Arrivé en pleine Transition, le diplomate britannique a été un témoin privilégié des événements heureux et malheureux survenus dans notre pays ces deux dernières années
L’ambassadeur du Royaume Uni dans notre pays, Philip David Boyle, est en fin de mission. A l’occasion de son départ, le ministre des Affaires étrangères, de l’Intégration africaine et de la Coopération internationale, Abdoulaye Diop, lui a offert un déjeuner d’adieu. Plusieurs diplomates ont participé à cette réception organisée à l’hôtel Radisson Blu.
Abdoulaye Diop a décrit Philip David Boyle comme un « diplomate chevronné et talentueux » qui s’est illustré par sa disponibilité et sons sens élevé de l’humain dans toutes ses dimensions. Le ministre a évoqué quelques visites de hautes personnalités britanniques au Mali pendant les moments difficiles pour notre pays. Il s’agit entre autres du ministre des Affaires étrangères, William Hague en mars 2013, du ministre d’Etat des Forces armées, Robert Georges Robathan, en février 2014, de l’Honorable Stephen Rothwell O’Brien, envoyé spécial du Premier ministre britannique pour le Sahel toujours en février 2014.
Le ministre Diop a également rappelé avec satisfaction, le soutien logistique apporté par Londres à l’opération Serval lors de l’intervention militaire française au Nord, la contribution financière de 5 millions de livres sterling annoncée par la Grande Bretagne lors de la conférence des donateurs à Addis-Abeba, le 29 janvier 2013, en vue d’appuyer les missions de l’EUTM et de la MINUSMA.
Philip David Boyle était au Mali à son quatrième poste à l’étranger. Il avait présenté ses lettres de créance en octobre 2012. « Ce fut mon poste préféré. Une histoire d’amour dès les premiers contacts avec le pays. J’ai été immédiatement frappé par la chaleur et l’hospitalité du peuple malien et aussi cette merveilleuse tradition musicale. Ces premières impressions se sont renforcées tout au long de mon séjour ici, et je suis vraiment très, très triste de partir », a confié le diplomate britannique.
Philip David Boyle était arrivé au Mali quelques mois après le coup d’Etat de mars 2012, et quelques mois avant le déclenchement de l’Opération Serval (janvier 2013). « Je suis arrivé pendant une période de transition et d’incertitudes. Deux tiers du territoire étaient aux mains des terroristes islamistes, des groupes armés et des bandits. La junte, de son fief à Kati, continuait d’influencer fortement le gouvernement civil de transition. Par exemple, je me souviens avoir été réveillé en pleine nuit par la nouvelle de l’arrestation du Premier ministre Cheikh Modibo Diarra, forcé de démissionner en direct à la télévision nationale. La tenue des élections semblait désespérée. Presque toutes les coopérations bilatérales étaient suspendues. Ce fut une période sombre pour le peuple malien et de grande frustration pour ses partenaires internationaux. Beaucoup d’entre nous dans cette salle se souviennent encore de cette semaine bizarre de janvier 2013, quand les islamistes avançaient vers Mopti et qu’il semblait qu’un autre coup d’Etat se préparait à Bamako », a témoigné le plénipotentiaire, en rendant hommage à l’action de la France.
« Les Français avaient juste quelques heures pour répondre, et ils l’ont fait de façon admirable. Je n’ai aucun doute que la France a épargné ce pays d’un destin sûrement sombre. La vitesse de sa réponse, le professionnalisme et la compétence de ses forces, et sa capacité à focaliser la communauté internationale derrière un seul objectif à savoir délivrer le Mali de son cauchemar ont été impressionnants », a observé Philip David Boyle.
Il a également a évoqué les différents efforts du Royaume-Uni aux côtés du Mali, en indiquant que la première offre d’assistance militaire à Serval vint du Royaume Uni, en termes de logistique dans le cadre du transport aérien et de survol de surveillance. Londres a apporté son soutien politique au Mali à Bruxelles et à New York et a coparrainé toutes les résolutions à l’ONU, et fait du lobbying en concert avec la France et les États-Unis auprès du Conseil de sécurité, au nom du Mali.
A la suite de la libération spectaculaire du Nord du Mali par la France, la Grande Bretagne a appuyé la mise en œuvre de la force de stabilisation de la MISMA, à travers notamment le déploiement rapide de troupes ghanéennes, et est devenue un partenaire important pour la formation de l’armée malienne par l’Union européenne à Koulikoro ».
L’ambassadeur Boyle a par ailleurs souligné que bien que n’ayant aucun programme de coopération bilatérale au Mali, le Royaume-Uni est le troisième plus gros donateur multilatéral aux pays sahéliens.
Si le Mali revient de loin, d’énormes défis l’attendent encore. « Les événements tragiques d’il y a deux semaines montrent la nécessité de la voie de la réconciliation. Il n’y a pas de solution militaire à la question des groupes armés. Il n’y aura aucune paix durable sans négociation. Je comprends ceux qui sont réticent à entrer dans ce processus. Mon pays, le Royaume-Uni, est passé par là aussi, avec la guerre contre les groupes paramilitaires en Irlande du Nord. Refuser de négocier avec des groupes armés fut la politique du Royaume Uni pendant près de 80 ans. Et il a fallu longtemps avant que les deux parties s’asseyent autour d’une table. Mais le fait que le gouvernement britannique, les unionistes et les séparatistes aient pris ces décisions courageuses, a créé les conditions actuelles pour une paix durable en Irlande du Nord. En fin de compte, c’est tout le monde qui en tire profit. Belfast, jadis une ville de désespoir économique, est maintenant un centre de dynamisme et de prospérité », a témoigné le chef de mission diplomatique.
Abordant les questions de gouvernance, Philip David Boyle s’est dit souvent impressionné par l’ambition et la détermination des autorités actuelles. « Mais tant que les questions clés de la gouvernance ne seront pas traitées rapidement et efficacement il y a un risque réel de perdre le soutien de la population malienne, et aussi d’une partie de la communauté internationale. Les réalisations des deux dernières années sont assez fragiles, et aucun d’entre nous ne peut garantir que l’aiguille ne tournera pas une fois de plus dans la mauvaise direction. En tout état de cause, le Royaume Uni a été, reste et restera un ami fort du peuple malien », rassure le diplomate.
Philip David Boyle a été fait Chevalier de l’Ordre national à titre étranger. La décoration lui a été remise par le ministre Diop. Son successeur, Mme Joanna Adamson, qui arrivera dans les semaines à venir inaugurera la nouvelle ambassade de Grande Bretagne à Bamako et ouvrira en même temps un nouveau chapitre dans les relations entre les deux pays.