Le développement du secteur permet au pays d’atteindre les objectifs de 7% de croissance annuelle pour compenser la forte croissance démographique
« Quelle politique pour la survie de la Petite et moyenne entreprise ? » c’était le thème d’un débat dinatoire, qui s’est tenu vendredi dernier à l’hôtel Salam. Placé sous la haute présidence du Premier ministre Moussa Mara, cette conférence dinatoire a été organisée par le Réseau de l’entreprise en Afrique de l’ouest au Mali (REAO-Mali). Autour de la table des invités, le ministre de l’Industrie et de la Promotion des Investissements, Moustapha Ben Barka et un parterre des hautes personnalités parmi lesquels des ambassadeurs accrédités dans notre pays, l’ancien président de la Commission de l’UEMOA et ancien ministre de l’Economie et des Finances et de l’Equipement et des Transports Soumaïla Cissé. Les anciens ministres Ousmane Thiam et Habib Ouane, respectivement de la Promotion des Investissements et de l’Energie et de l’Eau «étaient également là.
Dans son introduction, le président du REAO-Mali, Mohamed Baba Tabouré a donné des éclaircissements sur les motivations du choix du thème débattu. Selon lui, après les événements de 2012 qui ont affecté l’économie nationale, en particulier les PME/PMI, il est important de poser la problématique de sa relance, eu égard à leur nombre, leur poids et leur importance dans notre économie, notamment dans le domaine de création d’emplois. L’objectif de 7% minimum de croissance annuelle, pour compenser la forte croissance démographique en dépend en grande partie, a t-il laissé entendre.
Le débat, qui a suivi son intervention était de belle facture. Il a été animé par Mamadou NDiaye, avec Mossadeck Bally comme modérateur. Il aura enregistré des contributions de qualité. Toutefois les interventions de Habib Ouane, du PDG de la BNDA, Moussa Alassane Diallo ne sont pas passées inaperçues. Le premier a beaucoup insisté sur la nécessité pour l’Etat de mettre en place un cadre structurel et cohérent suffisamment attractif pour permettre aux PME de se développer et booster l’économie. Il a parlé des exemples en Asie et en Amérique latine et du Rwanda en Afrique. Il s’est longuement appesanti sur le nécessaire positionnement de nos Etats ouest-africains pour attirer le maximum d’entreprises délocalisées en provenance du Maghreb, notamment du Maroc, qui développe actuellement une politique d’extension sur le reste du continent.
Moussa Alassane Diallo, a lui, introduit son intervention par un recadrage du débat en élargissant la définition des PME aux entreprises individuelles. Il mis l’accent sur la lancinante question relative aux difficultés d’accès au financement pour les PME/PMI et même les entreprises individuelles. Le banquier a esquissé une nouvelle approche, qui tranche avec la démarche classique. L’innovation consiste, selon lui, pour les banquiers à aller vers les entreprises, visiter les exploitations pour s’assurer de leur existence physique et leur prescrire une thérapie adaptée à leurs besoins. Il s’agit pour le banquier d’accompagner de façon pédagogique les entreprises vers le système formel, les convaincre à avoir un compte bancaire, afin d’avoir une comptabilité plus ou moins saine, qui puisse couvrir toutes les opérations financières, et à s’inscrire sur le registre du commerce. Le partenariat qui s’instaure de ce fait permet de contourner le problème de garantie pour accéder au financement bancaire et élimine ainsi un facteur de blocage pour le développement des entreprises.
10 A 15 MILLIARDS FCFA. Le représentant du groupe de la Banque mondiale, Mahamadou Magassouba, a parlé de la recette de son institution, à travers la SFI qui a mis en place un crédit bail destiné à accompagner le secteur des PME/PMI. A sa suite, l’ancien directeur de la Cellule de prospectives et du développement de la Primature, Oumar Boiré, a de son côté plaidé pour la proposition de création d’un fonds d’investissement solvable pour tirer le secteur. Il a rappelé les conclusions d’une étude de la Cellule sur l’approvisionnement des régions en produits de première nécessité : l’huile, le lait et le sucre. L’étude a révélé en son temps que toutes les régions sont déficitaires d’au moins d’un produit cité. Aussi, a t-il proposé la mise en place d’un système d’interdépendance, dans lequel les PME peuvent un jouer un rôle de premier plan. Selon lui, ce sont des marchés potentiels pour booster les PME/PMI. Dans le même ordre d’idée, il a proposé aux pouvoirs publics, d’instruire à tous les services publics de privilégier les produits locaux dans l’acquisition des biens et services pour leur approvisionnement. Cela représente pas moins de 10 à 15 milliards de Fcfa de liquidité fraîche à injecter dans l’économie. Ce sont des mesures parmi d’autres qui peuvent dynamiser le secteur des PME/PMI, a t-il expliqué.
