Bamako - L’heure était au soulagement samedi au Mali après l’accord de cessez-le-feu entre le gouvernement et les groupes armés du Nord qui ont pris la ville de Kidal, mais les autorités sont désormais attendues sur la relance de négociations avec les rebelles.
Selon des habitants interrogés par l’AFP, le calme régnait samedi à Kidal (extrême nord-est, à 1.500 km de Bamako) au lendemain de l’accord de cessez-le-feu.
A l’occasion d’une manifestation de soutien à l’armée malienne dans la capitale, le soulagement était sensible.
"On ne peut que saluer" l’accord, jugeait Racky Dalla Diarra, qui a manifesté aux côtés de quelque 2.000 personnes, selon la police.
"La guerre ne profite à personne. Le cessez-le-feu permettra à chacun d’aborder la question de Kidal de façon beaucoup plus sereine", a-t-elle ajouté.
Le rassemblement se tenait sur la place de l’Indépendance à l’appel de partis de la coalition soutenant le président Ibrahim Boubacar Keïta.
Elu en 2013, "IBK" affronte une grave crise avec les derniers événements de
Kidal. Les affrontements ont fait craindre à beaucoup une reprise de la guerre
dans le nord du Mali, secoué depuis des décennies par des mouvements touareg
indépendantistes et tombé aux mains de groupes islamistes en 2012, avant
qu’une intervention militaire française ne les chasse de la région en 2013.
Vendredi, le président de l’Union africaine (UA), le chef de l’Etat
mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz, avait arraché aux deux camps un
cessez-le-feu, réclamé par la communauté internationale - ONU et France en
tête - depuis la reprise le 17 mai de combats meurtriers qui s’étaient soldés
mercredi par la déroute de l’armée malienne à Kidal.
Bamako a signé le document, de même que trois groupes armés, composés
essentiellement de Touareg mais aussi de combattants arabes: le Mouvement
national de libération de l’Azawad (MNLA, rébellion touareg), le Haut conseil
pour l’unité de l’Azawad (HCUA, formé par des dissidents d’un groupe
jihadiste) et le Mouvement arabe de l’Azawad (MAA).
En plus de la cessation des hostilités, l’accord prévoit "la libération des
prisonniers dans les meilleurs délais" et "la mise en place d’une commission
internationale d’enquête".
Kidal représente depuis des mois un défi de taille pour l’Etat malien: en
dépit de l’intervention militaire internationale initiée par Paris et en cours
depuis 2013, il n’a jamais réussi à complètement reprendre pied dans cette
zone, traditionnellement fief touareg.
En plus de Kidal, les groupes armés ont pris Ménaka (660 km au sud-est de
Kidal), selon l’ONU.
- Paris appelle au dialogue -
Pour Mamadou Samaké, sociologue malien, cet accord est "déjà important pour
la suite des événements, même si on sent la déception chez les partisans du
pouvoir qui pensaient que les rebelles allaient tout de suite libérer les deux
localités désormais sous leur contrôle", Kidal et Ménaka.
"Restez mobilisés derrière le Mali. (...) Restez derrière les autorités et
l’armée retrouvera bientôt ses positions initiales", a d’ailleurs assuré le
Premier ministre Moussa Mara devant les manifestants rassemblés samedi à
Bamako.
Mais désormais les autorités maliennes sont sous forte pression: une
relance des négociations politiques, au point mort, est plus que jamais
attendue par les alliés du Mali.
La France a ainsi salué samedi l’accord, appelant à sa mise en oeuvre
"immédiate et intégrale".
Dans un communiqué, le ministre des Affaires étrangères Laurent Fabius, a
prôné "un processus global, appuyé par la région et la communauté
internationale, qui permette un règlement définitif de la crise au nord du
Mali".
Si un accord signé le 18 juin 2013 entre Bamako et groupes armés à
Ouagadougou avait permis la tenue de la présidentielle malienne en
juillet-août 2013, les discussions de fond sur le sort du Nord se font
toujours attendre.
A Bamako, la situation à Kidal échauffe en tout cas les esprits, et
l’opposition entend en profiter.
Le parti de l’ancien rival d’"IBK" à la présidentielle, Soumaïla Cissé, et
deux autres formations d’opposition ont réclamé la démission du président, du
Premier ministre et de tout leur gouvernement. Pour eux, ils sont "les
principaux responsables de la tragédie de Kidal et de l’humiliation" du Mali.