Arrêté par des hommes en tenue militaire, le jeune lieutenant commando-parachutiste Mohamed Ouattara est écroué au camp I de Bamako. Il en est de même pour certains sous-officiers bérets rouges et bérets verts au nombre de huit. Tous sont supposés être impliqués dans le même complot. Mais, selon une source fiable, cette arrestation serait «une stratégie ostentatoirement téléguidée par le pouvoir afin de priver de leur liberté des politiques encombrants pour le régime louvoyant, et de certains meneurs d’hommes au sein de la grande muette actuellement agitée par les événements malheureux de Kidal.»
Suite au déclenchement de l’Opération Serval, le lieutenant Ouattara fait partie des vaillants soldats maliens qui étaient alors dans le grand nord. Au devant d’un important détachement de commandos parachutistes, fer de lance de l’armée, Ouattara, connaissant bien le nord Mali, collabore avec le général Elhadj Gamou. Le 10 avril 2013, à Tarkint, il met la main sur le trafiquant de drogue, maire de la petite ville de Tarkint, Baba Ould Cheick.
C’est ainsi qu’il s’empare de la voiture de ce dernier. Alors que certaines langues l’accusent faussement d’avoir volé la voiture d’un Arabe. «Le véhicule 4×4 dont il s’agit était chargé d’un butin de guerre du bandit trafiquant de drogue et membre du Mujao», lâche une de nos sources. Et comme le général Didier Dackou, alors chef des opérations, n’était pas d’accord avec lui sur le fait d’avoir pris la voiture du terroriste, il est rappelé à Bamako. Il obéit très vite et rejoint la capitale pour répondre à la hiérarchie.
Il faut dire que le jeune militaire est discipliné, contrairement aux caporaux qui disent «merde» à des généraux et sans conséquences. Apparemment, le Lieutenant Mohamed n’est pas un officier facile à manipuler. Il a donc de quoi pour être influent et craint. D’ailleurs, depuis l’avènement du coup d’Etat orchestré par Sanogo, il est surveillé comme du lait sur le feu. En effet, lorsque Sanogo prend le pouvoir en mars 2012, le jeune meneur d’hommes était au front. Comme toutes les troupes, il revient avec la sienne et refuse d’être désarmé par des putschistes. C’était à Niamana, à l’entrée de Bamako. Il était avec le capitaine Ongoïba, un autre meneur de troupes, relevant du même régiment. Au bout de rudes négociations, lui et Ongoïba disent avoir mis l’intérêt de la nation au-dessus et cèdent au désarmement. Puis, ils rejoignent leur camp aux côtés d’Abidine Guindo. Et suite au contrecoup d’Etat du 30 avril 2012, auquel il avait refusé de participer, il fut arrêté par les hommes de Seyba Diarra, proche du capitaine Sanogo catapulté général.
En vérité, depuis le putsch de 2012, Mohamed marche sur des œufs. Son charisme et sa qualité de meneur d’hommes lui sont devenus des cailloux dans les bottes. Il est craint, mis sur écoute téléphonique puis surveillé comme du lait sur le fait. «Il est d’une piété sans pareil, lâche une de ses connaissances.» Selon ce dernier, il est le seul aujourd’hui qui n’a pas besoin de crier pour ramener tout le camp à la raison, en cas de débordement des hommes. Il faut dire qu’il est très écouté et s’entend très bien avec ses hommes. La hiérarchie est ainsi embarrassée par cet extraordinaire jeune militaire sans égal dans l’armée. «Le lieutenant Mohamed Ouattara est un soldat discipliné, fulmine un de ses proches, et lui, qui a refusé de soutenir le putsch et le contre putsch de 2012… ne peut pas oser faire cela…».
Pour le mettre aux arrêts, la Sécurité d’Etat (SE) a bénéficié du service de la justice et de la police militaires. Une fois enlevé à Bamako, il est directement acheminé à la Sécurité d’Etat sans qu’il le sache dans un premier temps. Il y passe ainsi toute une nuit sous une rude épreuve interrogatoire. De la SE, il est remis à la police militaire, puis la justice militaire encore, et enfin, il est acheminé au camp I où il est actuellement écroué.
Depuis le samedi dernier, il est interrogé et refuse de dire mot. Ce travail musclé est effectué par le service d’intervention judiciaire [SIJ] au Camp I de la gendarmerie de Faladié à Bamako. Bien cuisiné pendant toute la première nuit, la belle question qui revient dans la bouche des ses geôliers est de savoir s’il a des relations avec Soumeylou Boubeye Maïga, le ministre de la Défense démissionnaire.
Mais, selon une autre source, pessimiste quant au sort de Mohamed et des autres militaires dont le sergent-chef Sylla, «la suite est connue du moment où on insiste sur ses relations avec Boubeye. On veut juste trouver un prétexte quoique compromettant afin de les liquider, puis arrêter l’ancien ministre de la Défense parce qu’il insiste sur des enquêtes parlementaires pouvant amener plus d’un habitant de la roche Tarpéienne au Capitole.»