (nord), « sous pression des groupes armés ».
Depuis la reprise des combats, le gouvernement malien accuse les rebelles touareg d’être « appuyés par les terroristes d’Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb Islamique) et des narcotrafiquants ».
Des accusations rejetées par le Mnla, qui réfute toute collusion avec des jihadistes.
Selon Pierre Boilley, historien spécialiste de la question touareg, « il y a effectivement des regroupements de salafistes qui veulent profiter du désordre », mais le Mnla « a retenu la leçon et craint profondément le retour des jihadistes ».
La France, qui a appelé à la fin des hostilités, insiste pour sa part sur l’ouverture de pourparlers entre Bamako et les groupes armés, au point mort depuis des mois. Pour le Quai d’Orsay, « il est urgent que les parties reviennent à la table des négociations afin d’éviter une escalade » du conflit.
« La situation actuelle pourrait permettre d’accélérer les négocations, prévues par les accords de Ouagadougou (juin 2013) et que le gouvernement n’a jamais entamées », selon le chercheur Pierre Boilley.
Ces accords prévoient notamment le cantonnement et le désarmement des rebelles touareg, ainsi que le lancement d’un processus de réconciliation nationale, censé débuter après la présidentielle d’août 2013.
« Les autorités maliennes ont pris du retard pour entamer le dialogue indispensable avec les populations et les groupes du Nord », reconnaît le député français François Loncle, spécialiste des question de défense et d’Afrique, actuellement en mission au Mali. Mais le Gouvernement malien est « enfin » prêt à des « négociations sérieuses, au Mali », sous l’égide de la Communauté Économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), a-t-il déclaré à l’issue d’entretiens avec des responsables à Bamako.
Estimant que la communauté internationale avait « sous-estimé la capacité de nuisance du Mnla », M. Loncle s’est dit convaincu que la France « empêcherait une progression des groupes armés en dehors de Kidal ».