Sept mois après le début des hostilités au nord du Mali, la situation se trouve incontestablement dans l’impasse. Les populations continuent d’être les victimes impuissantes des exactions et des brimades de toute nature, les plus inhumaines. Il est grand temps pour nos compatriotes partis en exil et restés sur place de prendre leur destin en main. Car, tout porte à croire que dans l’immédiat la restauration de l’intégrité du territoire malien par l’Etat malien devient une rhétorique incantatoire.
La semaine dernière, plusieurs déplacés, certainement las de répéter cette volonté de « rentrer chez eux », se sont embarqués à bord des cars en partance vers leurs régions au nord du Mali, pour y passer la fête de fin de ramadan. Ils entendaient rejoindre, les uns leur famille restée sur place, les autres leurs villages ou quartiers qui leur manquent tant.
Aussi, depuis quelques temps nos compatriotes déplacés ne ratent aucune occasion télévisée pour exprimer leur profond désir de retourner assez rapidement dans leur maison et reprendre une vie normale. Seule la restauration de l’intégrité territoriale constitue à leurs yeux la fin de leur calvaire.
Il est indéniable que les mises en scène des cérémonies de remise de dons, qui font l’objet de lots de reportages télévisés, commencent à indigner et scandaliser de façon déconcertante plus d’un patriote. Il faut se rendre à l’évidence que le folklore prend le dessus sur la spontanéité de la générosité désintéressée. D’autant plus que la solidarité nationale du peuple malien et de ses amis étrangers, qui entendent s’exprimer à travers l’octroi à nos compatriotes déplacés de plusieurs millions de FCFA, des milliers de sacs de riz et de farine, des milliers de litres d’huile et des moustiquaires imprégnés, etc., s’apparente pour nos compatriotes déplacés, à d’évidentes velléités de se donner bonne conscience. Tout simplement, notre passivité face à cette crise si humiliante est flagrante, d’autant plus qu’il y a aucune lueur d’espoir pour en sortir.
Ainsi tous les acteurs, sur lesquels les espoirs du peuple malien sont fondés, s’inscrivent dans des jeux logiques qui n’aboutiront jamais à la reconquête imminente des 2/3 de notre territoire national.
- Le gouvernement malien est complètement impuissant, face au refus des militaires de retourner au front pour combattre l’ennemi occupant, régnant en maître absolu dans les régions nord du Mali. L’armée, auteur d’un coup d’Etat le 22 mars 2012, entend profiter des juteux fruits de sa nouvelle position. Elle installe son propre système en lieu et place de l’ancien. En désormais faiseur de roi, elle ne se voit pas imposer un ordre par des politiques, qu’elle a réussi à diviser pour les soumettre à ses desiderata par la force des baïonnettes. Les militaires maliens ne sont pas prêts d’aller faire la guerre au nord, prétextant selon la météo : le manque de moyens matériels, le blocage des armes dans les ports ; et plus récemment en devenant les ardents défenseurs de la négociation préalable, que l’on croyait être l’apanage des seuls politiques et de la société civile. Nos plus hautes autorités seront toujours à la merci des forces militaires.
Pendant ces tergiversations et cet imbroglio des rôles, le nord peut toujours attendre !
- La classe politique, qui n’est pas à une humiliation près, vient de prouver que seule l’entrée au gouvernement d’union nationale est salutaire. En effet, en réaction à un des communiqués les plus déshonorants de l’histoire de la Présidence de la république du Mali, tous les acteurs mobilisés depuis le putsch militaire du 22 mars 2012 viennent de se mettre en effervescence pour prétendre à un maroquin gouvernemental. Y compris ceux qui ont émis de réserves, tous espèrent obtenir quelque broutille dans le partage de gâteau qui vient de commencer ; portefeuille ministériel ou autres missions sous la transition, chacun veut sa part, peu importe les compromissions et le temps que peuvent durer les querelles de clochers pour le maintien de tel ou tel au poste juteux.
Les populations déplacées devraient se contenter de l’aide humanitaire, synonyme de ressentiments et de souffrances assez exprimés par les bénéficiaires.
- La CEDEAO, bras opérationnel de la communauté internationale attend un pactole de plusieurs millions de dollars de la part de l’ONU et de l’UE pour prendre part à l’opération de reconquête et de sécurisation des régions nord du Mali, sous réserve de l’accord des autorités maliennes. Les bailleurs de cette manne financière traînent les pieds, car chaque fois que ces fonds étaient diligentés, il s’est avéré que le pays destinataire était solvable : en Irak, en Libye, le pétrole assure le retour sur investissement. Ce qui est loin d’être le cas du Mali.
En d’autres termes, n’ayant rien à se mettre sous la dent, les pays du Conseil de sécurité ne se bousculent pas pour donner le feu vert aux forces en attente de la CEDEAO.
