« Le Cercle de Kéniéba riche en ressources naturelles, fait l’objet de convoitise par les multinationales pour l’extraction des minerais. Mais allez savoir dans quelles conditions ». Ces propos de Cheick Oumar Camara, Premier vice-président du Conseil de cercle de Kéniéba, traduit aujourd’hui, la préoccupation des habitants de ce cercle du Mali qui peinent à goûter aux délices du développement, malgré que son sous-sol est un scandale géologique. Le 25 mai 2014, la conférence débat grand public, organisée par l’Association des ressortissants et amis de la commune de Faléa (ARACEF), en partenariat avec la Fondation Rosa Luxemburg, a été une belle occasion pour les chefs de villages et des habitants du cercle de crier leur désarroi.
En plus des sites d’orpaillage qui pullulent un peu partout dans les communes et villages et la multitude d’entreprises d’extraction minières, dont certaines sont des multinationales, le Cercle de Kéniéba a toujours l’aspect d’une zone qui a signé un long bail avec la misère et la pauvreté. En plus d’une poussière rouge à rendre malade l’être humain le plus résistant, le chef lieu du cercle est desservi par un réseau sommaire d’adduction d’eau. Le courant électrique est distribué dans un programme minutieux. Quid des communes rurales ? Etant donné que le cercle de Kéniéba regorge de plusieurs mines d’or, la logique aurait voulu que les différents budgets des communes ressentent cela dans la programmation des activités de développement.
Malheureusement cela n’est pas le cas. En sa qualité de vice-président du Conseil de cercle de Kéniéba, Cheick Oumar Camara n’est pas passé par quatre chemins pour dénoncer la délivrance des permis d’exploration et d’exploitation minière. « Cela se fait sans consultation transparente au préalable des pouvoirs locaux à tous les niveaux : Chefs coutumiers, chefs de villages, maires, etc.… », a-t-il indiqué. Avant d’ajouter que cela est révoltant. D’autant plus que le Mali a enclenché une politique de décentralisation depuis plus d’une décennie, Cheick Oumar Camara est convaincu que la gestion du territoire, y compris ses ressources naturelles, devrait revenir aux pouvoirs locaux pour un développement harmonieux de leur localité.
« Le cercle de Kéniéba abrite trois sociétés d’exploitation minière en activité et d’autres qui sont prêtes pour l’exploitation, sans compter celles qui sont au stade d’exploration. Mais aucune convention ne lie ces sociétés aux Collectivités territoriales. Tout est négocié d’avance depuis Bamako », a-t-il déclaré. Avant de déplorer le fait que les collectivités sur lesquelles ces sociétés sont implantées, se contentent seulement des patentes payées et reversées par l’Etat suivant une clé de répartition entre les trois niveaux de collectivités concernées : Commune, Cercle et Région.
« Le problème de la gestion des richesses territoriales par les autorités locales est pratiquement similaires un peu partout », a-t-il déclaré. Selon lui, les Etats négocient directement avec les grandes sociétés minières étrangères, leur offre des conditions avantageuses, alors que les pouvoirs locaux assistent à l’arrivée sur leur territoire d’entreprises, parfois arrogantes, dont les pratiques bousculent les dynamiques socio-économiques locales et que les pratiques d’exploitation des minerais sont très largement décriées. « Les pouvoirs locaux se trouvent ainsi le plus souvent dans une situation paradoxale.
D’un coté, l’Etat unique interlocuteur des compagnies minières et grandes sociétés multinationales, accorde en général à celles-ci une fiscalité complaisante. De l’autre, les pouvoirs locaux ne disposent pas des ressources, techniques, administratives ou financières, pour faire face aux nouveaux besoins sociaux et environnementaux crées par ces activités », a-t-il indiqué. Pour tout cela, il s’est félicité du fait que l’ARACEF ait fait sienne depuis cinq ans du combat sur les enjeux et la problématique minière dans le cercle de Kéniéba.
Assane Koné