Des éléments de Kati impliqués…
Les enquêteurs sur les traces d’un homme politique membre de la majorité présidentielle
A qui doit profiter le crime ? Naturellement, les enquêteurs se posent cette question. Mais d’ores et déjà, des indices forts compromettent un homme politique, chef d’un parti gauchiste qui se réclame pourtant de la majorité présidentielle. Des nostalgiques de Kati ne sont pas non plus épargnés.
Pour sûr, le coup d’Etat en préparation et qui a été éventé par la sécurité d’Etat après des investigations de plusieurs semaines, implique de hauts gradés de l’armée et surtout des gens qui ont suffisamment de moyens financiers et matériels pour oser s’aventurer dans une telle aventure. D’ores et déjà, une dizaine de militaires proches des ex-putschistes ont été arrêtés à Kati.
Comme pour le coup d’Etat qui a mis Sanogo en selle en mars 2012, des officiers supérieurs qui sont dans le coup ont préféré faire preuve de prudence pour mettre en avant leurs subordonnés. Pourquoi pas, si cela ne marchait pas, ils allaient chercher à sauver leur tête. Mais si cela réussissait ils en récupéreraient la victoire comme avaient fait les Yamoussa, Moussa Sinko Coulibaly et autres qui s’étaient cachés derrière des officiers subalternes pour montrer la tête au dernier moment. Et Sanogo avait raison de leur faire des misères en ne voulant rien lâcher. En plus, il les a doublés tous en se projetant au grade de Général, par-dessus leur tête. Qui est fou !
Des «bérets rouges» et hommes politiques dans le coup
Il nous revient que les comploteurs – puisque du côté des autorités on préfère complot contre la Sécurité de l’Etat au vocable coup d’Etat- viennent de plusieurs corps des forces armées et de sécurité et pour une fois on parle de l’implication des paras commandos appelés «bérets rouges» à hauteur d’une soixantaine d’hommes que leur collègue, le lieutenant Mohamed Lamine Ouattara, serait parvenu à convaincre. Faut-il le rappeler ? L’officier Ouattara n’est autre que le fils d’un ex-DG adjoint de la Gendarmerie.
Selon toute évidence, il disposerait de moyens pour bien préparer l’opération car, selon les informations qui nous sont parvenues, il serait en contact avec de hauts gradés de l’ex-junte aujourd’hui projetés dans une grande tourmente. En plus d’autres officiers supérieurs de l’armée, non reconnus au sein de l’ex-junte, mais qui occupent actuellement des postes stratégiques au sein des forces armées et de sécurité.
Soumeylou Boubèye Maïga, en tant qu’ex-chef barbouze du pays revenu comme ministre de la Défense et des anciens combattants, pouvait être au courant de ce qui se tramait. Ce qui expliquerait son refus de limoger le chef d’état-major Mahamane Touré, son adjoint le général, Didier Dacko et le très populaire Général El hadj Gamou pour leur faire porter le chapeau de la débâcle de l’armée le 21 mai dernier. Ce serait décapiter l’armée et mettre le pays à la merci d’un éventuel coup d’Etat, aurait-il soutenu avant de préférer rendre sa démission. La suite des événements, en tout cas, lui donnent raison.
Si IBK n’avait pas vent de ce qui tramait, il doit faire une prise en main de la gestion du pays car avec l’affirmation selon laquelle il n’a pas donné l’ordre à l’armée de mener l’opération militaire de Kidal le 21 mai dernier, il donne l’image d’un chef d’Etat qui ne maîtrise rien dans son pays.
Mais dans tout cela, à qui profite réellement le crime ? A l’heure actuelle, peut-on imaginer la préparation d’un coup d’état sans le conseil inspiré d’opportunistes politiques ? Il y en a un dont le nom revient très souvent depuis lors. En effet, on commence à comprendre pourquoi cet homme politique a un comportement atypique : bien que membre de la majorité présidentielle pour avoir soutenu le Président IBK au second tour de l’élection présidentielle, il se distingue par des positions radicales qui le distingueraient beaucoup plus comme un opposant. Il dérange le régime par ses sorties intempestives et gêne terriblement ses alliés qui se méfient de lui comme de la peste à cause de son impertinence et son impulsivité.