Auparavant, c’est Soumaïla Cissé, qui a détaillé la manière dont l’UEMOA aborde et traite la question. L’ancien président de la commission de l’Union a indiqué que tout un département est consacré à la promotion des PME/PMI dans l’espace de l’Union. Egalement avec l’aide de l’Union européenne, l’UEMOA a mis en chantier un programme de restructuration et de mise à niveau des entreprises de l’Union pour leur permettre d’être compétitives face à des concurrents plus robustes. Le second volet d’intervention de l’UEMOA concerne le secteur de l’énergie. Paraphrasant un chef d’Etat de la sous-région, Soumaïla Cissé dira que l’énergie est pour l’économie, ce que le sang est pour le corps. Là dessus également, l’UEMOA et l’UE ont mis en place un programme d’aide aux pays pour accroître la capacité d’offre dans le secteur de l’énergie afin de réduire les facteurs de productions. S’agissant spécifiquement des PME/PMI, l’ancien président de la Commission de l’UEMOA, fera le constat que la plupart des PME/PMI évoluent dans le secteur informel. A cet effet, le défi à relever, pour lui, consiste à les aider à sortir d’abord de l’informel et se maintenir dans le formel. Il s’agit de dédiaboliser le secteur formel pour encourager le maximum de PME/PMI à y aller.
QUATRE SOLUTIONS. Signalons que le débat a été précédé par la diffusion de deux diapos contenant des interviews des acteurs économiques parlant à cœur ouvert des difficultés auxquelles, ils sont confrontés dans leurs activités de tous les jours. Ces difficultés qui sont de plusieurs ordres, s’articulent autour de quatre grands points : le faible niveau de structuration du secteur, le manque de ressources humaines qualifiées, le coût élevé des facteurs de production (énergie) et les difficultés d’accès au financement. Ces défis qui sont à la fois structurels et conjoncturels ne peuvent trouver leur solution que dans un partenariat constructif entre l’Etat et le secteur privé.
Dans cette perspective, des ébauches de solutions ont déjà été pensées par les acteurs économiques. Le conférencier a proposé quatre solutions axées sur la structuration du secteur, la coordination et la mise en cohérence des politiques et stratégies destinées au développement des PME/PMI, l’opérationnalisation des solutions et leur pérennisation. Une vision qui cadre parfaitement avec celle des autorités, a expliqué Moustapha Ben Barka. Selon lui, son département travaille à mettre en place le fonds de garantie prévu dans la loi de développement du secteur privé. D’autres mesures en cours d’élaboration suivront. Mais, Moustapha Ben Barka a invité ses interlocuteurs à parler plus de leurs ambitions et moins des problèmes. Car, des difficultés, il en aura toujours. Mais, il souhaite que les entreprises parlent de leurs objectifs de croissance, des marchés à conquérir. Dans ces conditions, il serait plus simple pour l’Etat d’intervenir en comptant, en retour, sur son impact sur le secteur de l’emploi, qui est un souci majeur du gouvernement.
Le Premier ministre Moussa Mara s’est lui aussi inscrit dans cette dynamique, en donnant plus de détails sur les interventions de son ministre. C’est dans ce cadre, qu’il a rappelé la restructuration du secteur de la micro finance, qui peut apporter des réponses idoines à la problématique du financement des PME/PMI. Le chef du gouvernement s’est également expliqué sur les aspects positifs des centres de gestion agréés (CGA), créée en 2005 pour accompagner les petites entreprises du secteur informel à accéder au financement et leur formalisation. Il a pris l’engagement de redynamiser les CGA.