La première rencontre entre le Président Ibrahim Boubacar Kéita et la classe politique malienne, le mercredi 4 Juin, est la traduction d’une conséquence tirée de la gestion solitaire du pouvoir, neuf mois après son élection avec 77 % des votants.
L’erreur d’IBK a été de croire qu’il peut gérer seul le grand Mali, sans avoir besoin ni de l’avis des autres, ni de leur concours.
Obnubilé par sa victoire, le Président a choisi ses hommes, du Premier ministre aux ministres, sans la moindre consultation des partis politiques, ni de sa propre majorité présidentielle, encore moins de ceux de l’opposition ou de la société civile. Et pire, dans l’ignorance totale des principes républicains, adoptant en leur lieu et place, le népotisme (nomination de membres de la famille à des postes clé de l’Etat), le clientélisme et le délit d’initié (attribution de marchés de gré à gré sur une centaine de milliard à un conseiller de la présidence).
Le choix des Premier ministres et des ministres d’IBK s’est fait dans l’absence de concertation et même de consultation des partis politiques. Il en a été ainsi pour le choix du Premier ministre Oumar Tatam Ly, de Moussa Mara et des ministres de leurs gouvernements respectifs. En outre, la récente guerre de Kidal a été orchestrée sans consultation des partis politiques.
Cette absence de concertation sur des questions nationales, pour un Mali de nous tous, a eu comme conséquence, tant de malheurs à la place du bonheur promis aux Maliens, tant d’humiliations au lieu de l’honneur attendu, et de hontes à la place de la dignité attendue.
A cet effet, l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, qui mérite tout de la patrie, mérite d’être réhabilité, pour avoir épargné le pays du désastre et du marasme dans lequel son successeur Moussa Mara n’a pas hésité pas à le plonger tout entier. Oumar Tatam Ly, en renonçant à sa visite à Kidal, et mieux en démissionnant, a été le messager sur lequel, certains n’ont pas hésité de tirer. Aujourd’hui, l’histoire lui a donné très vite raison : il avait raison dans son refus de foncer droit dans le mur, de continuer dans l’impasse dans laquelle notre pays s’est trouvée du fait d’une absence de vision et de stratégie.
La horde des francs-tireurs de la presse liberticide, lâchés par la cellule noire de Koulouba, dans les affaires de marché de gré à gré impliquant un conseiller de la présidence, Mohamed Kagnassy, et la récidive dans l’affaire Michel Tomi de la mafia corse, le mémorandum du Parena sur les 7 mois de gestion d’IBK, ne sont en outre que les conséquences d’une gestion solitaire du pouvoir, prônée par le président IBK, au cours de ses neuf premiers mois de gestion du pouvoir.
Moussa Mara, (successeur de Oumar Tatam Ly), n’a pas hésité un seul instant d’engager le pays dans le marasme qu’il connait depuis le 17 mai dernier. Il a refusé de rebrousser chemin sur la route de Kidal comme l’a fait le patriote Oumar Tatam Ly qui n’a pas pris le risque d’engager le pays dans l’impasse et l’isolement. La logique du président élu, de gérer militairement la question du nord, avec une armée en construction et sans une concertation avec la classe politique, s’est soldée par un échec cuisant. Ce qui l’a amené sans doute à revoir sa copie et son agenda secret. Et à rencontrer la classe politique, reconnaissant tacitement que personne n’a le monopole du patriotisme. Mais assez de mal est déjà fait et rien de mieux que la concertation pour rattraper le temps perdu à tourner en rond.
Bilan de la gestion solitaire
Au plan sécuritaire : une menace davantage grave sur l’intégrité territoriale et l’unité nationale. Recul sur le processus de paix, tel qu’il a été enclenché dans la dynamique des négociations qui ont permis de signer l’accord préliminaire de Ouagadougou.
Au plan politique : une crise politique entrainant des turbulences au sommet de l’Etat (changement du ministre de la Défense et des Anciens Combattants, démission du chef d’état major des Armées), fuite de responsabilité des pouvoirs publics pour assumer les conséquences d’une guerre organisée et menée sous leur houlette. Une situation qui oblige le président à changer le fusil d’épaule, pour plus de concertation, d’union pour le Mali.
Au plan économique : un désaveu sans précédent des partenaires techniques et financiers, leur incompréhension face à une gestion opaque et calamiteuse des deniers publics, des marchés défiant toutes les règles de bonne gouvernance. L’achat d’un Boeing 737 présidentiel, les marchés d’armes de gré à gré, et l’engagement du pays dans une guerre mal préparée et aux issues mal appréciées sont des conséquences néfastes de la gestion solitaire d’IBK.
Au plan national : Un pays humilié, moralement atteint, et isolé au plan international.
La solution à la crise malienne ne peut venir que de la concertation de tous les enfants du pays sur la base de la confiance à refaire, impliquant une vision et une stratégie claires, un projet politique partagé, une bonne gouvernance. Aucun parti, majoritaire soit-il, aucune mouvance seule, présidentielle soit-elle, ne peut résoudre une situation aussi désastreuse, que celle du Mali, du fait de la crise sécuritaire et politique que le pays a connue en 2012.
B. Daou