D’autant plus que les partenaires du Mali ne seront guère rassurés par le gouvernement dit d’union nationale nommé lundi soir, qui laisse la part belle aux putschistes et marque le retour en force de l’armée au pouvoir à tous les postes stratégiques du pays.
Pour ce qui est de l’accord de l’Etat malien, il ne faut pas oublier que les « fiers » descendants de Da Monzon et de Soundiata, militaires comme civils, pourtant incapables d’empêcher quelques illuminés à faire la pluie et le beau temps sur les 2/3 de leur territoire, s’opposent à toute présence des forces étrangères pour la libération des régions nord du Mali. A ce sujet, les militaires maliens viennent, d’ailleurs, d’effectuer un nouveau « repli stratégique » la semaine dernière, lors de la réunion des chefs d’Etat major de la CEDEAO à Bamako, qui compromet tout déploiement imminent des forces ouest africaine.
Les déplacés devront prendre leur mal en patience.
Le plus désespérant pour nos compatriotes déplacés est que beaucoup de stratèges freinent les ardeurs pour la solution militaire, arguant que la reconquête par les armes serait très difficile et complexe. Quant à l’option de la négociation elle n’est pas des plus prometteuses avec des illuminés en pleine logique métaphysique.
Depuis bientôt 5 mois, rien ne permet d’attester le retour très prochain des exilés intérieurs comme extérieurs dans leur foyers, qu’ils ont quittés en même temps que l’armée malienne lors de ses multiples « replis stratégiques ». Les pressantes interpellations pour une solution rapide à la crise territoriale constamment distillées, ainsi que des scènes de retour intempestif au bercail pour la fête de ramadan sont autant de signes de déception qui stigmatisent l’immobilisme actuel, de l’Etat malien surtout.
Que faire donc ? Les populations des régions nord n’ont plus le choix, elles doivent compter d’abord sur leurs propres forces.
Dans la situation actuelle des régions nord du Mali et au vu des données socio politiques et militaires dans le reste du pays, seule une résistance populaire permettra aux populations de défendre leur terrain et leur mode de vie.
La constitution d’une force de protestation interne devient un impératif pour venir à bout de la domination des hordes obscurantistes et leur éclaireur du MNLA, principal responsable de cette situation délétère que vivent nos compatriotes.
En d’autres termes, les exilés intérieurs et extérieurs des régions de Gao, Kidal et Tombouctou doivent se résoudre à retourner chez eux, pour organiser la riposte quotidienne aux assaillants.
A l’instar des palestiniens retournés sur leur terre, après avoir vécu les pires humiliations lors de l’exil imposé par l’ennemi israélien, il faudrait que nos compatriotes rejoignent ceux des leurs qui montrent la voie déjà.
Le Hamas et l’OLP n’ont réussi à imposer des solutions vers la création d’une Autorité palestinienne, qu’à travers plusieurs formes de luttes menées depuis le territoire qu’ils revendiquent. Et cette résistance interne ne manque pas d’efficacité car elle coûte très cher, sur tous les plans, à l’occupant israélien.
Un autre exemple est cet historique train pour Petrograd que Lénine et ses camarades empruntèrent pour se rendre en Russie tsariste, où se trouvait le principal foyer de leur lutte. Effectué dans des conditions controversées certes, ce retour sur le terrain aboutît à la révolution de 1917, qui changea considérablement le cours de l’Histoire.
On peut multiplier à souhait les exemples à travers le monde et dans l’Histoire, pour démontrer que rien ne résiste à la détermination et au courage d’un peuple qui veut se libérer du joug de ses envahisseurs.
Les tergiversations de l’Etat malien ainsi que les multiples diversions de l’armée et des forces vives du sud, qui ne semblent pas décidées à bouter dehors l’horrible occupant, prouvent à suffisance que nos compatriotes déplacés ne peuvent compter que sur leurs propres forces pour mener la lutte de libération de leur territoire.
Cette lutte doit se mener essentiellement sous des formes non violentes, mais fermes et médiatisées constamment : comités de vigilance ; manifestations périodiques ; protestations contre toute velléité de contrôler les affaires publiques ; refus d’application des sanctions arbitraires ; solidarité et secours aux victimes ; sécurisation des services et biens publics ; désobéissance civile ; etc.
Il s’agit donc d’un choix stratégique, qui peut se fonder sur les rares, mais hautement significatifs, succès remportés, dans quelques localités par les populations à mains nues, qui ont signifié vigoureusement leur refus d’obtempérer à certaines décisions des assaillants, jugées arbitraires.
Ces actions de résistance devraient être soutenues et renforcées désormais, grâce au retour massif de tous les compatriotes déplacés à l’intérieur comme à l’extérieur.
Tous devraient comprendre que l’exil actuel est un piège et que seule la résistance interne méthodique et organisée permettra de mettre fin à leur calvaire et à la crise territoriale de notre pays, ce vieux Mali.