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Chronique satirique : Recueil des contes et légendes du gouvernement
Publié le mardi 27 mai 2014  |  Le Procès Verbal




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Pour masquer la défaite de nos troupes à Kidal, les ministres se succèdent au parloir pour nous raconter des fables dignes de Jean de La Fontaine. En voici des extraits…
Le deuil qui frappe la nation entière m’interdit de me payer la tête de nos soldats. Cela ne m’empêche pas de savourer les contes et légendes que le gouvernement s’amuse, comme toujours, à servir au bon peuple. Dès l’abord, je me demande pourquoi Ladji Bourama a tenu à confier nos troupes aux « officiers incompétents et au patriotisme douteux » qu’il reproche au « Vieux Commando » d’avoir nommé aux postes stratégiques de l’armée. La question vaut son pesant de turbans car à cause de ces nominations, le refugié de Dakar est cité à comparaître en Haute Cour de Justice pour haute trahison. D’accord: c’est lui qui a nommé les fameux officiers; mais que dire de Ladji Bourama qui les a non seulement maintenus mais qui les aussi bombardés de grades exceptionnels « diagnè watti » ?

Par ailleurs, je note que le Premier Moussa Mara a le don de prophétie. Au sortir de sa visite mouvementée de Kidal, il annonçait avec force : « L’agression de ma délégation au gouvernorat est une déclaration de guerre et la riposte sera à hauteur de l’agression! ». Pour une riposte musclée, c’en fut bien une.Sauf que nos puissants muscles semblent s’être retournés contre nous-mêmes, n’est-ce pas ? Mara, expliquant son séjour à Kidal, a invoqué l’article 13 de l’Accord de Ouagadougou qui, semble-t-il, stipule la « liberté de circulation des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire du Mali ». Détail oublié par le chef du gouvernement: l’article dit bien « territoire du Mali » et non « territoire de l’Azawad ». Or, d’après nos amis enturbannés, Kidal constitue la capitale de l’Azawad où le gouvernorat servira seulement d’ambassade du Mali.

On comprend, dès lors, la réaction des bandits armés…
Moussa Mara a également du courage à revendre ainsi qu’en témoignent les fermes assurances qu’il a données à son auditoire d’administrateurs à Kidal: « Si le MNLA pense intimider l’Etat du Mali par des coups de feu, il se trompe lourdement! ». Encore une fois, le Premier Ministre fait, ici, hors sujet car l’intention du MNLA n’était pas de nous intimider mais de nous chasser tout bonnement de la ville. Au moment où j’écris ces lignes, même le gouverneur de la région a cessé de prendre le thé dans la capitale des Ifoghas.Il doit en vouloir à Mara car désormais, il siège sur le banc des chômeurs sans aucune indemnité !

Monsieur le gouverneur n’est pas le seul à se faire des soucis. La lourde défaite de l’armée à Kidal semble avoir tourneboulé l’entendement d’une petite foule de ministres. Ainsi, comme s’il avait jeté les cauris, le ministre des Affaires Etrangères, Abdoulaye Diop, rencontrant les ambassadeurs accrédités au Mali, martèle: « Le MNLA a attaqué le Mali avec la complicité de forces étrangères ». Lesquelles ? Des extraterrestres aux yeux de cristal ou des diables à quatre cornes ?

Mahamane Baby, porte-parole du gouvernement, ne s’encombre pas, lui, de démentir le Premier Ministre qui, quelques heures plus tôt, dénonçait la passivité des forces franco-onusiennes devant les attaques rebelles contre sa délégation. Selon Baby, « la France et la MINUSMA sont nos amies, pas nos ennemis ». Entre Baby et Mara, il va falloir chercher le chef, hein ? Baby, qui a beaucoup d’esprit et un sens aigü de l’euphémisme, apparaît encore, mercredi soir à la télé, pour rassurer ses compatriotes: « Les forces maliennes sont en cours de réorganisation suite à un manque de coordination et de renseignements ». Ah bon ? Ne sait-il pas, ce grand général Baby, qu’une armée défaite manque nécessairement de coordination et de renseignements ? Et pourquoi se « réorganiser » quand on tient le bon bout ?

Le ministre de la Défense, Soumeylou Boubèye Maiga, y va, lui aussi, de son couplet: « Tout va bien; à part Kidal, l’armée garde toutes ses positions au nord ». Il ajoute: « L’armée est en repli tactique et un repli tactique est normal dans toute guerre ». Le problème n’est pas de se replier mais plutôt d’arriver, un jour, à se déplier.Si mes souvenirs sont bons, le même discours avait le vent en poupe quand, en janvier 2012, les nôtres fuyaient à toutes jambes les villes du nord. Et l’on a entendu le MNLA parler lui aussi de « repli stratégique » quand les jihadistes le jetaient, à coups de botte, hors de son cher Azawad.

La débâcle malienne pèse, bien sûr, aux députés. L’Assemblée Nationale, dans une déclaration lue par Moussa Timbiné, élu du RPM, demande à la communauté internationale d’ajouter le MNLA à la liste des groupes terroristes. Pourtant, Ladji Bourama, premier élu national, a chargé le président mauritanien d’aller signer des deux mains un cessez-le-feu avec les groupes armés, dont le MNLA. A moins que les députés ne désavouent Ladji, il y a lieu de considérer le MNLA comme un interlocuteur malien et non un groupe terroriste dirigé par Ben Laden…Les députés, comme pris d’une soudaine migraine, demandent, dans la foulée, que le mandat de la force française Serval soit clarifié. Ils ont désormais la réponse à leur exigence puisque sans Serval, les rebelles auraient déjà planté à nouveau leur drapeau à Gao et à Tombouctou.

Le meilleur conte gouvernemental ? Rencontrant, jeudi, les forces vives, le Premier Ministre leur confie que l’autorité politique n’a pas donné l’ordre d’attaquer à Kidal et que des enquêtes situeront les responsabilités. Propos vite repris par l’infatigable conteur Djéli Baba, pardon!, Baby. Mahamadou Camara, ministre de la Communication, ne se gêne pas de souffler dans la même trompette: « L’ordre a été donné au niveau de l’armée et non par le président IBK… Les enquêtes sont en cours. ». Mais voilà: comment parler d’absence d’ordres quand Mara, en revenant de Kidal, a déclaré le pays en état de guerre ? Au moment où nos forces attaquaient les rebelles, le gouvernement a publié un communiqué qui relate qu’ « une opération est en cours pour récupérer Kidal des mains du MNLA » et pour « sécuriser les personnes et les biens ». Si ce n’est pas là une approbation gouvernementale de l’action militaire engagée, je veux bien être pendu ! Je ne suis peut-être pas aussi intelligent qu’Albert Einstein, mais je doute que des soldats se lancent, sans ordres, dans une guerre supervisée de près par les plus hauts gradés de l’armée : le chef d’état-major général adjoint, le général Didier Dacko, et le chef du poste de commandement opérationnel pour tout le théâtre du nord-Mali, le colonel-major Abdoulaye Coulibaly. D’ailleurs, nos forces n’ont pas avancé isolément, mais en formations groupées et bien organisées, ce qui exclut toute improvisation.

Enfin, si, comme le soutient le ministre Camara, l’ordre a été donné par l’armée contre l’avis du pouvoir politique, on devrait fusiller du beau monde puisqu’il s’agit là d’une rébellion pire que celle du MNLA. Or, à ce jour, tout le monde se la coule douce, sans l’ombre d’une sanction.En réalité, prétendre qu’aucun ordre n’a été donné aux troupes n’a que deux effets : indisposer l’armée et donner des boutons au brave peuple malien.

Tiékorobani

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