Mais dans tout cela, il sait où il va car ses déclarations et sorties musclées depuis quelques semaines sont en train d’être passées à la loupe et elles corroborent une certaine logique développée par cet anarchiste qui a été à la fois avec et contre tous les régimes qui se sont succédé au Mali depuis la révolution du 26 mars 1991.
En mettant la pression sur le régime pour qu’il demande le départ du Mali des militaires français de Serval et de la Minusma, il ouvrait ainsi un boulevard aux comploteurs qui ne craindraient pas une éventuelle intervention de ces forces pour les contrer. C’est donc comme si lui incarnait l’aile politique du groupe de comploteurs et des indices et faits recueillis par les enquêteurs convergeraient vers son implication.
Dans les tout prochains jours, nous saurons si malgré tout cela, IBK continuera de le protéger en évitant un clash de la majorité présidentielle, alors qu’il s’apprêterait à s’en prendre à lui.
B. Diarrassouba
Encadré
Tentative de coup d’Etat ou d’assassinat ?
Sales temps pour les pro-putschistes du 22 mars 2012
Tentative de coup d’Etat ou d’assassinat ? L’on dira, bien évidemment, que c’est du même au pareil puisque la cible, par les présumés putschistes choisie, s’avère une institution de la République, à savoir la personne du président de la République. Raison pour laquelle justement, l’on parle officiellement «d’atteinte à la sureté nationale et aux institutions». Il existe cependant une nuance et non des moindres : Peut-être qu’il ne s’agissait, seulement pas de renverser le président démocratiquement élu, mais de l’éliminer physiquement. L’hypothèse s’impose au regard de la situation géopolitique du pays, voire de la sous-région.
Perpétrer aujourd’hui un coup de force au Mali et s’installer au pouvoir, serait l’idée la plus biscornue qui soit. L’on voit mal, en effet, un putschiste se faire encore accepter dans ce pays après les péripéties de Sanogo et des siens. En clair, le coup d’Etat du capitaine Sanogo n’a absolument rien apporté comme solution aux problèmes maliens. Il a d’ailleurs précipité l’occupation des deux tiers du territoire et accentué l’insécurité. Toute chose qui justifie, à l’heure actuelle, la présence de toutes les armées du monde sur le sol malien et la remise en cause de la souveraineté nationale. Bien entendu, ce n’est pas un autre coup d’Etat qui apportera la solution à ces épineuses équations. Bref, au regard de la situation géopolitique du pays, la chance de survie d’un putschiste sur le trône malien ne dépasserait guère quelques heures. Tout aventurier ou adepte de coup d’Etat se doit bien d’inclure cette réalité dans son plan de conquête du pouvoir à moins qu’il soit le plus niais des putschistes.
Reste donc la tentative d’assassinat. Par rancœur, voire rancune, nostalgie, vengeance, haine, etc., (les motivations ne peuvent manquer ces temps-ci), quelqu’un serait bien tenté d’en découdre avec le président élu. Mais véritablement pas, dans l’intention de s’installer au pouvoir. Vue sous ce prisme, la thèse de la tentative d’assassinat serait la plus plausible. En tout état de cause, c’est, une fois de plus, hypothéquer l’avenir du pays.
C’est certainement le lieu de rappeler que les pro-putschistes du 22 mars 2012 ont filé du mauvais coton en justifiant leur adhésion au coup de force à travers leur seul jugement de valeur, voire leur haine à l’endroit du président déchu, Amadou Toumani Touré. Naturellement, c’est vers eux que les regards se tournent aujourd’hui pour avoir, une fois, justifié un coup d’Etat par des contraintes de gouvernance. Ils ont bien donné la nette impression et à travers des actes sanguinaires, que la seule alternative aux problèmes de gouvernance, reste le coup d’Etat, voire, l’élimination physique d’éventuels empêcheurs de tourner en rond.
B.S. Diarra