Sa communication est un vrai désastre, une calamité. Il a été le premier à le reconnaitre, y compris dans les colonnes d’un magazine international. Il, c’est le président de la République, très bien élu en août dernier mais si mal entouré et conseillé depuis son investiture.
Ibrahim Boubacar Kéita ne serait pas le seul dans cette déplorable situation. Selon certaines informations, son Premier ministre a vite fait de se débarrasser de tout son entourage de communication depuis quelques jours. Son voyage à Kidal et le lynchage dont il a fait l’objet plus tard en sont pour quelque chose. La démarche de Moussa Mara d’aller coûte que coûte à Kidal au péril de sa vie a très mal été expliquée par sa cellule de communication. D’où les nombreuses interprétations dont certaines se sont révélées assez insultantes pour la haute autorité qu’il est.
La dernière bourde des étranges, nombreux et inefficaces conseillers du pouvoir a été de convoquer, par SMS, en réunion de concertation les partis politiques dits de l’opposition (Urd, Parena, Fare, PS Yeleen Kura). Quand on sait que la plupart de ces partis ne savent rien de l’opposition et qu’ils s’y trouvent non pas par conviction mais parce que personne ne voulait d’eux dans la majorité gouvernementale et parlementaire, qu’ils sont prêts à se rebiffer au moindre faux pas de leurs adversaires, les amis du président devaient se dire qu’une invitation par SMS serait perçue par eux plus comme un rendez-vous galant ou un rencart d’amourette que comme une invitation à débattre sur les grandes questions d’intérêt national. Celles-ci ne manquent pas en ce moment précis où les terroristes ont déclaré la guerre au pays et risquent de lui faire revivre le triste et sanglant épisode de 2012. Et quand le pays est en guerre, il est nécessaire que tous ses enfants se retrouvent pour conjuguer leurs efforts afin de conjurer les périls qui se découvrent. Mais pour que cette conjugaison d’efforts soit une réalité, il est nécessaire que les susceptibilités des uns ne soient pas heurtées par les provocations des autres.
Gouvernement d’union nationale
Or, outre le fait qu’une invitation par SMS peut être perçue comme le signe d’un mépris ostentatoire, les représentants des partis de l’opposition à cette rencontre pouvaient ne rien avoir à dire, ayant été surpris et s’étant présentés avec la méfiance qui sied. Dans l’autre camp, pas de problème : les partis de la mouvance présidentielle avaient été informées à l’avance au cours d’une réunion de leur cadre de concertation avec le Premier ministre. Ils auraient donc pu s’être préparés en conséquence. Mais préparés à quoi ? Sûrement pas à s’attaquer à tous les problèmes que vit le pays. Ils ne sauraient les solutionner, n’ayant pas l’expertise nécessaire ou la volonté requise, n’étant pas dans la dynamique de servir forcément le pays. Ne sachant même ni quoi faire dans ce sens. Néanmoins, la rencontre a eu lieu quand le Premier ministre s’est personnellement investi pour rectifier la bourde de ses conseillers.
Selon certaines rumeurs, cette prise de contact pourrait aboutir à la formation d’un gouvernement d’union nationale. Il est vrai qu’à l’heure actuelle des membres de l’équipe de Mara ne savent pas où donner de la tête. Le ministre de l’économie numérique, de l’information et de la communication, Mahamadou Camara, s’est substitué au porte-parole du gouvernement, Mahamane Baby, dont les rares sorties se limitent à la lecture de communiqués officiels laconiques sur les médias d’Etat, des communiqués qui n’apprennent rien de plus que ce que l’on veut bien faire avaler à un citoyen lambda naïf et niais. Le ministre Mahamadou Camara, qui joue le rôle du ministre Mahamane Baby craint de faire de l’ombre au ministre des affaires étrangères, Abdoulaye Diop. D’ailleurs, le ministre Camara vient à peine de rentrer d’une tournée en Europe et aux Etats-Unis où, selon lui, sa visite a été utile et rassurante pour les nombreux Maliens de la diaspora qui ont peur de revivre leur honte de 2012, quand plus des deux tiers du pays ont été occupés par des terroristes qui s’y étaient installés après avoir chassé une armée désarticulée et mal équipée.
Cafouillage au sommet
Après s’être substitué au porte-parole du gouvernement, le ministre Camara ne veut pas se prendre pour le chef de la diplomatie malienne mais va quand même aux Nations unies mendier un mandat robuste de la Minusma antiterroriste. Il ne veut pas non plus se prendre pour le ministre des Maliens de l’extérieur mais va quand même dialoguer avec les associations des Maliens à l’extérieur. Ensuite, il revient faire son compte-rendu non pas à son chef, le président de la République, ou à son sous-chef, le Premier ministre, mais à la presse, sans même inviter ou associer le « founè » du gouvernement, officiellement nanti du pouvoir de porter la parole officielle. Peut-être que le véhicule de Baby était-il en panne, il est l’un des rares ministres qui roulent dans des chinoiseries, les autres des Mercédès.
Mais malgré tous ces cafouillages au sommet, un président sérieux ira-t-il jusqu’à flanquer son peuple d’un gouvernement d’union nationale? Même s’il a été élu sur la base de promesses largement médiatisées mais non tenues encore et d’un semblant de programme tenu sous le boisseau, IBK, qui a maintenant son homme de main en la personne du Premier ministre, et qui vient de démontrer qu’il peut rectifier le tir de la courtoisie et de la considération, ne doit pas céder à la panique créée par une situation qui est en train de le dépasser. Le Mali a un très mauvais souvenir des gouvernements d’union nationale, largement ouverts ou consensuels, qui n’ont créé qu’unanimisme et stagnation. La collaboration avec l’opposition doit être un cadre de concertation et non un appel au secours, une demande de bouée de sauvetage.
Il faut s’assumer jusqu’au bout ou quitter la scène.